Les patients hospitalisés pour suspicion de pneumopathie sont souvent surtraités. Le phénomène s’est amplifié Outre Atlantique depuis les recommandations américaines datant de 2005 et l’émergence dans la communauté de germes résistants dont les staphylocoques résistants à la méthicilline (SARM) et les Pseudomonas aeruginosa. Résultat aujourd’hui bien qu’un germe résistant ait été identifié chez moins de 5 % des patients hospitalisés pour pneumonie, plus d’un tiers reçoivent une antibiothérapie à large spectre aux États-Unis. On peut toutefois se demander quel est l’intérêt réel d’une antibiothérapie incluant un traitement anti-SARM probabiliste. Pour certains, cette approche serait délétère. Mais les données manquent. L’étude rétrospective de cohorte qui vient d’être publiée pourrait clore le débat (1). Elle ne plaide clairement pas en faveur de cette stratégie.
Plus de 30 000 prescriptions anti-SARM dans la cohorte des vétérans
L’étude porte sur les pneumonies communautaires hospitalisées dans le système de santé des vétérans entre 2003 et 2013, mises sous antibiothérapie dès le premier jour.
Soit, au total, plus de 88 000 hospitalisations chez des sujets d’âge médian 70 ans, associées à une mortalité globale à 30 jours de 10 %. Parmi ces patients, 55 000 ont reçu une antibiothérapie standard et 33 000 (38 %) un traitement anti-SARM (vancomycine ou linézolide), en plus d’un traitement antibiotique standard chez 13 000 d’entre eux, associé, ou non à une antibiothérapie standard chez 20 000 d’entre eux.
Le critère primaire de l’étude est la mortalité à 30 jours des patients mis sous anti SARM, plus antibiothérapie standard versus antibiothérapie standard seule.
Les atteintes rénales et les infections secondaires à Clostridium difficile, à entérocoque vancomycine résistant ou à bacille gram négatif constituent les critères secondaires.
Des analyses dans des sous groupes à risque ont par ailleurs été effectuées chez : les patients admis dès l’entrée en réanimation ; présentant des signes d’appel de dépistage de SARM ; dépistés SARM + par PCR ; ou ayant une culture SARM + (prélèvement sanguin ou pulmonaire réalisé dans les 48 heures).
Pas de réduction de la mortalité même après ajustements
Les patients mis sous traitement anti-SARM avaient plus de comorbidités rénales (30 % vs 25 %), d’insuffisance cardiaque (35 % vs 30 %), de cancers (34 % vs 3 %) et plus de facteurs de risque d’être porteurs de SARM (7 % d’antécédents d’infections à SARM vs 3 % ; 36 % d’antécédent d’hospitalisation vs 12 % et 42 % vs 29 % d’antécédent d’antibiothérapie). Ils avaient aussi une pneumonie plus sévère (PSI 124 vs 103). Sans surprise, leur mortalité est plus importante. On est à 16 % de décès à 30 jours versus 6 % pour ceux non mis sous anti SARM.
L’analyse a donc été faite en utilisant des scores de propensité, visant à contrôler ces facteurs confondants entre les sujets mis sous anti SARM et ajuster l’analyse sur les comorbidités, les signes vitaux et les données biologiques.
Or, après cette analyse en propensité, le traitement par anti-SARM n’est pas associé à un bénéfice sur la mortalité à 30 jours. Le risque de décès sous anti-SARM plus antibiothérapie standard versus antibiothérapie standard est de 11,6 % vs 8,6 % (RR = 1,4 [1,3-1,5]). Il est significativement majoré. Et ceci est retrouvé dans la plupart des sous groupes à risques : ceux admis en réanimation (RR = 1,3), à haut risque clinique (RR = 1,2) ou avec une PCR SARM + (RR = 1,6). Le seul groupe où la mortalité n’est pas majorée est celui des patients dont les cultures ont révélé un SARM (RR = 1,1 [0,8-1,4]).
En outre, le traitement par anti-SARM est plus souvent associé à une élévation de la créatinine et des infections secondaires à Clostridium difficile, entérocoque vancomycine résistant et bacille gram négatif.
Implications cliniques : pédale douce sur les prescriptions à large spectre
« Ce travail ne met pas en évidence de bénéfice associé à la prescription probabiliste de traitement anti-SARM dans les pneumopathies même chez les sujets à risque ou nécessitant une réanimation. Ce résultat vient s’ajouter à d’autres, et questionne le bien-fondé de la prescription d’un anti-SARM sur les approches cliniques du risque aujourd’hui en cours, concluent les auteurs.
« La surmortalité, possiblement en lien avec le coût à payer en termes de pathologie rénale et infections secondaires, est néanmoins à prendre avec des pincettes, selon l’éditorialiste (2). Malgré l’outil de propensité, il est probable que des facteurs confondants persistent. En effet, intuitivement ou au regard des essais randomisés menés avec la vancomycine (80 % des traitements), il semble peu probable que quelques jours de traitement majorent de 40 % les décès ». Quoi qu’il en soit, « vu la rareté des SARM dans les pneumopathies communautaires, le fait qu’une antibiothérapie très large puisse majorer la mortalité, le message est clair. Le traitement empirique à large spectre n’est pas indiqué chez la plupart des patients », conclut l’éditorialiste.
(1) BE Jones, J Ying ,V Stevens et al. Empirical Anti-MRSA vs Standard Antibiotic Therapy and Risk of 30-Day Mortality in Patients Hospitalized for Pneumonia. JAMA Intern Med 2020.doi:10.1001/jamainternmed.2019.7495
(2) M Klompas. Overuse of Broad-Spectrum Antibiotics for Pneumonia. JAMA Intern Med 2020; doi:10.1001/jamainternmed.2019.7251
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