Une vaste étude épidémiologique s’est penchée sur le lien entre dépression périnatale et mortalité chez les femmes suédoises. Les chercheurs du Karolinska Institutet ont ainsi montré que la dépression périnatale était associée à un risque accru de mortalité, toutes causes confondues (naturelles et non naturelles) et ce jusqu’à 18 ans après l’accouchement. Ces résultats ont été publiés dans le BMJ le mardi 9 janvier dernier. Un focus sur le risque de comportement suicidaire associé à la dépression périnatale a également été publié dans Jama Network Open.
Pour mener cette étude de cohorte, les chercheurs ont utilisé les données du registre médical suédois des naissances et ont identifié les femmes ayant accouché en Suède entre 2001 et 2018. Ainsi, 86 551 femmes ayant eu un diagnostic clinique de dépression périnatale ou une prescription d’antidépresseurs durant leur grossesse ou l’année suivant leur accouchement ont été comparées à 865 510 femmes non affectées par cette pathologie. Même s’il s’agit d’une étude de cohorte, qui ne peut pas établir de lien de causalité, elle est la plus vaste et la plus complète dans ce domaine.
Un risque de mortalité qui persiste dans le temps
Conformément aux études précédentes faisant état d’une mortalité deux à cinq fois plus élevée chez les femmes souffrant de troubles psychiatriques post-partum, les chercheurs du Karolinska Institutet ont montré que les femmes souffrant de ce type de dépression présentaient un risque de mortalité plus de trois fois plus élevé l’année suivant leur accouchement, indépendamment des antécédents psychiatriques. « Une semaine après le diagnostic, les femmes souffrant de dépression post-partum couraient un risque de décès presque six fois supérieur », déplore les auteurs de l’étude.
Ce risque restait deux fois plus élevé 18 ans après le diagnostic de dépression post-partum. Les auteurs précisent : « Les femmes souffrant de dépression périnatale sont associées à une augmentation des comportements nocifs en matière de santé (tels qu’une mauvaise alimentation ou la prise accrue de substances) et à des comorbidités (telles que les troubles de l'humeur à long terme), et couraient donc un risque plus élevé de décès des décennies après l’accouchement ». Ils notent également que l’étude « comble un manque de connaissances en constatant une mortalité accrue chez les femmes souffrant de dépression ante-partum, même si elle reste moins prononcée que la dépression post-partum ».
Suicides et accidents
En comparant 20 000 femmes souffrant de ce type de dépression avec leurs sœurs biologiques ayant accouché à la même période, les chercheurs sont retombés sur les mêmes données ; la dépression semble ainsi jouer un rôle plus important sur le risque de mortalité que la génétique ou l’enfance.
Même si le nombre de suicide était faible, il représentait une part importante des décès. Les femmes souffrant de dépression périnatale étaient plus de six fois plus susceptibles de mourir par suicide et trois fois plus susceptibles de mourir d'un accident que les femmes qui ne souffraient pas de dépression périnatale. Ce risque était particulièrement important dans l’année suivant l’accouchement et chez les femmes sans antécédent psychiatrique. Il persistait durant les 18 années de suivi, « soulignant la nécessité d'une surveillance clinique vigilante de ce groupe vulnérable », précise l’étude. « Des résultats comparables, bien que quelque peu atténués », ont été obtenus en comparant les femmes souffrant de dépression périnatale et leurs sœurs biologiques.
Un lien semble se dessiner entre maladies auto-immunes et dépression périnatale
D’autre part, les chercheurs du Karolinska Institutet ont observé une association bidirectionnelle entre les maladies auto-immunes et la dépression périnatale. Ces données ont fait l’objet d’une publication spécifique dans la revue Molecular Psychiatry.
En se basant sur le registre médical suédois des naissances, les chercheurs ont identifié 815 000 femmes ayant accouché entre 2001 et 2013, dont 55 000 qui souffraient d’une dépression diagnostiquée pendant leur grossesse ou dans l’année suivant l’accouchement. Ils ont ensuite comparé l’incidence de 41 maladies auto-immunes. Parmi elles, « environ 56 % étaient positivement associés à la dépression périnatale, dans un sens ou dans l’autre », indique l’étude.
« Les femmes atteintes d’une maladie auto-immune présentaient un risque accru de 30 % de souffrir ultérieurement de dépression périnatale et les femmes exposées à la dépression périnatale présentaient un risque accru de 30 % de souffrir ultérieurement d’une maladie auto-immune », lit-on. Une association bidirectionnelle positive significative a été observée pour les maladies thyroïdiennes auto-immunes, le psoriasis, la rectocolite hémorragique et la maladie cœliaque. Les femmes atteintes de la sclérose en plaques (SEP), de la maladie d’Addison et de myasthénie grave présentaient le risque le plus élevé. Contre toute attente, il était également plus fort chez les femmes qui n’avaient pas eu de diagnostic psychiatrique antérieur.
Il s’agirait de la première étude, selon les auteurs, qui montrent un risque élevé de dépression périnatale chez les femmes souffrant d’une maladie auto-immune. Toutefois, ils nuancent leurs résultats dans un communiqué : « Puisqu’il s’agit d’une étude observationnelle, aucune conclusion sur la causalité ne peut être tirée ».
Les raisons de cette association restent encore incomprises mais pourraient être liées aux changements hormonaux au cours et à la suite d’une grossesse. L’autrice principale de la publication, la chercheuse à l’institut de médecine environnementale du Karolinska Institutet, Emma Bränn souligne : « Notre étude suggère qu'il existe un mécanisme immunologique derrière la dépression périnatale et que les maladies auto-immunes devraient être considérées comme un facteur de risque de ce type de dépression ».
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