LE QUOTIDIEN : Quelle est la prévalence de la BPCO chez les patients insuffisants cardiaques ?
PR BOUCHRA LAMIA : La prévalence de la BPCO chez les patients insuffisants cardiaques est de 20 % versus 13 % dans la population générale (p = 0,001). Elle est variable selon les populations. Dans une cohorte nord-américaine, elle varie de 11 à 52 % et, dans une cohorte européenne, de 9 à 41 % (1).
Inversement, la prévalence de l’insuffisance cardiaque chez les patients BPCO est de 20,9 %. Celle de la dysfonction systolique du ventricule gauche chez les patients BPCO varie de 11 à 36 % selon les études. Et la prévalence de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (insuffisance cardiaque diastolique) varie de 18 à 41 % selon les études.
Qu’en est-il des mécanismes physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque diastolique gauche au cours de la BPCO ?
L’insuffisance cardiaque diastolique gauche au cours de la BPCO est en lien avec une diminution du retour veineux en raison de l’hyperinflation thoracique, de la raréfaction vasculaire pulmonaire, de l’augmentation de la pression intraventriculaire gauche et de la postcharge du ventricule gauche, d’une augmentation de la rigidité (stiffness) du ventricule gauche ainsi que la diminution de la compliance du ventricule gauche, puis de son remodelage.
Les anomalies de la fonction diastolique du ventricule gauche sont détectables en échocardiographie avec l’analyse en Doppler transmitral et Doppler tissulaire mitral, la mesure de la taille de l’oreillette gauche et l’analyse de la régurgitation de la valve tricuspide. La fraction d’éjection du ventricule gauche reste préservée, supérieure à 50 % en cas d’insuffisance cardiaque diastolique (2).
Les recommandations de la Société américaine de cardiologie en 2022 décrivent la classification de l’insuffisance cardiaque en fonction du caractère préservé ou non de la fraction d’éjection du ventricule gauche et les modalités de prise en charge (3).
Quelles sont les données les plus récentes après exacerbations aiguës de BPCO ?
Il est démontré que le risque d’événements cardiovasculaires est augmenté à la suite d’une exacerbation aiguë de BPCO (EABPCO). Des études récentes se sont intéressées à caractériser leur incidence.
Aux États-Unis, les données de la cohorte rétrospective Exacos-CV US, présentées au congrès de l’ATS en mai dernier (4), ont mis en lumière les relations entre évènements cardiovasculaires et gravité d’une EABPCO en vie réelle.
L’étude a inclus des patients âgés de 40 ans et plus, ayant reçu un diagnostic de BPCO entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2019. Au total, 145 838 patients ont présenté une EABPCO ont été inclus dans l’étude et 249 703 patients BPCO n’en ont pas présenté et ont été inclus dans le le groupe comparateur.
Une exacerbation modérée est définie par le recours à une prescription systémique de corticoïdes, associée ou non à un traitement antibiotique. Une exacerbation sévère est définie par une hospitalisation pour BPCO.
Le principal critère de jugement était la survenue d’un événement cardiovasculaire durant la période de suivi, incluant un syndrome coronarien aigu, l’AVC, l’insuffisance cardiaque aiguë, l’embolie pulmonaire, l’arythmie ou l’arrêt cardiaque.
À J30, le risque relatif de survenue d’événements cardiovasculaires après EABPCO, quelle que soit la sévérité, était de 1,32 ; IC 95 % [1,21-1,44], comparé au risque sur la période précédente. Le risque relatif a diminué, mais il est resté élevé au cours de la première année de suivi.
En conclusion, l’incidence des événements cardiovasculaires augmente après EABPCO modérée ou sévère, au cours des 90 premiers jours. L’incidence des événements cardiovasculaires est plus élevée au décours d’une EABPCO sévère.
Chaque nouvelle EABPCO s’accompagne d’une augmentation du risque CV.
Dès lors, la prise en charge de la BPCO devrait prendre en compte la surveillance du risque CV dans l’année suivant l’EABPCO.
Des résultats similaires présentés au congrès ERS (5), ont été retrouvés dans des cohortes de BPCO au Canada, en Allemagne, Espagne et Pays-Bas.
(1) Hawkins NM et al. Heart failure and chronic obstructive pulmonary disease: diagnostic pitfalls and epidemiology. European Journal of Heart Failure (2009) 11, 130-9
(2) ESC 2016 Guideline for the diagnosis and treatment of acaute and chronic heart failure
(3) 2022 AHA Guideline for the management of heart failure
(4) ATS 2023. P788. Incidence of severe cardiovascular events following acute exacerbation of chronic obstructive pulmonary disease in a large claims database: the Exacos-CV US study
(5) ERS 2023. P3013. C. Vogelmeier et al. Increased risk of severe cardiovascular events following exacerbations of COPD: a multi-database cohort study
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