Les études KBP sont des études épidémiologiques en vie réelle colligeant tous les nouveaux cas de cancer bronchique primitif (ou cancer du poumon), diagnostiqués sur une année au sein des centres hospitaliers ou apparentés (Espic, HIA), qui prennent en charge près de la moitié des cancers du poumon en France. L’intérêt de ces études répétées sur 20 ans, avec une méthodologie identique sur chaque édition, est de pouvoir faire des comparaisons avec un effet baromètre. Malgré les contraintes liées à l’épidémie de Covid, une cohorte importante de 8 999 patients a pu être constituée en 2020. En 2000, l’étude intégrait 5 667 patients, quand il y en avait 7 051 en 2010.
Bientôt la parité chez les plus jeunes
« Si l’on avait déjà constaté, entre 2000 et 2010, une forte augmentation du cancer du poumon chez les femmes, cela se confirme en 2020. Aujourd’hui, un peu plus d’un tiers des cancers diagnostiqués en France dans les centres hospitaliers touchent des femmes », souligne l’investigateur principal de l’étude KBP, le Dr Didier Debieuvre (Mulhouse).
Ainsi, en 2000, les femmes représentaient 16 % des nouveaux diagnostics. Elles sont passées à 24 % en 2010 pour grimper à 34,6 % en 2020. « Cette tendance se retrouve dans les autres pays et, aux États-Unis, le cancer du poumon est déjà devenu la première cause de mortalité, devant le cancer du sein, chez les femmes. Cela est encore plus marqué chez les moins de 50 ans, puisque 41,1 % des nouveaux cas sont féminins dans cette tranche d’âge. La parité va bientôt être atteinte », souligne le pneumologue. Cette hausse exponentielle serait attribuable à un tabagisme, plus récent par rapport aux hommes, et à son augmentation importante chez les femmes.
Une implication hormonale
Le tabac reste la cause majeure de cancer du poumon : 87,4 % des patients sont des fumeurs actifs ou des anciens fumeurs.
Mais la proportion des non-fumeurs (12,6 %) est en augmentation par rapport à 2010 et 2000 (respectivement 10,9 % et 7,2 %). « À cela, plusieurs explications, notamment les campagnes de lutte contre le tabagisme, qui peuvent commencer à porter leurs fruits. Il y a aussi la présence d’autres facteurs de risque (génétiques, pollution atmosphérique, exposition professionnelle à l’amiante, au radon…), rappelle le Dr Debieuvre. Chez les femmes, il existe un facteur hormonal. On constate qu’il y a plus de cancers du poumon après la ménopause, mais sans implication thérapeutique à l’heure actuelle. Et la proportion de non-fumeuses reste toujours plus importante que chez les hommes (environ 25 %). »
L’étude KBP-2020 permet enfin de noter, pour la première fois, l’effet du cannabis : les fumeurs réguliers (3 joints par jour en moyenne et même 4 chez les moins de 50 ans !) représentent 3,6 % de la cohorte et un tiers des patients de moins de 50 ans. « Pour l’instant, les données scientifiques sont contradictoires. Cependant, ces résultats de KBP-2020 vont clairement dans le sens d’un rôle carcinogène du cannabis, avec des cancers du poumon qui surviennent précocement chez des sujets jeunes », prévient le pneumologue.
Une population plus âgée, en meilleur état général
Le cancer du poumon est un cancer du sujet âgé. L’étude KBP-2020 montre que l’âge moyen au diagnostic est un peu plus élevé, passant de 64,6 ans en 2010 à 67,8 ans en 2020. Cette évolution s’explique probablement par un effet mécanique, compte tenu du vieillissement de la population générale et de l’immunosénescence, qui augmente le risque de cancer. Cependant, l’état général des patients est meilleur qu’en 2000.
En 20 ans, aucune amélioration n’a été constatée quant au stade au diagnostic. « Les cancers bronchiques sont toujours diagnostiqués à un stade trop avancé. En 2020, près de 60 % des nouveaux cas sont diagnostiqués à un stade métastatique ou disséminé. Un argument de plus en faveur de la mise en place d’un dépistage organisé [lire aussi p. XX] pour un diagnostic précoce à un stade localisé potentiellement chirurgical », insiste le Dr Debieuvre.
En ce qui concerne l’histologie, alors qu’en 2000, les cancers épidermoïdes prédominaient, ce sont aujourd’hui les adénocarcinomes qui sont les plus fréquents.
Recherche de mutations chez 88 % des patients éligibles
L’étude KBP-2020 met en évidence un recours de plus en plus important à la recherche de mutations pour pouvoir proposer des thérapies ciblées. La mise en place des plateformes de biologie moléculaire en 2010 a permis qu’elle devienne de routine chez les patients éligibles, ceux atteints de cancers métastatiques ou localement avancés, non à petites cellules et non épidermoïdes, selon les recommandations. En 2020, 88 % des patients en ont bénéficié. « Ce que l’on espère, au vu des progrès thérapeutiques offerts par les thérapies ciblées et l’immunothérapie, c’est de constater une amélioration de la survie globale dans des conditions de vie réelle, confirmant les données des essais cliniques. D’après les premières données, cela semble se dessiner, car il y a une diminution de la mortalité précoce significative à 1, 3 mois et 1 an, ce qui est déjà un signal très positif » conclut le Dr Didier Debieuvre.
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