En février dernier, le British Medical Journal publiait une méta-analyse louant les bénéfices de l’activité physique sur la dépression. La danse, considérée comme une thérapeutique « très prometteuse », selon ses auteurs, souffrirait cependant d’un nombre insuffisant de travaux.
Cette méta-analyse n’est pas la seule à considérer la danse avec sérieux. Le Sports Medecine en janvier dernier lui attribue des bienfaits sur le bien-être psychique et les capacités cognitives, qu’il s’agisse de zumba, de danse de couple, salsa, etc. Oui, la danse fait du bien. La musique, la sollicitation du corps, l’aspect créatif, la stimulation du système nerveux autonome, les endorphines, la dopamine. Mais comment peut-elle devenir thérapeutique ? Psychiatre à Lyon et responsable d’un centre d'aide thérapeutique à temps partiel (CATTP) à l’hôpital du Vinatier à Lyon, le Dr Emmanuel Monneron, aussi chorégraphe et danseur, expérimente deux manières d’utiliser la danse auprès de ses patients : l’une au sein des locaux hospitaliers, à visée thérapeutique, l’autre à la Maison de la danse à Lyon « à visée artistique, citoyenne et inclusive ».
Une expérience positive du corps
Titulaire d’une thèse sur les bénéfices cognitifs d’un réentrainement sensori-moteur auprès de patients schizophrènes, le Dr Monneron met en pratique, au sein du CATTP, le sujet même de son travail. À savoir, un « groupe psychocorporel », où les patients - guidés via la danse, le yoga, la sophrologie, ou encore la méthode Feldenkrais et les automassages - (re) découvrent des capacités sensori-motrices sous-utilisées, et gagnent ainsi en capacités cognitives, notamment attentionnelles. Ce groupe est destiné aux patients souffrant de « surpoids, d’hallucinations cénesthésiques, de handicap physique, de psychotrauma » ainsi « amenés à faire une expérience positive de leur corps, qui devient un appui pour la confiance en soi », explique le Dr Monneron.
En l’absence de moyens et de temps dédié, il n’y a pas de protocole de recherche sur ce projet. Ce que l’hôpital finance, en revanche, c’est un dispositif, non thérapeutique, nommé Éclats d’arts, en lien avec le réseau institutionnel « La Ferme du Vinatier ». Dans la lignée du programme « Culture et santé », le dispositif vise à favoriser l’accès du public hospitalier à la culture. C’est de ce dispositif dont Emmanuel Monneron s’est saisi, pour créer un partenariat avec la Maison de la danse à Lyon, via le projet « Danse et santé mentale » en place depuis 2017. En résumé, il s’agit de faire sortir les patients de l’hôpital pour les immerger dans un projet artistique et inclusif.
Créer ensemble
Il y a eu le projet « Tous ces autres en soi », avec la chorégraphe Ariane Boulet. Cette année, c’est Louis Combeaux, un Bruxellois, qui accompagne le psychiatre, dans cette aventure de groupe. Le public ? Des jeunes patients entre 18 et 25 ans, suivis pour une première décompensation psychiatrique, mais aussi leurs frères et sœurs, leurs amis… « Nous nous sommes décalés de la dimension du soin », précise-t-il. Le cadre n’est donc pas « thérapeutique » même s’il œuvre à une « réhabilitation psychosociale. » Chaque année, un nouveau projet avec un nouvel artiste invité porte de nouveaux patients à réaliser une création de groupe et à enchaîner sur une, voire deux, représentations publiques en fin d’année. Les soignants, aussi, participent. Le Dr Emmanuel Monneron danse avec eux : « J’ai dansé dans tous les spectacles », raconte-t-il. « On met de côté les catégories soignants, sachants », ce qui favorise ainsi l’ « horizontalité de la relation ». Et le Dr Monneron de développer : « on peut danser ensemble et s’entraider ».
Dans la lignée de la pair-aidance, ces dispositifs citoyens, où l’art crée des ponts entre les mondes, amènent les personnes à prendre soin. D’une création, d’une relation, d’un instant de partage. Et ce n’est pas parce que la dimension thérapeutique est écartée que le bénéfice est moindre. Dans le documentaire « À l’intérieur » de Claire Juge, les participants de ces créations collectives, portées par La Ferme du Vinatier et la Maison de la danse à Lyon, en attestent : « Quand je danse, je n’ai plus d’angoisses, je m’envole », raconte une danseuse, qui souffre de troubles psychiques.
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