« Le risque d’embolie pulmonaire durant la grossesse reste, certes, peu élevé puisqu’il est de 1 sur 1 000 grossesses mais c’est un risque à ne surtout pas négliger car l’embolie est la troisième cause de mortalité chez les femmes enceintes. Toute la difficulté est de faire le bon diagnostic et d’aller au bout de la démarche diagnostique, explique la Dr Cécile Tromeur, pneumologue au CHU de Brest. En effet, les médecins ont tous des pratiques différentes pour le diagnostic d’embolie pulmonaire et sont parfois réticents à faire un examen d’imagerie chez une femme enceinte en raison des risques d’irradiation pour la patiente et pour le fœtus. De plus, la qualité de l’imagerie est souvent médiocre chez la femme enceinte à cause des changements physiologiques liés à la grossesse (compression veineuse par le fœtus, hyperdébit lié au placenta) ».
Interprétabilité et niveau de radiation
« Il n’y avait jusqu’alors aucun de score clinique validé chez la femme enceinte et il persiste un débat sur le fait d’utiliser plutôt un scanner ou une scintigraphie », poursuit la Dr Tromeur, qui a réalisé une vaste méta-analyse, portant sur 700 articles, dont les résultats ont été publiés cette année dans la revue Haematologica (1). « L’idée était de regarder dans la littérature s’il y avait, entre le scanner et la scintigraphie, des différences de performance diagnostique, en termes de nombre d’examens non interprétables et de niveaux d’irradiations. Et je reconnais que cette méta-analyse a fait évoluer les positions que j’avais sur le sujet », souligne la pneumologue.
Au départ, la Dr Tromeur pensait que le scanner était plus performant. « Or, je me suis rendu compte que la performance diagnostique était la même que pour la scintigraphie. La scintigraphie et l’angioscanner thoracique avaient la même valeur prédictive négative pour le diagnostic d’embolie pulmonaire. De plus, je pensais qu’il y avait plus d’examens ininterprétables avec la scintigraphie qu’avec le scanner. Mais au final, il n’y avait aucune différence entre les deux techniques : entre 12 et 14 % d’examens non interprétables », indique-t-elle.
Reste le problème des irradiations. « Le scanner est plus irradiant pour la poitrine des femmes mais très peu pour le fœtus. Au contraire la scintigraphie est, elle, plus irradiante pour le fœtus mais peu pour la poitrine. Mais dans tous les cas, on reste sur des irradiations cent à mille fois inférieures au seuil jugé tératogène », souligne la Dr Tromeur.
Au final, chez une femme enceinte, faut-il mieux faire une scintigraphie ou un scanner ? « Au niveau international, les recommandations sont toutes différentes. En France, de nouvelles recommandations de la société de pneumologie de langue française vont être mises en ligne d’ici la fin de l’année. Elles suggéreront de réaliser une scintigraphie de perfusion en première intention pour limiter les risques d’irradiation mammaire, sauf si un diagnostic différentiel est évoqué à la radiographie pulmonaire auquel cas, un angioscanner thoracique doit être réalisé ».
Premier algorithme
Un autre article, paru cette année, a quant à lui validé pour la première fois, via une étude conduite sur 400 patientes enceintes avec suspicion d'embolie pulmonaire, un algorithme diagnostique (2). « Il s’agit de l’algorithme standard comprenant le score de Wells et un seuil de D-dimère standard (500 ng/ml). L’étude montre que, parmi les patientes qui n’avaient pas été anticoagulées à la suite de cet algorithme et donc chez lesquelles une embolie pulmonaire avait été exclue, aucune n’a présenté d’embolie dans les trois mois qui ont suivi, suggérant que cette démarche diagnostique est sécuritaire. Il s’agit du premier algorithme diagnostique validé chez la femme enceinte », indique la Dr Tromeur.
Entretien avec la Dr Cécile Tromeur, pneumologue au CHU de Brest
(1) Tromeur C et al. Computed tomography pulmonary angiography versus ventilation-perfusion lung scan for pulmonary embolism diagnosis during pregnancy: a systematic review and meta-analysis. Haematologica. 2018 Aug 16 doi: 10.3324/haematol.2018.196121
(2) Annals Intern medicine, Octobre 2018
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