Un rapport parlementaire

Juger et soigner, ça devrait être possible !

Publié le 08/07/2009
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« JUGER ET SOIGNER », est-ce compatible ? « Oui, dans la mesure où la question des soins intervient très amont dans le traitement judiciaire des affaires », dit au« Quotidien » Me Étienne Blanc, député UMP de l’Ain, auteur d’un rapport consacré à la « lutte contre les pathologies et addictions à l’origine de la récidive » s’inscrivant dans le cadre d’une mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale créée par la commission des lois de l’Assemblée.

Si l’on veut s’attaquer par exemple aux violences conjugales itératives, s’exerçant majoritairement sous l’empire de l’alcool - comme d’ailleurs toutes violences, quelles qu’elles soient -, « il faut en passer par des mesures présentencielles », explique le juriste parlementaire. Il appartient au procureur de la République de conseiller au délinquant de se désintoxiquer et, à l’échéance du traitement, d’appeler à une peine de prison avec sursis et non à une incarcération ferme. La procédure, quelquefois négligée ou bien sous-estimée par la personne poursuivie, évite au moment de la sanction une obligation de soins qui n’a pas toujours les effets attendus par les thérapeutes.

«Juger et soigner », c’est également associer la peine prononcée à un suivi socio-judiciaire (SSJ, loi du 17 juin 1998), au cours duquel le condamné, à sa sortie de prison, se soumettra à un accompagnement médical pendant 2 ou 3 ans. Or, dans l’état actuel des choses, la réinsertion sociale des prisonniers en déficit de santé n’apparaît guère facilitée et la récidive s’en ressent. Étienne Blanc le rappelle, chiffres en main : « Un condamné sur 4 souffre de troubles psychiatriques» et les soins ordonnés pénalement, faute de « moyens adéquats » et compte tenu de « la pénurie de psychiatres », sont mal mis en œuvre, voire pas exécutés. Et, insiste le député de la majorité, le poids de l’alcool est prépondérant. Il entre pour 70 % dans les homicides, dans un inceste sur deux et dans une destruction intentionnelle sur trois.

Uncomité de pilotage.

En conséquence, au regard de la psychiatrie, il conviendrait de constituer un « comité de pilotage de la santé en prison ». Placée sous l’autorité du Premier ministre et animé par une personnalité du monde médical ou judiciaire, l’instance aurait pour tâches, entre autres, de « décloisonner l’administration pénitentiaire du système de santé » et d’ « assurer un suivi personnalisé des malades ». Concomitamment, cela signifie « des équipes de thérapeutes autour d’un psychiatre ou d’un psychologue» et l’intervention en milieu carcéral de mouvements associatifs spécialisés.

Au chapitre de l’obligation de soins, le suivi socio-judiciaire nécessite une multiplication du nombre des médecins coordinateurs. Quarante tribunaux de grande instance et 17 départements en sont dépourvus. Ces psychiatres, interlocuteurs privilégiés du juge d’application des peines, pourraient être autorisés à s’occuper de 30 dossiers, au lieu de 20 actuellement.

Dans tous les cas, il importe de « donner une priorité absolue au traitement de l’alcool », en favorisant la prévention avec le concours des collectivités territoriales et les structures d’aide aux patients en difficulté, et en faisant jouer au maximum lesmesures présentencielles. Pour l’heure, les trois-quarts des aLcoolémies délictuelles au volant ne font l’objet d’aucune incitation ou offre de soins. Dans l’esprit d’Étienne Blanc, la rencontre du juge et du médecin doit devenir l’occasion de prévenir et de traiter les troubles liés à l’alcool et, plus globalement, d’aider à la réinsertion sociale en éliminant la récidive.

PHILIPPE ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr