Travailler au bloc opératoire expose à de nombreux agents inhalés, dont les désinfectants et les produits relargués par la fumée opératoire, connus pour avoir un effet respiratoire délétère. Néanmoins, on ne sait pas si travailler au bloc majore vraiment le risque de développer une bronchite chronique obstructive (BPCO). L’étude de la cohorte américaine des infirmières (NHS) tend à montrer que c’est le cas. Les infirmières ayant exercé plus de 15 ans dans les années quatre-vingt au bloc souffrent effectivement d’un surrisque élevé de BPCO à l’issue de 25 ans de suivi.
La cohorte des infirmières de Boston
L’étude porte initialement sur les plus de 95 000 infirmières ayant rempli les questionnaires entre 1982 et 1984 puis tous les deux ans jusqu’en 2000, date à laquelle des questionnaires ciblant spécifiquement la BPCO ont été adressés aux participantes. Parmi elles, un bon nombre ont été exclues en raison de défauts d’information sur leur emploi et/ou dans de plus rares cas en raison d’une BPCO préexistante dès 1984 (3 000 infirmières). L’analyse porte in fine sur 75 000 infirmières suivies durant 25 ans.
Elles avaient 50 ans d’âge médian à l’inclusion en 1984. La moitié n’avaient jamais fumé et 13 % étaient obèses. En 1984, date butoir pour leur emploi, plus des deux tiers n’avaient jamais travaillé au bloc (70 %). Parmi elles, certaines travaillaient sans contact avec les patients (administration, éducation,...), ce qui peut correspondre à une exposition nulle aux désinfectants et à la fumée de bloc. D’autres travaillaient au contact des patients en ambulatoire, ce qui les soumettait à une exposition limitée aux désinfectants. Enfin d’autres exerçaient à l’hôpital ou en clinique avec une exposition moyenne à élevée aux désinfectants.
Parmi celles ayant exercé au bloc, donc exposées à la fumée de bloc et aux désinfectants, une minorité ont exercé plus de 15 ans. Seulement 3 % de l’ensemble de la cohorte avaient plus de 15 ans de bloc opératoire à son actif en 1984. S’y ajoutent nombre d’infirmières ayant travaillé au bloc moins de 15 ans (moins de 5 ans ou de 5 à 14 ans).
Pour tester le lien entre exposition et survenue de BPCO, plusieurs modèles d’ajustement ont été utilisés. Le premier utilise uniquement l’âge, le second l’âge et le tabagisme et le troisième âge, tabagisme, IMC, race, ethnie et région.
Plus de BPCO après des années au bloc opératoire et au contact des patients
Entre 1984 et 2000, plus de 1 000 infirmières ont développé une BPCO. La courbe cumulative Kaplan Meier tend à montrer que plus le nombre d’années passées au bloc augmente, plus l’incidence de la BPCO croît, bien qu’il y ait peu de différence entre les courbes associées à moins de 5 ans de bloc et à [5-14] ans de bloc.
Globalement, le travail au bloc est associé à une augmentation non significative de 10 à 16 % du risque de BPCO après ajustement suivant les modèles. En revanche, le risque devient franchement significatif après 15 années de bloc, avec une augmentation de près de 70 % du risque de BPCO.
Toutefois l’examen du risque relatif de BPCO des infirmières n’ayant jamais travaillé au bloc en fonction de leur activité suggère que la fumée de bloc n’est pas seule en cause. Comparativement aux infirmières sans contact avec les patients, celles exerçant aux urgences ou en unités de soins ont un surrisque de 31 % et celles travaillant en ambulatoire un surrisque de 24 %. Mais leur risque reste bien inférieur à celui des infirmières de bloc opératoire.
Désinfectant plus fumée de bloc, peut-être un effet synergique
On est à un surrisque de 69 % de BPCO après 15 années de bloc versus un surrisque de 30 % pour un travail aux urgences ou en unités de soins. Peut-être ces taux sont le reflet d’une action synergique des désinfectants et de la fumée de bloc sur le risque, et/ou d’une exposition à des taux plus élevés de à l’intérieur du bloc opératoire, commentent les auteurs. En effet, si l’effet délétère des désinfectants est bien connu, celui de la fumée de bloc l’est moins, même si quelques études suggèrent qu’il est assez comparable à celui de quelques cigarettes en termes de mutagénicité. Cette étude argument sur l’effet néfaste de ces fumées.
(1) W Xie et al. Association of Occupational Exposure to Inhaled Agents in Operating Rooms With Incidence of Chronic Obstructive Pulmonary Disease Among US Female Nurses. JAMA Network Open. 2021;4(9):e2125749.
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