L’arachide (Arachis hypogae, cacahuète, angl. : peanut) est une légumineuse annuelle touffue, à fleurs jaunes, de la famille des Papillionacées. Les Légumineuses (angl. : legums) comportent 2 autres sous-familles, les Mimosoïdées et les Césalpinidées.
Il en existe 3 principaux types : Virginia (Arachis hypogae hypogae), aux graines les plus grosses, Spanish (Arachis fastigiata vulgaris) et Valencia (Arachis fastigiata fastigiata), ainsi que des hybrides telles que « Runner », hybride de Virginia et de Spanish.
Elle est surtout cultivée dans les régions tropicales et subtropicales, dans les sols sablonneux (elle a été implantée en France dans les Landes). Les États-Unis sont les premiers consommateurs au monde, mais l’Europe est devenue depuis longtemps un fort consommateur.
La graine, communément appelée cacahuète (de l’aztèque « cacahouate ») est consommée après torréfaction. On obtient de l’huile par pression à froid ou à chaud, à partir de laquelle on fabrique du beurre. Les tourteaux sont surtout destinés à l’alimentation du bétail. Les graines les plus grosses, décortiquées puis triées à la main, constituent l’arachide de bouche. Les petites graines ou les brisures sont utilisées en confiserie (biscuits, enrobage dans du chocolat, etc).
À la fin des années 90, la consommation d’arachide était de 2,6 kg/personne/an aux États-Unis et de 2,1 kg au Royaume-Uni, pouvant atteindre 5 kg chez certains individus. Elle est beaucoup plus faible dans les pays nordiques (0,8 kg en Suède).
Une dizaine d’allergènes
Les allergènes majeurs et mineurs de l’arachide sont nombreux (plus d’une dizaine), surtout de Ara h1 à Ara h9. Leurs propriétés biologiques et leurs familles ont été déterminées : Ara h 1 (viciline : 63 kDa), Ara h 2 (conglutine : 17-20 kDa), Ara h 3 et Ara h 4 (glycinine : 37 et 60 kDa), Ara h 5 (profiline : 15 kDa), Ara h 6 (homoconglutine : 1,5 kDa), Ara h 7 (homoconglutine : 14 kDa), Ara h 8 (PR-10 protéine). Les lettres de cette terminologie abrégée désignent le genre (« Ara » pour « Arachis ») et l’espèce (« h » pour « hypogaea »), le chiffre se référant à la protéine en cause (1, 2, 3, etc.). Il existe également des oléosines mais le rôle joué par ces allergènes est actuellement inconnu.
En pratique, au cours de l’allergie à l’arachide, cinq protéines sont associées à des réactions cliniques de sévérité variable : Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3, Ara h 8 et Ara h 9. On peut doser les IgE sériques spécifiques (IgEs) dirigées contre les allergènes naturels (par exemple n Ara h 1) ou contre certains allergènes recombinants (par exemple r Ara h 1).
Au moins 95 % des personnes avant des tests cutanés positifs à l’arachide ont un des IgEs dirigées contre r Ara h 1, r Ara h 2 et r Ara h 3 et présentent des symptômes après la consommation d’arachide. Protéines de stockage des graines, ces protéines sont résistantes à la chaleur et sont potentiellement la cause de réactions sévères.
Une IgE-réactivité contre r Ara h 8 (protéine PR10) est associée à une allergie aux pollens de bouleau ou d’autres Bétulacées et est observée au cours de symptômes mineurs comme le syndrome d’allergie orale (SAO) (1).
Une IgE-réactivité vis-à-vis de r Ara h 9 (stable à la chaleur et en milieu digestif) peut être observée aussi bien pour des SAO que pour des symptômes sévères. Ara h 8 est associée à des réactions croisées avec les pollens et à des réactions légères à l’ingestion d’arachide (18 % des sujets allergiques à l’arachide).
Un individu allergique sur deux présente en outre une allergie aux fruits à coque (en particulier noix de cajou et lupin).
Une prévalence qui augmente
La prévalence de l’allergie à l’arachide augmente, de même que sa sévérité (2). Son impact psychologique est important. Elle affecte maintenant 2 à 4 % des jeunes enfants, et pose donc un important problème de santé publique (2).
Les études épidémiologiques montrent que, dans la population générale, la prévalence de l’allergie à l’arachide est passée de 0,6 % à 1,8 % entre 1997 en Grande-Bretagne (3), mais ces pourcentages sont actuellement plus élevés, dans tous les pays industrialisés dont la France (4).
L’arachide est l’un des trois principaux aliments responsables d’allergie alimentaire (AA) chez l’enfant. En France, l’arachide est la deuxième cause d’AA chez l’enfant âgé de 2 à 15 ans, derrière le lait de vache (4).
Pourquoi l’allergie à l’arachide est-elle devenue aussi fréquente ?
