Des chiffres
Dans la dépression unipolaire, la non-observance du traitement médicamenteux concerne 53 % des patients, 16 % la première semaine, 41 % la seconde, 68 % la quatrième ; 30 % des patients interrompent leur traitement après le premier mois, 45 à 60 % après trois mois.
Le trouble bipolaire est également concerné par l’inobservance dans 41 % des cas. Dans la schizophrénie, elle oscille entre 25 et 80 % avec des effets d’autant plus délétères que le traitement est destiné à la prévention des rechutes, que celles ci surviennent à distance de l’arrêt du médicament et que leur perception par le patient lui-même est perturbée par la clinique. Le risque de rechute à un an après l’arrêt du traitement est de 70 à 75 % alors qu’il se situe aux alentours de 23 à 35 % des cas pour les patients observants. L’observance est globalement meilleure avec les antipsychotiques atypiques qu’avec les neuroleptiques classiques. En dehors des arrêts de traitements, les prises irrégulières avec ruptures de traitements de plusieurs jours sont fréquentes et évaluées entre 31 et 62 % ; elles sont à l’origine d’une perte d’efficacité, favorisant l’arrêt total du traitement à moyen terme. Une mauvaise observance s’accompagne non seulement de l’augmentation du nombre des rechutes mais également de symptômes plus marqués et d’hospitalisations plus longues. Parmi les facteurs de risques les plus importants figurent la mauvaise qualité d’insight (conscience des troubles), une mauvaise réponse thérapeutique ainsi que les comorbidités addictives.
Inobservance et addictions
La fréquence des consommations de substance psychoactives chez les patients souffrant d’une pathologie psychiatrique sévère est une problématique épidémiologique et clinique bien connue. Ainsi, près de la moitié des sujets atteints d’un trouble bipolaire ou d’une schizophrénie abusent ou sont dépendants à l’alcool et/ou cannabis et/ou au tabac. Cette comorbidité modifie l’histoire naturelle de la maladie, retarde parfois son diagnostic, aggrave son pronostic (elle augmente le risque suicidaire, s’accompagne d’une augmentation du taux de délinquance et d’homicide, accentue la désinsertion sociale) et complique la prise en charge en aggravant, entre autres, la non adhésion aux soins et en entrainant une moins bonne réponse aux psychotropes (avec nécessité d’augmentation des doses et apparition d’ effets secondaires). De surcroit, elle pose un certain nombre de questions complexes pour le clinicien comme celle de la prééminence d’un trouble sur l’autre (l’addiction est elle un symptôme du trouble ou en est elle à l’origine ?), celle de la responsabilité de l’automédication dans la genèse des symptômes, ou celle d’une origine génétique commune.
Chez un patient souffrant d’un trouble addictif, il est donc indispensable de rechercher une pathologie psychiatrique sous-jacente, de s’informer des produits consommés et des effets recherchés, d’analyser la chronologie des troubles voire de respecter une période d’abstinence de façon à améliorer la qualité de l’évaluation clinique.
Psychoéducation
Une des finalités des programmes psychoéducatifs chez les patients schizophrènes est de réduire la mauvaise observance des traitements, cause majeure de rechute et d’aggravation de la maladie. Cette stratégie thérapeutique non médicamenteuse possède à la fois une dimension pédagogique et psychologique, en apportant une information structurée et didactique sur la maladie comme sur ses traitements et en intégrant une approche interactive des participants, facteur d’adaptation à la maladie. En dehors de la carence d’information concernant leur maladie, les troubles cognitifs, la carence d’insight ou encore l’existence de troubles dépressifs participent à la mauvaise observance thérapeutique des patients schizophrènes. Les bénéfices de la prise en charge psychoéducative peuvent être limités par l’existence de troubles cognitifs. Ces derniers semblent pouvoir être améliorés par des techniques dites de remédiation cognitive centrées sur l’attention, le raisonnement, la mémoire verbale et effectuées parallèlement à une prise en charge psychoéducative comme en témoigne une étude (hôpital Corentin-Celton) portant sur 45 patients schizophrènes traités par antipsychotiques atypiques et ayant suivi un programme informatisé de remédiation cognitive pendant un an. Ce programme s’est révélé améliorer significativement le fonctionnement cognitif global et les fonctions exécutives mesurées par des indices validés laissant espérer une meilleure adaptation des patients leur maladie et à sa prise en charge.
Nice. 1ère édition du Congrès français de psychiatrie. D’après les communications des Drs Isabelle Thauvin (Hôpital Louis Mourier ; Colombes). Céline Bera-Potelle, Eric Tran (hôpital Robert-Debré, Reims). Béatrice Laffy-Beaufils (hôpital Corentin- Celton, Issy-les-Moulineaux) .
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