La dyspnée est un symptôme qui ne doit pas être négligé, en particulier chez la femme. L’interrogatoire est important pour en préciser les caractéristiques et en comprendre le mécanisme. Or la dyspnée n’est pas facile à définir. Il s’agit d’une perception anormale et désagréable de la respiration, mais elle varie grandement d’un sujet à un autre et le vocabulaire pour l’exprimer est lui aussi divers et peu spécifique, avec notamment des différences entre les genres. « À côté de ce caractère multimodal, la dyspnée présente d’autres caractéristiques », rappelle le Dr Pierantonio Laveneziana (Paris). Elle est subjective, avec une dissociation entre le symptôme et le signe car la dyspnée est un symptôme ! Elle est également multidimensionnelle, avec une composante sensorielle et une composante affective. « Il est important de bien interroger le patient pour mettre en évidence le caractère gênant de la sensation, l’expérience d’inconfort », souligne le Dr Pierantonio Laveneziana, avant de rappeler que perception et affect peuvent être dissociés. Enfin, la dyspnée se caractérise par sa diffusibilité : sur le système neurovégétatif (pouvant entraîner tachycardie ou sudation par exemple), mais aussi sur les émotions et le comportement. Il s’agit là d’un point important car les conséquences personnelles, l’isolement, la dépression, sont des facteurs qui peuvent aggraver la dyspnée. « En effet, de 10 à 40 % des patients BPCO qui s’engagent dans un programme de réhabilitation présentent une anxiété et/ou une dépression qui peuvent majorer la dyspnée et affecter la réussite de la réhabilitation », rapporte le Dr Laveneziana.
Déséquilibre entre la commande respiratoire et son résultat
La principale source de la dyspnée est un déséquilibre entre la commande ventilatoire (centrale) et le résultat de cette commande (activation d’afférences respiratoires) : la sensation de gêne respiratoire constitue une alarme.
Les études ont montré que les facteurs impliqués dans la réponse ventilatoire, tels que débits/volumes pulmonaires, muscles respiratoires, élasticité pulmonaire et thoracique, résistances des voies aériennes, demande métabolique… sont les mêmes chez la femme et chez l’homme, tant au repos qu’à l’effort. Mais leur adaptation à l’exercice varie selon le sexe et l’âge. En cause : des différences anatomiques bronchiques importantes. Les branches de l’arbre bronchique sont plus petites de 15 à 20 % chez la femme, le parenchyme pulmonaire est moins élastique, les volumes pulmonaires sont plus faibles et la performance des muscles respiratoires est moindre. Cela se traduit par des différences fonctionnelles à l’effort : les volumes et débits pulmonaires sont plus faibles chez les femmes adultes comparativement aux hommes adultes, à âge et taille égaux par ailleurs. De même, pendant l’effort, à volume courant, fréquence respiratoire et ventilation minute égales, la femme doit fournir un travail respiratoire (musculaire, élastique et résistif) deux à trois fois plus important qu’un homme, et la sensation de dyspnée est plus importante chez la femme (+1,5 sur l’échelle de Borg).
Le vieillissement respiratoire diffère également entre les sexes. Certes, il débute précocement dans les deux cas, vers 25 ans chez l’homme et 20 ans chez la femme, pour évoluer vers une altération nette des paramètres ventilatoires vers l’âge de 50 ans. Mais les mécanismes de vieillissement sont bien plus marqués chez la femme. Des travaux ont mis en évidence des anomalies paraphysiologiques plus importantes chez elle.
Le cas particulier de la grossesse et de la BPCO
Au cours de la grossesse, on observe bien sûr des modifications respiratoires physiologiques, notamment une diminution des volumes pulmonaires, une augmentation de la ventilation minute en lien avec la production accrue de CO2 d’origine fœtale. L’intensité de la dyspnée est plus importante au 3e trimestre qu’en post-partum, sous l’influence de facteurs hormonaux et de la réponse des chémorécepteurs centraux et périphériques.
En cas de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), les anomalies physiologiques de la fonction respiratoire de la femme se cumulent avec ses effets pathologiques. Ainsi, à stade de BPCO égal, à l’effort la ventilation minute ainsi que la distension thoracique sont plus importantes chez la femme que chez l’homme, et la dyspnée est beaucoup plus marquée.
Entretien avec le Dr Pierantonio Laveneziana, service d’explorations fonctionnelles de la respiration, de l'exercice et de la dyspnée (Efred), Hôpitaux Universitaires Pitié-Salpêtrière, Tenon et Saint Antoine, Paris
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