Même si, pour l’instant, les femmes sont moins nombreuses à fumer que les hommes, on constate une augmentation particulièrement inquiétante de la mortalité liée au tabac chez elles. Elle a été multipliée d’un facteur 2,5 depuis les années 2000, alors que dans le même temps elle a diminué chez les hommes. On retrouve cette évolution pour les trois grandes pathologies liées au tabac, avec une forte augmentation de la morbimortalité féminine pour la BPCO, le cancer du poumon et à moindre degré de l’infarctus du myocarde entre 2002 et 2015.
Ces chiffres sont à mettre en rapport avec la généralisation plus tardive du tabagisme féminin, dans les années 1960, avec un décalage de 20 ans entre les chiffres de vente du tabac et la mortalité par cancer bronchique par exemple. Un espoir pour l’avenir : selon le dernier Baromètre Santé, le tabagisme a commencé à diminuer chez les femmes, de 26 % à 22,9 % entre 2016 et 2018 – surtout chez les moins de 45 ans, car au-delà, au contraire, le tabagisme résiste.
Une vulnérabilité augmentée
Fumeurs et fumeuses ne semblent pas égaux face aux risques de développer un cancer bronchique ou une BPCO. Une étude publiée en mai 2018 dans le NEJM a montré une baisse plus importante du cancer bronchique chez les hommes que chez les femmes, malgré une moindre consommation de tabac chez elles. Il faut donc regarder vers d’autres facteurs explicatifs, comme les risques professionnels ou encore le rôle éventuel des œstrogènes. Il en est de même dans la BPCO.
Mais seule la baisse du tabagisme sera susceptible de diminuer les courbes de l’incidence et de la mortalité de ces pathologies… Il est donc impératif d’insister sur la prise en charge du tabac : consultation avec un tabacologue, prescription de substituts nicotiniques ou varénicline (remboursés depuis mai 2018 dernier par l’Assurance maladie), information, sensibilisation, etc. Il est certain que le paquet neutre et l’augmentation importante du prix des cigarettes (10 euros le parquet depuis le 1er mars 2020) vont également dans le bon sens.
Le bénéfice de l’arrêt du tabac est majeur. Plus les femmes arrêtent de fumer tôt, plus les risques de mortalité liés au tabac diminuent (un arrêt avant 30 ans diminue les risques de cancer bronchique de 97 %) mais, quel que soit l’âge, il y a un bénéfice à l’arrêt.
Des différences face au sevrage
Nous savons qu’il existe des différences dans le tabagisme entre les sexes. Ainsi les femmes ont une sensibilité accrue à des situations déclenchantes pour fumer par une sécrétion moindre de dopamine et davantage de récepteurs dopaminergiques. Par ailleurs, les œstrogènes renforceraient le système de la récompense à la nicotine. Ces données pourraient expliquer pourquoi l’efficacité des traitements du sevrage tabagique est moindre chez la femme.
Par ailleurs, des données montrent que la varénicline est plus efficace chez les femmes alors que les substitutifs nicotiniques le sont moins. La moindre efficacité des substituts nicotiniques s’explique par une augmentation du métabolisme hépatique de la nicotine induite par les œstrogènes. D’autres éléments sont également importants dans la prise en charge du tabagisme chez la femme, comme la crainte de la prise de poids ou la présence d’un syndrome anxiodépressif. La prise en charge du tabac doit s’adapter à la femme en prenant en compte ses besoins spécifiques.
Exergue : La varénicline est plus efficace chez les femmes alors que les substitutifs nicotiniques le sont moins
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