Les causes de cette augmentation sont imparfaitement connues. Néanmoins, les raisons avancées sont les suivantes :
– l’omniprésence de l’arachide dans l’alimentation ;
– la présence des allergènes de l’arachide dans l’environnement après sa consommation (5-7) ;
– la pénétration des allergènes de l’arachide facilitée par l’altération de la barrière cutanée par exemple chez les enfants souffrant d’eczéma atopique (7). Voir l’étude LEAP (Learning About Peanut Allergy) (7,8).
Des hypothèses formulées il y a quelques années comme la consommation accrue de cacahuètes par les mères pendant la grossesse ou l’allaitement ne sont plus retenues. Comme pour beaucoup d’autres aliments, la consommation précoce d’arachide induit une tolérance alimentaire (7).
Prévention et traitement
Les nouveautés, à contre-courant des idées et prescriptions de naguère sont nombreuses : la plupart ne sont pas connues du public (en général) et de nombreux médecins (en particulier) :
– Actuellement, plus aucun régime excluant l’arachide n’est recommandé chez la femme enceinte ou pendant l’allaitement, comme ce fut le cas il y a plus d’une dizaine d’années.
– Le régime d’un nourrisson à risque allergique (un ou plusieurs antécédents allergiques dans la famille nucléaire) doit être le même que celui d’un nourrisson normal. Il n’est pas recommandé de retarder la diversification, en particulier l’introduction des aliments réputés « allergisants », bien au contraire, car leur introduction précoce favorise la tolérance alimentaire.
– Chez un enfant ayant une AA prouvée à l’arachide, le régime d’éviction dépend de l’âge et de la quantité d’allergènes qui déclenche les symptômes : i) une quantité d’arachide franche et significative (par exemple plusieurs graines) conduit à l’exclusion de l’arachide non masquée ; ii) un diagnostic porté devant un seuil réactogène bas (<5 mg) au cours du test de provocation par voie orale (TPO) doit entraîner un régime strict (excluant même les aliments dont l’étiquetage comporte la mention « peut contenir de l’arachide »).
– Depuis quelques années les allergologues utilisent une induction de tolérance par immunothérapie orale (ITO) selon une phase d’escalade des doses (à l’hôpital) et une phase de maintenance (apport régulier d’allergènes). Les protocoles sont variables. Les recommandations internationales ne sont pas encore uniformisées et l’ITO est effectuée sous la responsabilité de l’allergologue. Comme pour d’autres allergènes (lait, œuf) les résultats sont bons, permettant d’obtenir au moins une accoutumance (diminution de la réactivité aux allergènes) et au mieux une guérison vraie (persistant après l’arrêt du traitement).
– Une prévention primaire sera bientôt disponible par induction de tolérance en faisant consommer très tout de l’arachide au nourrisson, en particulier, sous forme de bouillies dans le biberon (voir l’étude LEAP) (8).
En conclusion, l’étude des allergènes de l’arachide nous a conduit à aborder le « diagnostic moléculaire de l’allergie » ou « diagnostic basé sur les composants allergéniques ». Les résultats obtenus sont intéressants mais, toutes ces « associations possibles » étant en fait des « facteurs de risque », il faut rappeler au clinicien que les résultats sont à interpréter en fonction de l’histoire clinique du patient, puisqu’une sensibilisation ne s’accompagne pas toujours d’une réaction clinique (9).
Allergologue – Pneumologue – Pédiatre. L’auteur n’a pas de conflit d’intérêt.
1. Dutau G. Fréquent mais méconnu : le syndrome d’allergie orale à l’heure de l’allergie moléculaire. Lettre d’ORL 2013 ; 333 : 22-26.
2. Teufel M, Biedermann T, Rapps N, et al. Psychological burden of food allergy. World J Gastroenterol 2007; 13(25): 3456-65.
3. Hourihane JO, Aiken R, Briggs R, et al. The impact of government advice to pregnant mothers regarding peanut avoidance on the prevalence of peanut allergy in United Kingdom children at school entry. J Allergy Clin Immunol 2007 ; 119(5) : 1197-202.
4. Rancé F, Grandmottet X, Grandjean H. Prevalence and main chharacteristics os schollchildren diagnosed food allergies in France. Clin Exp Allergy 2005 ; 35(2) : 167-72.
5. Du Toit G, Katz Y, Sasieni P, et al. Early consumption of peanuts in infancy is associated with a low prevalence of peanut allergy. J Allergy Clin Immunol 2008 ; 122(5) : 984-91.
6. Fox AT, Sasieni P, du Toit G, Syed H, Lack G. Household peanut consumption as a risk factor for the development of peanut allergy. J Allergy Clin Immunol 2009 ; 123(2) : 417-23.
7. Lack G. Epidemiologic risks for food allergy. J Allergy Clin Immunol 2008 ;121(6):1331-6.
8. Du Toit G, Roberts G, Sayre PH, et al. Randomized trial of peanut consumption in infants at risk for peanut allergy. New Engl J Med 2015 ; 372(9) : 803-10
9. Bidat E. https://www.allergienet.com/allergenes-moleculaires-et-aliments/ (consulté le 10 novembre
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