La France se situe au deuxième rang de la consommation européenne de benzodiazépines, derrière l’Espagne. Hypnotiques et anxiolytiques confondus, le généraliste reste de très loin le premier prescripteur en libéral. 90 % des ordonnances de benzodiazépines émanent de son cabinet – 7 % proviennent des psychiatres.
En 2015, selon l’ANSM, 13,4 % de la population française avait consommé une benzodiazépine au moins une fois. Les médecins généralistes sont non seulement concernés personnellement mais cela a une influence sur leur pratique. « Les praticiens qui consomment des hypnotiques sont d’autant plus à risque d’en prescrire à leur patient », a expliqué le Dr Boris Gass, chef de clinique en médecine générale à Strasbourg, au congrès du CNGE, lors de présentations dédiées à la prescription de psychotropes en ville.
Les chiffrent sont particulièrement éloquents : chez les généralistes consommateurs réguliers de benzodiazépines, le taux de prescription serait « huit fois supérieur pour les anxiolytiques et plus de 30 fois supérieurs pour les hypnotiques, selon les données de la littérature », souligne le Dr Gass.
Profil de généraliste
Pour mieux cerner le profil de ces généralistes (à la fois consommateurs et davantage prescripteurs de benzodiazépines), le Dr Boris Gass et son équipe ont réalisé une étude transversale analytique, sur 2 334 généralistes d’Alsace-Moselle, grâce aux données issues de l’Assurance-maladie, sur l'ensemble de l’année 2018. Les critères étudiés étaient les caractéristiques du généraliste, celles des patients s'étant vu prescrire du zolpidem et zopiclone, et les délivrances que le généraliste avait lui-même reçues pour ces molécules. « 10 % des généralistes avaient eu au moins une prescription d’hypnotiques dans l’année, avec une représentation égale des hommes et des femmes », poursuit le Dr Gass.
L’étude permet de dégager des profils de généralistes plus susceptibles de consommer ces psychotropes : les plus de 50 ans et souffrant d’ALD. « À l’inverse, les médecins qui participaient davantage à la permanence des soins étaient moins nombreux à consommer des benzodiazépines, tout comme ceux exerçant en association », précise le Dr Boris Gass. Ainsi, parmi le groupe des « consommateurs », seuls 35 % d'entre eux réalisaient des gardes, contre 45 % chez les généralistes ne prenant pas d'hypnotiques. La charge de travail, en revanche, n'était pas un critère déterminant.
Plus de prescriptions en moyenne, mais pas systématiquement
Mais si ces généralistes consommateurs prescrivent davantage de benzodiazépines en moyenne, « ils les prescrivaient moins aux patients âgés ou en ALD. En réalité, ils font plus attention aux populations fragiles », analyse le généraliste strasbourgeois. En parallèle, ils avaient toutefois plus tendance à prescrire des hypnotiques aux patients bénéficiant de la CMU.
Ces résultats sur les patients précaires font écho à une autre étude présentée au CNGE, portant sur 2,5 millions de personnes vivant en Midi-Pyrénées, et menée par le Dr Yohann Verges, généraliste en maison de santé près de Toulouse. Son analyse met en regard délivrance de benzodiazépines et indice de défavorisation sociale. Résultat : « Les plus défavorisés avaient 20 % de prescription de benzodiazépines en plus par rapport aux classes les plus aisées », explique le Dr Verges. Cette disparité est également constatée sur la délivrance d’antidépresseurs. « Les patients les plus défavorisés prennent souvent des benzodiazépines au long cours, et ont aussi tendance à avoir moins accès aux psychothérapies. »
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