EN2005,8,1%de la population avait plus de 75 ans et 1,8 % plus de 85 ans. En 2050, compte tenu de l’évolution démographique, ces chiffres devraient respectivement être de 18 % et 7,5 %. « Il s’agit là d’un véritable enjeu de santé publique car les sujets âgés, au-delà du problème de la dépendance, sont plus souvent hospitalisés que les autres et les infections représentent l’une des premières causes de morbimortalité », rappelle le Dr Gavazzi.
Par exemple, le nombre d’hospitalisation pour pneumonie et infection urinaire est 3 à 20 fois plus fréquent que dans la population générale selon le type de population âgée ; La population âgée est très inhomogène, ce qui rend compte d’ailleurs de l’absence d’intérêt de l’utilisation de l’âge chronologique pour définir ce qu’est un sujet âgé.
À côté des infections banales, touchant la sphère pulmonaire et urinaire, les sujets âgés ont aussi plus fréquemment des infections des tissus mous et du tube digestif. Mais on constate aussi l’émergence d’infections des implants (pacemaker, prothèses), ce qui est loin d’être anodin, ainsi que la persistance d’un taux élevé d’infections nosocomiales (10 à 15 %), alors qu’il a été divisé par deux entre 2001 et 2006 dans la population générale.
Dépendance fonctionnelle.
Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation de l’incidence des infections avec l’âge. Tout d’abord la dépendance fonctionnelle, qui est un facteur de risque démontré d’infection chez le sujet âgé. Ensuite la fréquence des comorbidités, notamment de la malnutrition protéino-énergétique. Enfin l’altération des barrières cutanéo-muqueuses, la moins bonne clairance ciliaire, la « paresse » vésicale… Sans oublier l’immuno-sénescence, dont l’impact est surtout net en matière de réponse vaccinale.
« On se retrouve ainsi face à une population plus vulnérable, qui répond moins bien aux stress et qui est en outre plus exposée aux épidémies du fait de la vie en collectivité », souligne le Dr Gavazzi, avant de rappeler que l’épidémiologie microbienne est elle-même différente dans la population gériatrique, avec par exemple des bactériémies plus volontiers à bacilles gram négatifs, alors que les cocci gram positifs prédominant chez l’adulte.
Signes atypiques.
La présentation clinique des infections a, elle aussi, ses particularités. Il y a souvent moins de signes cliniques spécifiques, tandis que les signes atypiques occupent le devant de la scène. Ceci est très net dans les infections urinaires : peu de fièvre, mais souvent des chutes, un syndrome confusionnel, une anorexie, une fatigue généralisée.
La fréquence de ces tableaux trompeurs est une source de retard diagnostique, voire de non diagnostic ou à l’inverse de surdiagnostic ; en période hivernale de syndromes viraux, nombre de bactériuries asymptomatiques sont en effet considérées comme une infection urinaire et traitées, à tort, comme telles.
La procédure diagnostique est également rendue complexe : la moindre mobilité, la présence de troubles confusionnels…, sont autant de facteurs limitant la réalisation, dans de bonnes conditions, des examens complémentaires tels qu’une radiographie pulmonaire, un scanner ou une fibroscopie bronchique. Cette difficulté peut être illustrée par l’exemple de la pneumonie, dont le diagnostic radiographique n’est pas facile du fait de la présence d’une scoliose, de séquelles pulmonaires et aussi parce qu’une pneumonie, chez un sujet âgé, va moins vite à déterser et peut modifier l’aspect radiographique pendant 3 à 4 mois.
« Nous avons donc aujourd’hui besoin de biomarqueurs pour nous aider dans l’orientation diagnostique », insiste le Dr Gavazzi, qui déplore le contraste entre l’enjeu du vieillissement de la population et le peu d’intérêt scientifique qui y est porté. « Par exemple, plus de 1 000 articles ont été publiés sur l’intérêt de la procalcitonine en tant que biomarqueur d’infection, mais seulement 4 concernaient des sujets âgés. Or l’un des risques est la surconsommation d’antibiotiques, qui sont souvent prescrits juste « par peur » de complications et non pas parce qu’ils sont justifiés ».
Bacilles multirésistants.
À cela vient s’ajouter le problème de l’antibiorésistance. Les sujets âgés sont plus souvent porteurs de bacilles multirésistants et on constate notamment une incidence accrue de bactéries sécrétrices de bêtalactamases à spectre élargi. Il semble, en particulier, que la population très âgée, présentant des comorbidités et vivant en collectivité soit plus susceptible d’être porteuse de telles bactéries et donc de constituer un réservoir. « Nous avons aussi besoin d’une traçabilité chez les sujets âgés, car le diagnostic se fonde sur un faisceau de preuves et il nous faut bien souvent l’ensemble de l’histoire pour adopter la bonne stratégie ».
La décision thérapeutique est plus compliquée que chez les plus jeunes : d’une part, le rapport bénéficie/risque des traitements est modifié du fait d’une plus grande fréquence des effets secondaires ; d’autre part, parce que le pronostic de la maladie aiguë est à mettre en regard du pronostic global du patient. Or ce dernier, à âge équivalent, varie considérablement d’une personne à une autre.
* D’après un entretien avec le Dr Gaëtan Gavazzi, infectiologue et gériatre, CHU de Grenoble.
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