Les nouvelles recommandations au congrès de l’American Thoracic Society (ATS) concernant la réhabilitation respiratoire sont nées d’une approche multidisciplinaire ayant impliqué dix pneumologues et réanimateurs, un cardiologue, un médecin interniste, huit kinésithérapeutes, deux infirmières, un expert en physiologie de l’exercice et un patient présentant une maladie respiratoire chronique. Ce groupe d’experts a répondu à six questions qui se posent en pratique clinique.
LE QUOTIDIEN : La première question posée aux experts était de savoir si les patients BPCO en état stable doivent bénéficier de la réhabilitation respiratoire, qu’ont-ils conclu ?
PR BOUCHRA LAMIA : Pour les patients n’ayant pas eu d’exacerbation depuis au moins quatre semaines (en état stable), le groupe interventionnel recevait une réhabilitation respiratoire en intra-hospitalier ou en ambulatoire dans un centre spécialisé. Le critère de jugement était la capacité à exercice, la qualité de vie, la dyspnée, les effets secondaires et le recours aux soins. Les experts ont analysé 82 études contrôlées et randomisées ayant inclus près de 4 700 patients. L’analyse a révélé l’amélioration significative de l’épreuve de marche de six minutes dans cette population avec une augmentation de la distance parcourue de 44 mètres, cette augmentation ayant été jugée cliniquement pertinente. Il existait par ailleurs une amélioration du score de dyspnée de 0,7 et du questionnaire de qualité de vie de St George (diminué de 6,8 points). Pour les patients BPCO en état stable, les experts ont donc recommandé de participer à un programme de réhabilitation respiratoire : il s’agit d’une recommandation forte avec un niveau d’évidence modéré. Les arguments sont une augmentation de la capacité à l’exercice, une amélioration de la dyspnée et de la qualité de vie en lien avec la santé.
Les patients BPCO devraient-ils bénéficier de la réhabilitation respiratoire après une hospitalisation pour exacerbation ?
Les experts se sont intéressés aux patients BPCO hospitalisés pour exacerbation et qui recevaient une réhabilitation respiratoire dans les trois semaines suivant la sortie de l’hôpital. Pour répondre à cette question, 17 études contrôlées randomisées correspondant à 1 724 patients inclus, ont été analysées. Le VEMS moyen des patients était compris entre 31 et 57 %. Les experts ont rapporté une diminution du taux de réhospitalisation, une amélioration de l’épreuve de marche de six minutes avec un gain de la distance parcourue de 58 mètres et une amélioration du score de St George. Sur ces arguments, ils ont recommandé pour les patients BPCO, une réhabilitation respiratoire dans les suites d’une hospitalisation pour exacerbation, avec un niveau de recommandation fort et un niveau d’évidence modéré.
Pourtant, ces patients ne sont-ils pas un peu trop fragiles pour bénéficier si vite d’une réhabilitation pulmonaire ?
C’est une idée encore très répandue, d’où le caractère très novateur de cette recommandation. Elle s’appuie sur les données de réhospitalisation, de mortalité et d’effets secondaires extraites de ces 17 études jusqu’à douze mois après le programme de réhabilitation pulmonaire et sur les données de capacité à exercice, de qualité de vie et de dyspnée extraites à la fin du programme de réhabilitation pulmonaire. Dans le groupe ayant reçu la réhabilitation pulmonaire, le taux de réhospitalisation a été réduit de 52 %. Si le niveau d’évidence a été jugé modéré par les experts, c’est en raison de l’hétérogénéité des résultats selon les études.
A-t-on plus de détails sur les résultats d’analyse de ces études chez des patients BPCO ayant suivi une réhabilitation pulmonaire trois semaines après la sortie d’hospitalisation pour une exacerbation ?
La distance parcourue a augmenté en moyenne de 58 mètres en reprenant les données des 12 études publiées entre 2000 et 2020 : la différence moyenne de distance parcourue dans ces études varie toutefois de -2 m à + 215 m ! Là encore, l’hétérogénéité des résultats explique le faible niveau d’évidence de la recommandation sur l’item « capacité à l’effort ». L’effet de la réhabilitation pulmonaire post-exacerbation dans cette population sur la qualité de vie est mitigé car les scores utilisés dans les études sont variables (faible niveau d’évidence de la recommandation pour cet item). La réhabilitation pulmonaire post-exacerbation aiguë améliore le score de dyspnée CRQ d’un point sur quatre études et réduit le score de mMRC de 0,3 point sur neuf études : en raison d’échelles de dyspnée variables selon les études, le niveau de preuves sur cet item a été jugé faible. Enfin, la réhabilitation pulmonaire réalisée dans les trois semaines suivant une exacerbation aiguë n’a pas affecté la mortalité. En raison du bénéfice sur le taux de réadmission, les experts proposent pour la première fois une réhabilitation pulmonaire pour l’exacerbation aiguë de BPCO dans les trois semaines suivant la sortie d’hospitalisation.
