Est-ce que les fumeurs symptomatiques — considérés comme en pré-BPCO — mais dont la spirométrie reste préservée, ont un pronostic différent des fumeurs asymptomatiques ? Telle est la question examinée dans une étude longitudinale américaine (1). La réponse est non. Si ces fumeurs symptomatiques font plus d’exacerbations respiratoires que les fumeurs asymptomatiques, ils ne souffrent pas pour autant d’une accélération de la baisse de leur FEV1, ni d’évolution plus fréquente vers une BPCO, au terme de près de six ans de suivi. Ce qui plaide pour l’existence, chez certains fumeurs, d’une maladie pulmonaire non obstructive, donc différente de la BPCO.
Une cohorte de fumeurs âgés de 40-80 ans à spirométrie normale suivis 6 ans
L’étude Spiromics II est une extension de l’étude longitudinale prospective Spiromics I, menée sur une cohorte multicentrique observationnelle rassemblant près de 1 200 sujets de 40 à 80 ans, fumeurs ou ex-fumeurs (plus de 20 paquets-année) avec ou sans BPCO, plus 150 sujets-contrôles, sans antécédent de tabagisme ni de maladie pulmonaire.
À l’entrée, les symptômes pulmonaires (toux chronique, expectorations, dyspnée, etc.) ont été recherchés, et évalués au moyen du CODP assessment test score (8 items). Un scanner pulmonaire, une spirométrie ainsi qu’un test de marche de six minutes ont été réalisés. Le suivi a ensuite été effectué tous les trois mois par téléphone, pour quantifier le tabagisme, les symptômes pulmonaires, exacerbations, le recours à des corticoïdes oraux ou à des antibiotiques et les passages aux urgences ou hospitalisations. Tous les ans, une visite annuelle complète était réalisée.
À l’issue des trois ans de suivi, on a pu constater que la moitié des fumeurs/ex-fumeurs à spirométrie normale étaient symptomatiques et qu’ils souffraient alors plus souvent d’exacerbations pulmonaires et de limitations d’activités, par comparaison aux asymptomatiques. Cela pèse-t-il sur l’évolution de la fonction pulmonaire, en absence d’occlusion significative (pas de BPCO) ? Pour l’examiner, l’étude Spiromics II a poursuivi d’au moins trois ans le suivi de ces sujets, soit sur 5 à 10 ans.
Plus d’exacerbations mais pas de déclin accéléré de la FEV1 ni plus de BPCO
L’analyse porte sur les fumeurs/ex-fumeurs sans BPCO à l’entrée, dont quasi la moitié étaient symptomatiques (CODP assessment test score > 10) — 226 patients, d’âge moyen 60 ans, 59 % de femmes — quand l’autre moitié étaient asymptomatiques — 269 patients, âge moyen 63 ans, 50 % de femmes.
Au terme de 5,8 ans de suivi médian, les symptomatiques ont fait plus de deux fois plus d’exacerbations pulmonaires que les asymptomatiques : 0,23 versus 0,08 exacerbation par personne-année (RR = 2,38 [1,71-3,31] ; p < 0,01).
Dans le même temps, on n’observe pas de différence significative en termes d’évolution de la fonction pulmonaire. Le déclin moyen en FEV1 est de 31 ml/an chez les symptomatiques, versus 39 ml/an chez les asymptomatiques. Par comparaison, il était de 28 ml/an dans le groupe contrôle non-fumeur, et de 42 à 47 ml/an dans le groupe BPCO moyenne à modérée.
Enfin, l’incidence cumulée de survenue de BPCO est de 33 % chez les symptomatiques, versus 32 % chez les asymptomatiques (RR = 1,05 [0,76-1,46]). « Ces données suggèrent qu’une large proportion de fumeurs sans obstruction a une maladie persistante symptomatique non obstructive, distincte de la BPCO », concluent les auteurs.
(1) H Pavey et al. Circulating testosterone levels and health outcomes in chronic obstructive pulmonary disease: results from Eclipse and Erica. BMJ Open Respir Res 2023;10:e001601
doi:10.1136/bmjresp-2022-001601
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