L’asthme infantile est associé à des troubles cognitifs, en particulier des troubles de la mémorisation épisodique, mémoire qui se développe au cours de l’enfance. C’est ce qu’il ressort d’une étude longitudinale américaine, sans que l’on puisse départager la part de la pathologie et sa composante inflammatoire éventuelle sur le système nerveux central (SNC) de celui des traitements, en particulier corticoïdes, ceux-ci n’étant pas documentés dans ce travail (1). Cette association touchant surtout les enfants ayant développé un asthme précoce, il faudrait par ailleurs à l’avenir explorer si les atteintes sont davantage liées à la précocité de l’apparition de l’asthme ou à sa durée, observent les auteurs.
Une étude longitudinale de cohorte sur près de 500 enfants
Cette étude est partie de la cohorte observationnelle américaine sur le développement cognitif des adolescents, initiée en 2015. Cette cohorte rassemble plus de 11 000 enfants, âgés de 9 à 10 ans à l’inclusion, et suivis/réévalués à un an et deux ans. Parmi eux, les auteurs ont retenu près de 500 enfants, dont 135 étaient déjà asthmatiques à l’inclusion, soit un développement précoce ; ils étaient âgés de 9,9 ans en moyenne, et à 56 % des garçons.
Dans la cohorte de 500 enfants, 102 ont développé un asthme plus tardif (apparu durant les deux ans de suivi) ; ils étaient âgés en moyenne de 9,9 ans à l’inclusion, avec 53 % de garçons. Restaient 237 enfants témoins, indemnes d’asthme, âgés en moyenne de 9,9 ans à l’inclusion, avec 51 % de garçons.
Moins bonne acquisition de la mémoire épisodique au cours du suivi
La comparaison des scores des enfants de la cohorte longitudinale met en évidence un retard dans la progression de la mémoire épisodique chez les enfants ayant développé un asthme précoce. Pour rappel, il s’agit de la mémoire permettant de se rappeler des événements passés en détail, une capacité de mémorisation liée à l’hippocampe, qui se développe durant l’enfance.
Dans le groupe témoin non asthmatique, cette capacité mémorielle a progressé au cours du suivi (+0,28 ; p < 0,001). Elle a aussi progressé dans le groupe asthme précoce, mais significativement moins (avec un delta de -0,17 ; p = 0,01). En revanche, on ne met pas en évidence de différence significative entre le groupe témoin et le groupe dit « asthme tardif », des enfants chez qui l’asthme s’est installé au cours du suivi.
Mémoire, vitesse d’exécution et inhibition/attention réduits
Pour compléter le panorama, les auteurs ont mené une étude transversale sur cette même cohorte, à partir de 1 031 enfants asthmatiques appariés à 1 031 enfants non asthmatiques, de 12 ans d’âge moyen.
Or, chez ces asthmatiques on observe globalement une moins bonne mémoire épisodique (-0,09 : p = 0,04), une vitesse d’exécution réduite (-0,13 ; p = 0,01) et de moins bons scores d’inhibition/attention (-0,11 ; p = 0,02). Et ces résultats ne sont pas modifiés par les covariables.
Une physiopathologie possiblement liée à une inflammation du SNC
L’asthme, dont la physiopathologie reste incomplètement comprise, est dominé par un processus inflammatoire qui n’est pas limité aux poumons et pourrait d’étendre à une neuroinflammation du SNC. C’est en tout cas ce que suggèrent des travaux récents menés chez des rongeurs, chez lesquels l’asthme est associé à des dommages neuronaux au niveau de l’hippocampe, une structure cérébrale particulièrement vulnérable à l’inflammation. Il est possible aussi que les difficultés respiratoires entrainent elles-mêmes des épidoses d’hypoxie cérébrale pouvant induire des dommages au niveau de l’hippocampe. « Et un asthme apparaissant tôt, à un âge jeune, pourrait venir perturber le neurodéveloppement du SNC, en particulier dans les régions ayant une plasticité importante à cet âge, comme l’hippocampe », suggèrent les auteurs.
(1) N J Christopher-Hayes et al. Asthma and Memory Function in Children. JAMA Network Open. 2024;7(11):e2442803
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