LE QUOTIDIEN : Pourquoi un congrès en addictologie dédié aux jeunes ?
Pr NICOLAS FRANCHITTO : On sait, à travers la prise en charge des addictions chez l'adulte, qu’il est important de s'intéresser à ce qui se passe chez les plus jeunes. Dans le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) par exemple, les adultes sont bien souvent devenus consommateurs, en partie parce qu’ils n’ont pas été repérés plus jeunes. La précocité du repérage atténue la sévérité de l’expression des comorbidités à l’âge l’adulte. Il est nécessaire de dépasser le « simple » diagnostic pédopsychiatrique lorsque coexistent dès l’adolescence des comorbidités addictives.
Quelles sont les nouvelles consommations chez les adolescents et les étudiants ?
On observe des consommations régulières de cannabis dès l’âge de 12 ou 13 ans. Les pédopsychiatres sont en première ligne pour repérer ces problématiques. L’alcool et la pratique du binge drinking restent un problème de santé publique chez les jeunes. Le tabac fumé, lui, semble en légère régression.
Chez les étudiants, on observe un attrait pour des substances plus récentes, comme le protoxyde d’azote. Près de 5 % d’entre eux ont recours à des psychostimulants, bêtabloquants, amphétamines ou cocaïne. Les produits de synthèse, notamment les cannabinoïdes, sont plus addictifs, plus toxiques et présentent des risques psychiatriques, somatiques et sur la cognition, sur le long cours.
Quelles sont les situations familiales et individuelles les plus à risque chez les jeunes ?
Les facteurs de risque sous-jacents aux pathologies duelles sont multiples : biologiques, génétiques, environnementaux, psychologiques. Des antécédents familiaux d’addiction ou de troubles mentaux, un traumatisme infantile, un stress majeur contribuent à la survenue de troubles comorbides. L’adolescence est à haut risque : une première expérience associée à des troubles anxieux, du sommeil, une inhibition sociale ouvre le risque d’une trajectoire de consommation menant à l’addiction. Les étudiants en santé, confrontés à des pressions sociales et académiques pouvant être source de stress et d’anxiété, sont considérés comme une population vulnérable.
Les étudiants en santé, confrontés à des pressions sociales et académiques sont considérés comme une population vulnérable
Quelles orientations pour le TDAH lors du congrès ?
Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental ayant un retentissement significatif sur la vie quotidienne, en particulier pendant la transition délicate de l’adolescence à l’âge adulte. Nous espérons beaucoup de la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (2023-2027) qui met en lumière l’importance de la prise en charge de ce trouble fréquemment comorbide d’un trouble de l’usage de la cocaïne à l’âge adulte. Les neurologues insistent par ailleurs sur le fait que le méthylphénidate ne doit pas être un « traitement d'épreuve » : un diagnostic doit dans un premier temps être posé, avant de proposer une prise en charge intégrée pluriprofessionnelle, reposant sur des traitements médicamenteux et psychothérapeutiques, ainsi que de remédiation cognitive.
Quelles pistes pour améliorer le repérage et les prises en charge ?
Coordonner et intégrer nos prises en charge entre psychiatres, addictologues, neurologues et médecins généralistes. Des liens étroits entre consultations ados et service d’addictologie fluidifient les parcours. Le programme Addict’team forme des étudiants en santé au repérage des addictions de leurs pairs au sein des tutorats. La mise en place de la commission Bien-être étudiants en santé est essentielle dans nos facultés pour la prévention des risques psycho-sociaux. Ainsi que l’enseignement proposé aux étudiants avec le DIU « Soigner les soignants », coordonné par le Pr Jean-Marc Soulat, responsable du service de pathologies professionnelles, avec la Dr Bénédicte Jullian, psychiatre et addictologue.
Qui doit coordonner ces nouveaux parcours de soins ?
C'est toute la question. Aujourd’hui, en fonction de la comorbidité principale, on identifie un médecin référent pour coordonner le parcours. Généralement, dans le TDAH, c'est le psychiatre ou le neurologue. Si un jeune présente une comorbidité psychiatrique, idéalement c’est le pédopsychiatre. Ainsi, lorsque le jeune est pris en charge au sein d’un programme d’hôpital de jour en psychiatrie, il peut bénéficier de consultations d’addictologie sur site, le jour même. Outre les bénéfices pour les patients, ces parcours permettent aussi d’optimiser le temps soignant - on connaît les problèmes actuels de recrutement en psychiatrie et en addictologie.
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