La ville de Nantes organise du 1er au 3 décembre la première édition de son colloque international « Villes et santé mentale ». Cet événement pluridisciplinaire (scientifiques, urbanistes, architectes, anthropologues, élus…) s'intéressera à la manière dont les collectivités peuvent participer à la santé mentale des citoyens. La commissaire scientifique de l'événement est la Dr Rachel Bocher, cheffe du service de psychiatrie au CHU et présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
LE QUOTIDIEN : Comment est né le projet de ce colloque ?
Dr RACHEL BOCHER : Depuis la pandémie, un Français sur quatre est touché par un trouble psychique. Et c’est particulièrement un tsunami pour les jeunes de 15 à 25 ans : 75 % d’entre eux ne bénéficient d’aucune aide médicale ou psychologique, alors que l'on sait que la plupart des troubles apparaissent avant 25 ans. La santé mentale est trop souvent évoquée sous l’angle des soins et de la psychiatrie. Or il est temps de sortir ces questions du seul champ des experts de la santé, afin de passer d’une culture de soins à une culture de prévention, d’autant plus que 80 % des déterminants de santé sont socio-économiques, biologiques et environnementaux.
D’autre part, les villes concentrent 55 % de la population mondiale. Elles peuvent intervenir sur l’habitat pour développer un aménagement plus harmonieux ou favoriser la nature en ville ce qui participe au mieux-être. Les politiques publiques peuvent également renforcer la cohésion sociale et le bien-vivre ensemble à travers les pratiques artistiques ou sportives. Il est nécessaire de lutter contre l’« hyperindividualisme » contemporain qui s’est aggravé avec l’épidémie.
Quel rôle peuvent jouer les villes pour faire face à la crise du secteur de la psychiatrie ?
Les rapports se succèdent depuis une quinzaine d’années mais la psychiatrie est toujours au bord de l’implosion. Les réponses actuelles ne sont pas suffisantes pour résoudre ces enjeux majeurs. Il faut aller plus loin, faire des propositions concrètes et cohérentes au niveau des collectivités. Les villes peuvent créer des interfaces et des collaborations inédites entre les différents acteurs du territoire. Elles peuvent aussi améliorer la coordination entre la psychiatrie et le médico-social ou entre la prévention et le soin.
Les inégalités d’accès aux soins sont majeures. Il faut donc construire des parcours plus lisibles à l’échelle territoriale, favoriser l’accès aux soins de proximité, développer le repérage précoce et la détection des risques psychosociaux. Enfin, les villes ont un rôle à jouer pour modifier les représentations des maladies mentales, en lançant par exemple des campagnes d’information car les personnes souffrant de troubles psychiques peuvent faire l’objet d’une stigmatisation.
Le colloque sera aussi l’occasion de lancer « l’appel de Nantes ». Quel est son but ?
Nous allons interpeller les pouvoirs publics pour inciter les élus locaux à s’engager en faveur de la santé mentale en élargissant le périmètre des prérogatives de ces derniers.
Comment Nantes justement agit au quotidien sur le bien-être psychique de ses habitants ?
La ville a participé à la création de la Maison des adolescents (MDA) de Loire-Atlantique en 2007. C’est un lieu d’accueil et d’écoute qui accompagne les jeunes de 11 à 21 ans. Ils peuvent voir des psychiatres, des psychologues, mais aussi des juristes ou des conseillers d’orientation. C'est en quelque sorte l'antichambre de consultations médicales. Je pense aussi au club-house qui accompagne les personnes atteintes de maladies psychiques pour leur permettre de retrouver une vie sociale ou un emploi. Elles retrouvent le sens de l’initiative et de l’autonomie, apprennent à respecter les horaires et une organisation de vie. Enfin, les services de la ville proposent des activités artistiques et culturelles (musique, danse, etc. ) dans les hôpitaux, en psychiatrie, en oncologie ou en pédiatrie.
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