Nelson est un vaste essai randomisé mené au Pays Bas et en Belgique (1). Il porte sur plus de 13 000 hommes plus un sous-groupe de 2 600 femmes à haut risque âgés de 50 à 74 ans. Ce sont des fumeurs ou ex-fumeurs (arrêt datant de moins de 10 ans) ayant fumé au moins 15 cigarettes/j plus de 25 ans ou plus de 10 cigarettes/j plus de 10 ans. Il compare une stratégie de dépistage par scanner à l’absence de dépistage.
Le dépistage par scanner faible dose a été réalisé à 4 reprises sur 10 ans : à l’inclusion, 1 an, 2 ans, 3 ans et 5 ans et demi. La positivité du scanner est basée sur le volume du nodule et sa vitesse de doublement et non pas sur son diamètre. Sont considérés positifs les nodules de plus de 500 mm3, négatifs ceux de moins de 50 mm3, entre les deux le résultat est dit intermédiaire. Un second scanner est alors réalisé dans les 3 mois. Il est considéré positif si le temps de doublement du volume du nodule est estimé inférieur à 400 jours. Les scanners ont tous été analysés localement et de manière centralisée.
Nette amélioration de la spécificité avec 1 % de faux positifs
Les sujets de l’étude sont à 80 % des hommes. Leur âge médian est de 58 ans. Leur passif tabagique médian est de 38 paquets-années. 45 % sont des ex-fumeurs. Le critère primaire est la mortalité par cancer pulmonaire à 10 ans. Ces décès ont été adjudiqués.
Au total, 26 000 scanners ont été pratiqués. Parmi eux, 9 % ont été d’abord été classés indéterminés et ont nécessité un second scanner de suivi à 3 mois. Mais ce taux d’indéterminés a largement décru après le scanner initial. À T0, on était à près de 20 % d’indéterminés quand leur taux oscille ensuite entre 2 et 7 %.
Au cours du dépistage, au total 2,1 % de scanners ont été jugés positifs (467/26 000 scans). Après exploration, près de la moitié se sont révélés être des cancers pulmonaires. Le dépistage a donc révélé 203 cancers pulmonaires avec une valeur prédictive positive de 45 %. Soit, sur le total des scanners pratiqués, un taux de faux positifs tournant autour de 1 % (264 faux positifs/26 000 scans : 1,2 %). Par comparaison, dans la vaste étude américaine NLST, le taux de faux positifs était de 24 %.
« La stratégie de classement des scanners adoptée dans Nelson va améliorer l’acceptabilité du dépistage », commente l’éditorialiste (3). Les faux positifs et les investigations qui en découlent sont en effet un frein majeur. « Une prise de position européenne sur le dépistage des cancers pulmonaires préconise d’ailleurs cette méthode depuis 2017. »
Moins de formes avancées au diagnostic et réduction de la mortalité
À 10 ans, l’incidence cumulée des cancers pulmonaires chez les hommes dans cette étude est de 5,58 cas/1 000 patients années dans le groupe dépisté contre 4,9 cas/1 000 patients années dans le groupe contrôle (341 vs 304 cas de cancer).
Dans le groupe dépisté, quasi les deux tiers de ces cancers ont été révélés par le dépistage (60 %), un tiers y ont néanmoins échappé.
Les cancers dépistés sont, pour 60 %, des stades IA-IB alors qu’ils ne comptent que pour 13 % des cancers découverts dans le groupe contrôle. À l’inverse, la moitié des cancers non dépistés sont diagnostiqués au stade V contre 9 % de ceux dépistés.
En termes de mortalité, chez les hommes on a recensé 156 versus 206 décès par cancer pulmonaire dans les groupes dépistés versus non dépistés à 10 ans. Soit 2,5 versus 3,3 décès pour 1 000 patients années. Le risque relatif de décès est réduit de 24 % chez les hommes dépistés (RR = 0,76 [0,61-0,94]; p = 0,01) à 10 ans. La baisse est du même ordre à 8 ans, 9 ans et 11 ans.
Dans le sous-groupe des femmes, le bénéfice est non significatif à 10 ans (RR = 0,67 [0,38-1,14] NS), probablement par manque de puissance. Néanmoins cette tendance favorable est retrouvée à 7 ans (RR = 0,46 [0,21-0,96]) et 9 ans (RR = 0,52 [0,28-0,94]).
La délicate question du coût reste ouverte
Forts de cette seconde étude qui atteste du bénéfice en mortalité avec, dans cette stratégie, un moindre prix à payer en termes de faux positifs, certains appellent à mettre en place un dépistage scanographique en population. Depuis 2013, ce dépistage est préconisé/pris en charge dès 55 ans aux États-Unis. Mais aucun pays européen ne le pratique. Pour rappel, en 2006 l’HAS a récusé sa faisabilité dans la vraie vie. En France, la Fédération des médecins radiologues (FMR) a saisi, à la suite de la publication de l’étude Nelson, le ministère de la Santé pour qu’il s’engage dans la mise en œuvre d’un dépistage et lance des expérimentations (4). Des formations et accréditations à ce dépistage sont d’ailleurs à l’étude du côté des radiologues. Reste le problème du rapport coût efficacité de la stratégie quand on voit qu’il a fallu dans cette population dite à haut risque effectuer 26 000 scanners pour dépister 203 cancers…
Comme le résume parfaitement l’éditorialiste (2), «L’efficacité du dépistage est prouvée. Ce travail n’est plus à faire. Mais il nous reste à identifier la population cible dans laquelle ce dépistage serait acceptable et coût efficace ».
(1) HJ de Koning, MC van der Aalst, PA de Jong et al. Reduced Lung-Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial. NEJM 2020; 382:503-513
(2) SW Duffy, JK Field. Mortality Reduction with Low-Dose CT Screening for Lung Cancer. NEJM 2020;382:572-573
(3) M Oudkerk et al. European position statement on lung cancer screening. Lancet Oncol 2017;18:e754-e766
(4) FNMR. Communiqué de presse; Février 2020.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?