C'est la fin d'un vide juridique pour les services de psychiatrie qui durait depuis le 31 décembre 2021. Les nouvelles modalités de l'isolement et de la contention sont entrées en application le 24 janvier, via la publication de la loi sur le passe vaccinal validée par le Conseil constitutionnel, dans laquelle elles figurent.
L'encadrement de ces mesures, qui s'appliquent à des patients en soins sans consentement, a fait l'objet de pas de moins de trois censures par le Conseil constitutionnel depuis juin 2020. La dernière date du 16 décembre dernier et portait sur la forme : la plus haute juridiction jugeait que le sujet, inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, n'avait rien à y faire. Exit donc le cavalier législatif. « Au moins, la loi du 22 janvier porte sur la santé, et même sur la question de la liberté d'aller et venir et la protection de la santé », observe le Dr Michel David, président sortant de la Fédération française de psychiatrie et ancien vice-président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux.
Information systématique du JLD, liste réduite des proches à contacter
Les nouvelles modalités reprennent celles votées par le législateur à l'automne dernier (dans le PLFSS), qui se veulent « un juste équilibre entre un meilleur contrôle de ces pratiques et la prise en compte de la réalité de situations cliniques difficiles que les psychiatres rencontrent », selon les mots d'Olivier Véran, lors du 20e congrès de l'Encéphale, le 19 janvier.
La loi reprend les durées limites des mesures d'isolement (12 heures) et de contention (6 heures), définies suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), ainsi que la possibilité pour le médecin de les renouveler respectivement jusqu'à 48 et 24 heures. Dans ce cas, le directeur d'établissement doit informer sans délai le Juge des libertés et de la détention (JLD), et le médecin, les proches du patient.
Première nouveauté (par rapport à la version en vigueur en 2021) : en réponse à la deuxième censure du Conseil constitutionnel, qui estimait que rien n'assurait un contrôle systématique de ces mesures par le JLD, le nouvel encadrement prévoit sa saisine obligatoire, de la part du directeur de l'établissement, avant l'expiration de la 72e heure d’isolement ou de la 48e heure de contention (lorsque le médecin a jugé que l'état de santé de patient nécessitait de renouveler ces mesures). Le JLD a alors 24 heures pour rendre son avis (mainlevée ou maintien).
En outre, le nouvel encadrement simplifie la liste des personnes que le médecin doit informer lorsqu'il renouvelle une mesure d'isolement ou de contention au-delà respectivement de 48 et 24 heures : il est désormais tenu de prévenir « au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint (...), ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical ». Et non plus une dizaine de personnes. « Cette longue liste pouvait être utile lorsque le JLD n'était pas saisi automatiquement : ces personnes pouvaient s'en charger. C'est désormais caduc », commente le Dr David, tout en soulignant l'avancée que représente, à ses yeux, le fait de solliciter l'avis du patient.
La nouvelle mouture simplifie enfin le cadencement des évaluations lors du renouvellement des mesures, en prévoyant deux évaluations par vingt-quatre heures pour les mesures d’isolement et deux évaluations par douze heures pour les mesures de contention. « Nous ne sommes plus obligés de réveiller les gens en pleine nuit », note le Dr David.
15 millions de crédits supplémentaires
Le ministre de la Santé a rappelé lors de l'Encéphale que « des crédits pérennes supplémentaires à hauteur de 15 millions d’euros viendront abonder en 2022 le plan d’accompagnement, déjà prévu à hauteur de 15 millions en 2021, pour permettre aux établissements de se réorganiser ». Selon l'étude d'impact, ces crédits visent à renforcer les équipes soignantes en recrutant des infirmiers, mettre en place des binômes référents médecin/infirmier, former le personnel, renforcer le système d'information censé suivre les mesures et développer des alternatives comme des salons d'apaisement. « L'enveloppe déjà annoncée l'an passé n'a eu guère d'impact : cela ne règle pas le problème du manque de psychiatres, ni les contraintes qui pèsent sur les juges », considère le Dr David.
Si la sortie du vide juridique soulage les médecins (qui attendent encore des décrets d'application), « il manque une réflexion globale autour de la psychiatrie qui pâtit d'une vision très coercitive », regrette le spécialiste. « Il faudrait au moins un observatoire des soins sans consentement », demande-t-il. Selon une communication de l'épidémiologiste Magali Coldefy à l'Encéphale, l'augmentation de la part des patients en soins sans consentement dans la file active de psychiatrie est une tendance de fond depuis 2012 ; tout comme la mise à l'isolement, avec une hausse de + 50 % du nombre de personnes qui l'ont expérimentée au cours d'un séjour hospitalier.
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