« La pollution atmosphérique ferait entre 7 et 9 millions de morts chaque année dans le monde. Le premier chiffre est celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), celui de 9 millions provient d’études internationales plus récentes et méthodologiquement plus robustes. Pour la France, Santé publique France (SPF) avance 48 000 décès par an, mais une étude internationale est arrivée à une estimation de 100 000 décès par an. Même s’il peut y avoir des débats sur ces statistiques, nous avons désormais la certitude que la pollution est aujourd’hui hautement meurtrière », souligne la Pr Isabella Annesi-Maesano, membre du groupe de travail Pathologies pulmonaires professionnelles environnementales et iatrogènes (Pappei) de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).
La pollution a deux types d’effets : elle agit à court terme sur des populations souffrant de pathologies associées ; elle est également délétère à plus long terme sur des individus qui ne sont pas malades. « Dans le premier cas, les personnes à risque sont des patients qui souffrent principalement de pathologies cardiovasculaires et respiratoires. La pollution peut les fragiliser et provoquer une grave exacerbation de leur pathologie avec un risque de décès. C’est le cas des patients qui souffrent d’asthme, de BPCO, de cancer du poumon, de fibrose pulmonaire idiopathique, de maladies auto-immunes comme le lupus, la sclérose en plaques, etc. », précise la Pr Annesi-Maesano.
Mais des études réalisées en population générale ont montré que des individus en bonne santé pouvaient aussi mourir en raison d’une exposition chronique à une pollution, à des concentrations qui ne semblaient pas nécessairement dangereuses. « C’est notamment ce qu’a montré l’étude européenne Escape, indique la Pr Annesi-Maesano. Il est aujourd’hui prouvé qu’une exposition chronique à la pollution est associée de façon statistiquement significative au développement de maladies dont la latence est longue. Ainsi, l’incidence de la BPCO, du cancer du poumon et du diabète, entre d’autres, est liée à une exposition, même faible, mais continue dans le temps, à la pollution. » Au vu de ces résultats, l’OMS a changé ses recommandations, en abaissant les niveaux d’exposition censés garantir une protection à la population.
Imputabilité
Comment déterminer, chez un patient précis, si son décès a été provoqué par sa pathologie ou par la pollution ? « Les études sont faites en comparant deux populations : dans la BPCO par exemple, les patients non fumeurs et exposés à la pollution et ceux, toujours non fumeurs, peu ou pas exposés à la pollution. Nos modèles montrent que le pourcentage de décès est significativement plus élevé dans le premier groupe. Lorsqu’on considère aussi le tabagisme des sujets, on voit les effets très délétères de son association avec la pollution », indique la Pr Annesi-Maesano, en précisant que ces travaux sont complétés par des études expérimentales sur des animaux. « Des rats notamment, qui souffrent de certaines pathologies, et à qui on fait inhaler des polluants à des doses inférieures à celles absorbées par les humains, mais qui sont suffisantes pour avoir un effet sur eux. »
Les sources de pollution sont nombreuses et variées. Il y a bien sûr le trafic automobile, qui émet des gaz et surtout des particules de différentes tailles. « On commence à mesurer les effets de particules ultra-fines, émises par les nouveaux moteurs qui équipent les voitures neuves. Ce sont les plus dangereuses car elles franchissent la barrière alvéolaire et se retrouvent dans la circulation du sang. Elles peuvent ensuite se déposer sur un organe ou un autre en fonction des prédispositions individuelles de chacun », explique la Pr Annesi-Maesano, en soulignant aussi les effets de la pollution intérieure, notamment la combustion du bois : « Elle est plus dangereuse que celle liée aux moteurs automobiles. Par le biais des cheminées, cette pollution se retrouve aussi à l’extérieur des locaux. En France, le chauffage au bois est le premier émetteur de particules. »
Il faut évidemment déconseiller aux patients à risque de sortir à proximité de sources importantes de pollution, par exemple automobile. « Mais ils sont en général fatigués et sortent relativement peu de chez eux. Il faut donc qu’ils soient très vigilants par rapport aux sources de pollution à l’intérieur de leur domicile », indique la Pr Annesi-Maesano. À ce titre, les conseillers en environnement intérieur peuvent procéder à des visites à domicile, sur prescription d’un pneumologue, d’un allergologue ou d’un généraliste. Martine Ott, conseillère en environnement intérieur au nouvel hôpital civil de Strasbourg, insiste sur toutes les sources de pollution qui, dans un logement, peuvent être dangereuses pour les patients ayant des problèmes respiratoires : « le mode de chauffage, l’utilisation de parfums d’intérieur, d’huiles essentielles, d’encens. Les produits nettoyants. Il faut repérer tout ce qui peut être irritant. »
Entretiens avec la Pr Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche et co-directrice adjointe de l’Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique (Inserm et univ. de Montpellier) et Martine Ott (CHRU de Strasbourg)
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