En reconditionnant les transplants récusés

Une bouffée d’espoir pour la greffe de poumon

Publié le 19/03/2009
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PRÈS D’UNE quarantaine de patients sur liste d’attente pour transplantation pulmonaire décèdent chaque année en France faute de greffons disponibles. Comment remédier à la pénurie d’organes ? Quand environ 80 % des greffons pulmonaires sont récusés, n’y aurait-il pas moyen de jouer sur les critères d’acceptabilité ? Taraudé par cette question, le Dr Redha Souilamas, chirurgien thoracique à l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), à Paris, a été convaincu par une méthode développée en Suède. Elle permet de récupérer les greffons initialement non acceptés : le reconditionnement ex vivo. « Il s’agit de reconditionner le greffon en le maintenant dans un milieu proche des conditions physiologiques. Le dispositif permet une évaluation objective sur des critères précis et non pas laissée à la seule appréciation des équipes. Sans compter qu’en allongeant le délai entre prélèvement et greffe à 24 heures, la technique permettrait de réaliser la chirurgie de façon quasi programmée. Actuellement, il faut travailler dans l’urgence puisqu’on ne dispose que de 6 à 7 heures », explique le Dr Souilamas au « Quotidien ». C’est ainsi que le chirurgien, coordonnateur des greffes pulmonaires en mucoviscidose à l’APHP, est à l’initiative de l’essai de la technique en France.

Preuve de la validité technique.

Financé par l’association Vaincre la mucoviscidose, l’essai attend son coup d’envoi début avril. C’est en avant-première qu’a eu lieu le 13 mars dernier le premier reconditionnement de poumon à l’HEGP. Deux centres participent, l’HEGP et Grenoble, avant que l’expérience ne soit élargie à l’ensemble du territoire. Le projet vise à étudier la technique d’évaluation et de reconditionnement ex vivo sur des greffons marginaux non acceptés pour la transplantation. Il n’est pas prévu d’implantations dans un premier temps. «Il s’agit de tester la faisabilité du dispositif en France et de convaincre les autorités de sa validité technique», explique le chirurgien qui s’impatiente déjà. «Le temps presse... Une dizaine de greffes pulmonaires ont été effectuées en Suède, aux États-Unis et les résultats sont bons à un an. Nous espérons pouvoir passer aux premières transplantations le plus tôt possible, d’ici quelques mois ou mieux d’ici quelques semaines. Notre objectif est d’arriver à doubler le nombre de greffons disponibles», ambitionne le coordonnateur principal de l’étude.

Une «couveuse» dédiée au greffon.

En quoi consiste cette technique ? Une fois prélevé, le greffon est placé dans un caisson stérile, la perfusion étant assurée par un circuit de circulation extracorporelle. Composée de culots globulaires, d’albumine humaine et de dextran, la solution de perfusion extracellulaire présente une pression osmotique proche des conditions physiologiques. La procédure de reconditionnement se déroule en trois phases. Tout d’abord, le greffon est réchauffé très progressivement en 45 minutes jusqu’à la température de 30 °C. Ensuite, débute la phase de ventilation à l’aide d’un respirateur. C’est à ce stade que les paramètres de compatibilité sont évalués : la gazométrie (PaO 2, PaCO 2), la résistance vasculaire pulmonaire, l’aspect macroscopique et la compliance. « Les critères d’évaluation sont fixes et objectifs, ce qui standardise l’évaluation actuellement très variable d’un service à l’autre. Les greffons ne seront pas rejetés par excès», précise le spécialiste. Si le greffon est considéré comme compatible, la troisième phase est enclenchée. Elle consiste à conserver le transplant pendant plusieurs heures. Ce qui laisserait le temps d’organiser la logistique de l’intervention et de trouver le receveur le plus compatible en fonction du poids, de l’âge, du groupe sanguin et du statut immunitaire.

Parallèlement, le Dr Redah Souilamas a lancé le projet d’un appareil mobile d’évaluation et de reconditionnement. En cours de développement aux États-Unis, le prototype devrait être soumis aux premiers tests en avril prochain en France. À terme, l’évaluation et le conditionnement pourraient ainsi se faire directement sur le lieu de prélèvement.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : lequotidiendumedecin.fr