Déconstruire les fausses idées et susciter des vocations. C’est l’objectif de la campagne nationale « Choisir psychiatrie », dévoilée ce mardi 23 janvier, par le Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup) en partenariat avec l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) et l’Association nationale des internes de psychiatrie en France (Affep).
« La psychiatrie est une discipline qui souffre d’un certain nombre de représentations erronées. Le métier de psychiatre est souvent présenté comme étant un peu anxiogène, les jeunes imaginent que c’est un exercice très isolé, une spécialité de moins bonne qualité que les autres, déplore le Pr Olivier Bonnot, président du Cnup, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université de Paris-Saclay. C’est pourtant loin d’être le cas ! »
Désamour
Preuve de cette mauvaise réputation, la psychiatrie occupe chaque année la queue de peloton des choix aux épreuves classantes nationales (ECN), figurant dans les six spécialités les plus boudées par les carabins, au coude à coude avec la gériatrie, la santé publique, la médecine du travail, la médecine générale ou encore la biologie médicale. En 2023, 67 des 547 postes ouverts en psychiatrie étaient restés vacants à l’issue de la procédure choix. « Dans le cadre d’un concours, tout ce qui est rare est davantage demandé. La psychiatrie dispose de plus de places. Les étudiants qui optent pour cette spé ont des rangs de classement plus bas, ce qui porte forcément préjudice à la discipline », analyse Jérémy Darenne, président de l’Anemf. Le serpent qui se mord la queue.
Pour comprendre les raisons de ce désamour, le Cnup a piloté une enquête, en partenariat avec le CSA, visant à décrypter le côté repoussoir de la discipline. « Mieux les comprendre, c’est pouvoir mieux identifier les leviers pour accroître l’attractivité du métier », justifie le Cnup.
L’étude menée auprès de 603 étudiants en deuxième cycle d’études de médecine révèle que 62 % des répondants considèrent la psychiatrie comme moins prestigieuse que d’autres spécialités. Ils sont 65 % à juger la discipline trop chargée émotionnellement en raison de la souffrance psychique des patients. Une idée que le Dr Charles-Édouard NotreDame, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Lille, souhaite battre en brèche. « Absolument toutes les spécialités médicales sont confrontées à ces souffrances. D’ailleurs, il est tout à fait possible d’être attentif à sa qualité de vie en exerçant ce métier passion ! »
« C’est une profession dans laquelle on ne s’ennuie jamais, un métier infini !
Dr Charles-Édouard NotreDame, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Autre point notable du baromètre, 63 % des jeunes interrogés jugent l’exercice de ce métier trop isolé. Une idée que les psychiatres en exercice souhaitent à nouveau combattre. « Nous travaillons au quotidien en lien avec de nombreux métiers du soin, que ce soient des addictologues, infirmiers, neuropsychologues, ergothérapeutes… C’est une activité très variée où le contact est omniprésent », avance la Pr Anne Sauvaget, PU-PH en psychiatrie de l'adulte à la faculté de médecine de Nantes.
Sur le plan de la recherche, là encore, les idées reçues ont la vie dure. Pour 49 % des répondants, cette dimension de la discipline est jugée moins intéressante que pour d’autres spécialités. « Cela montre une réelle méconnaissance de la filière. La recherche en psychiatrie demeure parmi les plus prestigieuses notamment avec les neurosciences, souligne la PU-PH. C’est une recherche très transversale, qui fait le pont avec de nombreuses matières (histoire, philosophie, sociologie) et spécialités (génétique, neurobiologie etc.) », fait valoir la praticienne. « C’est une profession dans laquelle on ne s’ennuie jamais, un métier infini ! On peut à la fois faire de la consultation ambulatoire, de l’hospitalier, de l’enfant, de l’adulte… C’est l’un des métiers les plus variés », défend à son tour le Dr Charles-Edouard NotreDame.
Réenchanter la spé
Pour tenter de changer le regard des jeunes générations, les psychiatres universitaires défendent, à l’unisson, la mise en place de stages obligatoires en psychiatrie dès le second cycle, comme c’est déjà le cas pour la chirurgie, la médecine générale et les urgences. « Nous devons proposer aux étudiants des stages de qualité pour combattre les idées reçues », enjoint la Pr Anne Sauvaget. « La psychiatrie, l’essayer, c’est l’adopter ! », appuie encore le Dr Charles-Édouard NotreDame.
Alors que les besoins de soins en santé mentale ne cessent d’augmenter, le recrutement de nouveaux psychiatres et pédopsychiatres demeure plus que jamais un enjeu de taille. « Dans certains hôpitaux, nous enregistrons jusqu’à 20 % de postes vacants, les files d’attente s’allongent et nous ne disposons pas assez de praticiens pour prendre en charge la population. Notre spécialité est en danger », résume ainsi le Pr Olivier Bonnot (Cnup).
En plus de la diffusion d’un clip, le Cnup prévoit, dans le cadre de campagne d’information « Choisir psychiatrie », d’organiser une série de rencontres avec les étudiants en médecine.
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