Les chercheurs de l'université de Tours, coordonnés par le Pr Pierre-François Dequin, chef du service de réanimation du CHRU, confortent l'intérêt de la corticothérapie par hydrocortisone dans les pneumonies communautaires sévères dans une étude de phase 3 publiée dans The New England Jounal of Medicine (1).
Il avait déjà été démontré que les corticoïdes réduisent la durée d'hospitalisation pour les pneumonies communautaires peu sévères. La pratique est inscrite comme possible dans les recommandations européennes, mais pas américaines. « En France, la corticothérapie n'est pas entrée dans les mœurs », rapporte le Pr Dequin.
Les chercheurs français ont recruté 800 patients atteints de pneumonie sévère admis en soins intensifs. Les participants ont été randomisés entre un groupe recevant de l'hydrocortisone par voie intraveineuse (200 mg par jour pendant quatre à huit jours, puis diminution progressive des doses pendant 8 à 14 jours) et un groupe placebo. Tous les patients recevaient en outre une antibiothérapie.
Au bout de 28 jours, 6,2 % des patients sous hydrocortisone étaient décédés, contre 11,9 % des patients du groupe placebo, soit une mortalité diminuée de moitié. Certains patients n'avaient pas besoin de ventilation mécanique lors de leur admission en soins intensifs. Dans ce groupe particulier, une intubation endotrachéale a finalement dû être pratiquée chez 18 % des membres du groupe hydrocortisone et 29,5 % de ceux du groupe placebo.
Les chercheurs se sont également penchés sur le cas des patients à qui on n'a pas prescrit de vasopresseur lors de leur admission. Au bout de 28 jours de traitement, 15,3 % des patients du groupe sous hydrocortisone et 25 % des patients du groupe placebo ont dû débuter un traitement vasopresseur.
Crainte de l'infection virale
L'identification du pathogène, par une méthode laissée à la discrétion des équipes participantes, n'a été faite que dans seulement 51,1 % des cas. « Le fait de ne pas toujours connaître le pathogène nous semblait être un problème car la principale crainte vis-à-vis des corticoïdes réside dans leur effet sur les infections virales, reconnaît le réanimateur. Une infection bactérienne peut être traitée conjointement par corticothérapie et antibiothérapie, mais il n'y a pas de traitement pour une infection virale dont on redoute une aggravation sous l'effet des glucocorticoïdes. »
La pandémie de Covid-19 a pourtant montré que les corticoïdes pouvaient améliorer la survie. Mais cela n'évacue pas pour autant la question du risque de complications pour tous les types de virus. Dans leur étude, les chercheurs ont exclu les patients admis pour grippe sévère. « Il y a une incertitude pour ce virus, avec un a priori négatif », précise le Pr Dequin.
En ce qui concerne la sécurité, la fréquence des événements sévères était similaire dans les deux groupes. Le risque d'infection nosocomiale, en particulier, était de 9,8 % dans le groupe corticoïde contre 11,1 % dans le groupe placebo. Le risque de saignement gastro-intestinal était tout aussi rare dans les deux groupes. Les doses nécessaires d'insuline étaient en revanche plus importantes dans le groupe hydrocortisone.
Pour ce chef de service, ces résultats sont de nature à influencer les pratiques actuelles. Des résultats complémentaires restent néanmoins nécessaires pour certaines populations spécifiques, précise-t-il, en particulier les patients immunodéprimés, peu nombreux dans l'étude française.
(1) P.-F. Dequin et al., New Engl J of Med, 2023. DOI : 10.1056/NEJMoa2215145
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