En 2018 une étude menée sous la houlette de la société américaine de cancérologie (American Cancer Society) avait mis en évidence que l’incidence du cancer pulmonaire chez les moins de 50 ans touchait désormais plus de femmes que d’hommes. Ce que les évolutions dans le tabagisme peinaient à totalement expliquer. Revenant sur cette problématique cinq ans après, les auteurs ont examiné cette fois l’évolution des incidences du cancer pulmonaire en fonction du sexe et de l’âge chez les 30-85 ans entre 2000 et 2019. Ce travail montre que globalement, et dans les deux sexes, l’incidence de ces cancers continue à reculer. Mais ce recul moindre chez les femmes engendre une incidence désormais supérieure chez celles-ci, dans toute la tranche d’âge des 35-54 ans (1). Chez les plus âgés, passés 55 ans, même si là aussi la baisse est moins importante chez les femmes, l’incidence reste néanmoins toujours plus grande chez les hommes.
Les données de 22 registres sur 20 ans rassemblant la moitié de la population
Cette étude transversale est fondée sur les données de 22 registres du National Cancer Institute qui couvrent environ la moitié de la population américaine.
Elle prend en compte les diagnostics de cancers bronchopulmonaires portés ces 20 dernières années (2000-2019). Ces cas ont été stratifiés par sexe, par âge au diagnostic — classés par classes d’âge de cinq ans allant de 30-34 ans à 85 ans — et par années de diagnostic, par tranches de cinq ans, soient les périodes 2000-2004, 2005-2009, 2010-2014 et 2015-2019.
Net recul global des incidences, mais bien moindre chez les femmes
Globalement dans les deux sexes, l’incidence du cancer bronchopulmonaire recule depuis les années 2000. Mais, dans les années 2000-2004 et 2015-2019, ce recul a été bien plus important chez les hommes que chez les femmes. Ce qui résulte aujourd’hui en une incidence plus importante chez les femmes que chez les hommes âgés de 35 à 54 ans.
Ainsi chez les 50-54 ans, l’incidence a reculé de 44 % chez les hommes en 20 ans. On est passé de 65 à 37 cas/100 000 personnes-années. Alors que, dans le même temps, chez les femmes ce recul s’est limité à 20 %, l’incidence passant de 47 à 38 cas/100 000 personnes-années.
Résultat dans cette tranche d’âge, le ratio femme/homme a largement augmenté, passant de 0,73 (RR = 0,73 [0,72-0,75]) en 2000-2004 à un peu plus de 1 en 2015-2019 (RR = 1,05 [1,02-1,08]).
En revanche, passés 55 ans l’incidence reste plus importante chez les hommes que chez les femmes ; mais les différences entre les sexes tendent à se tasser.
L’évolution du tabagisme pas seule en cause
Pour les auteurs, cette nouvelle analyse montre que désormais, dès 55 ans les femmes ont un surrisque de cancer bronchopulmonaire par rapport aux hommes. Les raisons de cette évolution restent néanmoins selon eux peu claires. En effet la prévalence et l’intensité du tabagisme dans les études de cohorte ne paraît pas plus importantes chez les femmes. Par ailleurs aucune étude n’a mis en évidence un surrisque carcinogène du tabagisme chez les femmes. Et l’effet d’un éventuel surdiagnostic est difficile à plaider à ces âges. Alors, que se passe-t-il ? Les auteurs émettent plusieurs hypothèses.
Les autres expositions potentiellement carcinogènes, qui touchent généralement plus les hommes comme celle à l’amiante, ont reculé ces dernières années. Ce phénomène pourrait avoir contribué à un plus grand recul chez eux.
Une autre hypothèse est l’éventuel effet du type de cancer. En effet, la diminution du risque de cancer à l’arrêt du tabagisme n’évolue pas de la même façon pour tous les sous-types de cancers pulmonaires. Le risque d’adénocarcinome en particulier, tumeurs plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, recule plus lentement. « Quoi qu’il en soit, en pratique clinique, ces données montrent qu’à l’avenir il faut intensifier les campagnes de sevrage tabagique à destination des femmes jeunes et d’âge moyen », concluent les auteurs.
(1) A Jemal et al. The Burden of Lung Cancer in Women Compared With Men in the US. JAMA Oncol 2023. doi :10.1001/jamaoncol.2023.4415
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