Pr Bouchra Lamia : « Dyspnée : évaluer l’hypertension pulmonaire par échocardiographie »

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Publié le 14/03/2023

L’origine d’une dyspnée peut être multifactorielle et l’exploration cardiaque y a sa place pour ne pas passer à côté d’une hypertension pulmonaire. Explications de la Pr Bouchra Lamia (Département de pneumologie, Groupe Hospitalier du Havre, Unité de recherche de 38 30-GRHVN).

Crédit photo : DR

Devant une dyspnée inexpliquée et après réalisation des investigations de première intention comme la radiographie thoracique, les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) et le scanner thoracique, il est nécessaire de demander une échographie cardiaque pour dépister une hypertension pulmonaire (HTP).

L’HTP peut avoir des causes diverses, comme les connectivites, une origine médicamenteuse, une hépatite chronique (hypertension artérielle pulmonaire du groupe I, incluant aussi l’HTAP idiopathique ou héréditaire), les cardiopathies gauches (HTP du groupe II, l’hypertension est alors d’origine post-capillaire et il s’agit de la cause la plus fréquente), les maladies respiratoires chroniques comme la bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO] (HTP du groupe III), une origine thrombo-embolique chronique (HTP du groupe IV) ou enfin, être de mécanisme indéterminé (HTP du groupe V).

LE QUOTIDIEN : Quelle est la place de l’échocardiographie dans la BPCO ?

Pr LAMIA : Le bilan de la BPCO va comporter une EFR et un scanner thoracique. L’échographie cardiaque permet de rechercher les signes de dysfonction cardiaque droite, d’analyser la fonction systolique du ventricule gauche, mais aussi la fonction diastolique du ventricule gauche. Ainsi, lorsque les EFR et le scanner thoracique n’expliquent pas l’aggravation de la dyspnée, l’échocardiographie cardiaque est utile. Elle permet de rechercher des anomalies du cœur droit (cœur pulmonaire chronique) et notamment d’évaluer la pression artérielle pulmonaire systolique. Elle permet aussi de rechercher des anomalies du remodelage des cavités droites. Le fait de retrouver un ventricule droit hypertrophique, indique que l’hypertension pulmonaire est ancienne. À un stade plus avancé, les cavités droites sont dilatées et cette dilatation peut être quantifiée en échocardiographie en mesurant la surface du ventricule droit. On peut également voir s’il y a des anomalies de la contractilité du ventricule droit à partir du déplacement de la valve tricuspide (c’est l’excursion systolique du plan de l’anneau tricuspide ou Tapse).

Et si l’on retrouve une hypertension pulmonaire ?

Chez la majorité des patients BPCO, on retrouve une hypertension pulmonaire, mais elle est le plus souvent très modérée en échographie cardiaque. En pratique, un adressage du patient au pneumologue peut être utile pour optimiser la prise en charge de sa BPCO car le traitement de son hypertension pulmonaire modérée est celui de sa BPCO. En revanche, si on retrouve à l’échocardiographie des anomalies importantes avec des pressions pulmonaires élevées — une vitesse maximale de l’insuffisance tricuspide supérieure à 3,4 m/s correspondant à une pression artérielle systolique au moins égale à 46 mmHg — le patient doit être adressé à un centre spécialisé de l’hypertension pulmonaire. À l’opposé, si la vitesse maximale de l’insuffisance tricuspide est inférieure à 2,8 m/s, soit, une pression artérielle systolique à 31 mmHg, la probabilité d’hypertension pulmonaire est faible. Entre 2,8 et 3,4 m/s, c’est l’existence concomitante d’anomalies de remodelage du cœur droit comme la dilatation des cavités droites, un aplatissement du septum interventriculaire, une dilatation de la veine cave inférieure ou les anomalies de la contractilité du ventricule droit qui vont orienter vers un centre spécialisé. À noter que cet algorithme décisionnel est aussi valable pour une dyspnée sans autre maladie sous-jacente associée (et donc sans BPCO) pour déterminer la probabilité d’hypertension pulmonaire et l’orientation vers un centre spécialisé pour réaliser ou non, un cathétérisme cardiaque droit.

Que fait le centre spécialisé pour ces patients avec une hypertension pulmonaire ?

De nouvelles investigations sont proposées et notamment une mesure invasive des pressions pulmonaires avec le cathétérisme cardiaque droit. Si on retrouve une hypertension pulmonaire définie par une pression artérielle pulmonaire moyenne supérieure à 20 mmHg associée à des résistances vasculaires pulmonaires supérieures à deux Unités Wood, sans cardiopathie sous-jacente (pression artérielle pulmonaire occluse ou Papo inférieure ou égale à 15 mmHg), on peut proposer un traitement vasodilatateur pulmonaire dans les HTAP de groupe I.

Qu’en est-il si la dyspnée a pour origine le cœur gauche ?

L’échographie cardiaque peut retrouver des anomalies de la fonction contractile systolique du ventricule gauche avec une Fraction d’Éjection du ventricule gauche abaissée (FEVG < 50 %). Mais attention, une FEVG préservée n’exclut pas un problème : en effet, il existe aussi des insuffisances cardiaques à FEVG préservée en cas d’anomalie de la fonction diastolique du ventricule gauche (anomalies de remplissage) que l’échocardiographie cardiaque ne manquera pas de repérer. Or, quand la fonction de remplissage du cœur gauche est perturbée, cela peut provoquer une dyspnée. La rechercher est d’autant plus important qu’il existe, là encore, des traitements pour soutenir le cœur et donc éviter l’aggravation.

Propos recueillis par la Dr Nathalie Szapiro

Source : lequotidiendumedecin.fr