Les patients avec une pneumopathie interstitielle doivent-ils bénéficier de la réhabilitation respiratoire ?
Chez des patients avec une pneumopathie interstitielle, la réhabilitation respiratoire a été réalisée en intra hospitalier ou en ambulatoire dans un centre expert : 21 études contrôlées randomisées ayant inclus près de 900 patients, ont été analysées. La capacité vitale forcée était comprise entre 55 et 86 % de la valeur prédite. L’analyse a mis en évidence une amélioration de l’épreuve de marche de six minutes de 40 mètres et une diminution du score de St George de 9,29 points, du score de dyspnée de 3,36 points. Du fait de l’amélioration de la capacité à l’effort, de la dyspnée et de la qualité de vie, les experts préconisent un programme de réhabilitation pour ces patients, avec un niveau de recommandation fort et un niveau d’évidence modéré.
Les patients avec une hypertension pulmonaire doivent-ils bénéficier de la réhabilitation respiratoire ?
Les experts ont analysé 14 études contrôlées, randomisées, réunissant 571 patients dont la pression artérielle pulmonaire moyenne était comprise entre 36 et 59 mmHg. L’analyse des études a révélé une augmentation de la distance parcourue lors de l’épreuve de marche de six minutes de 49 mètres, avec un score d’étude de qualité de vie (SF36) amélioré de 4,20 points. Les experts ont ainsi recommandé pour cette population, un programme de réhabilitation. Il s’agit cependant d’une recommandation conditionnelle avec un niveau d’évidence faible concernant l’amélioration de la capacité à l’effort et de la qualité de vie. Il est important de souligner que les patients doivent être parfaitement stabilisés sous traitement médical, de leur hypertension pulmonaire. Ainsi, contrairement à ce que l’on pensait autrefois, dans l’hypertension artérielle pulmonaire, la réhabilitation respiratoire et l’effort ne sont pas complètement proscrits, mais cela doit rester du cas par cas pour des patients parfaitement stabilisés.
Les patients avec une maladie respiratoire chronique doivent-ils recevoir une télé-réhabilitation ?
Pour répondre à cette question, les experts ont analysé cinq études contrôlées randomisées ayant inclus près de 1 200 patients. Les analyses ont mis en évidence une amélioration de la capacité à l’effort similaire à celle observée avec un programme de réhabilitation respiratoire en milieu expert, un gain similaire sur la dyspnée. Le niveau de cette recommandation est fort avec un niveau d’évidence modéré. Il faut souligner que cette télé-réhabilitation a surtout concerné des patients BPCO.
Les patients avec une maladie respiratoire chronique doivent-ils recevoir un programme de réhabilitation respiratoire en maintenance ?
Pour répondre à cette question, 21 études contrôlées, randomisées, ayant inclus près de 1 800 patients, essentiellement des patients avec une BPCO modérée à sévère, ont été analysées. La synthèse de ces analyses ne révèle pas d’amélioration constante de la capacité à l’effort ou de la qualité de vie dans les six à douze mois. Il est suggéré une réhabilitation de maintenance après une réhabilitation pulmonaire initiale avec une recommandation conditionnelle (uniquement au cas par cas) et un niveau d’évidence faible.
Quoi conclure des objectifs clés de ces nouvelles recommandations pratiques ?
Elles soulignent les bénéfices de la réhabilitation respiratoire et doivent sensibiliser les professionnels de santé sur l’orientation précoce et adaptée de leurs patients atteints de pathologies respiratoires chroniques. La grande nouveauté de ces recommandations concerne la question de la réhabilitation pulmonaire et du pronostic des patients BPCO après une hospitalisation pour exacerbation aiguë : en effet, débuter la réhabilitation respiratoire trois semaines seulement après la sortie d’hospitalisation s’avère bénéfique sur le taux de réadmission et il est important de tenir compte de cette nouvelle donnée !
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