Situé à Neuilly-sur-Marne, l’immense établissement public de santé mentale de Ville-Évrard (EPSVE) couvre 80 % des besoins de la Seine-Saint-Denis. Comme nombre d’hôpitaux spécialisés en psychiatrie et malgré une assise forte dans l’ouest parisien (l’hôpital est implanté sur sept sites et cinq communes), Ville-Évrard n’est pas épargné par la pénurie médicale, déplore la cour régionale des comptes d’Île-de-France dans un rapport détaillé publié mi-juillet.
Instabilité peu propice aux soins
La chambre régionale a contrôlé les comptes et la gestion de l’établissement pour les exercices 2018 à 2022. Son enquête montre de fortes variations sur le volume et le type de contrats des équipes médicales d’une année à l’autre, laissant entrevoir une instabilité peu propice aux soins.
Le constat des rapporteurs est cinglant : « Le taux de vacances des postes médicaux entretient une spirale délétère en rebutant les candidats potentiels et les internes. L’absence d’internes dans certains pôles empêche d’y construire des filières professionnelles », écrivent-ils. Par ricochet, et du fait que les praticiens hospitaliers (PH) sont majoritairement issus de l’effectif des assistants, eux-mêmes anciens internes, ces pôles ont pu connaître des taux de vacance « supérieur à 50 % », regrette la chambre régionale.
Ville-Évrard est confronté à un déficit d’attractivité résultant de la nature psychiatrique de l’établissement et de son implantation géographique. « Ceci se traduit par un nombre important de postes vacants : début 2023, l’EPSVE comptait encore 41 postes vacants de médecins et 76 postes d’infirmières, soit des taux de vacance respectifs de 23 % et 12 % », lit-on. Conséquences : un taux de rotation de 15 % pour les médecins en 2022, un absentéisme global « difficile à contenir » et un « recours croissant aux personnels contractuels et intérimaires ».
Trente ETP médecins en moins en quatre ans
Dans le détail, l’évolution des effectifs se caractérise par un relatif maintien s’agissant des personnels non médicaux mais par une diminution marquée (- 9,3 %) du personnel médical alors que le nombre de lits et de places est resté constant. L’hôpital est passé de 250 psychiatres (PH, internes, FFI et docteurs juniors) en 2018 à 227 en 2022 (en équivalent temps plein rémunéré).
La baisse de l’effectif médical s’observe majoritairement chez les praticiens non permanents (attachés et contractuels). La diminution des PH a été plus mesurée, lit-on dans le rapport. Les départs des médecins s’expliquent essentiellement par des fins de contrat de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), FFI ou stagiaires associés.
Des dépenses d’intérim multipliées par sept
Cette situation se traduit aussi par un recours accru aux personnels contractuels et intérimaires. En dehors de la gestion des absences, constate la chambre régionale, « l’évolution des dépenses du personnel de remplacement traduit la difficulté à recruter du personnel soignant et médical en psychiatrie », même si les efforts déployés ont permis de ralentir le recours à l’intérim entre 2021 et 2022.
Reste que les dépenses d’intérim ont été multipliées par sept entre 2019 et 2021. En 2018, l’établissement dépensait 70 000 euros ; en 2019, 400 000 euros, en 2021, 2,9 millions d’euros ; et en 2022, 1,7 million d’euros.
Le nombre de personnels contractuels (exprimé en ETPR) a également augmenté d’un quart entre 2018 et 2022. Cette progression est plus marquée si on considère les seuls personnels en contrat à durée déterminée (+ 130 %).
Autre aspect de la pénurie médicale : un « recours exponentiel aux heures supplémentaires accru par la crise sanitaire ». D’une année sur l’autre, le temps de travail additionnel médical reste toujours élevé malgré une baisse entre 2022 (près de 810 000 euros) et 2021 (plus de 900 000 euros).
Un plan d’attractivité à 1,8 million d’euros mais sans bilan
Si la chambre régionale note les efforts de l’établissement pour fidéliser les personnels, elle ne peut que constater l’échec des différentes tentatives déployées à cet effet.
Les leviers d’attractivité s’avèrent « peu efficaces » pour combler l’ensemble des besoins. À l’automne 2023, seules 18 primes d’engagement dans la carrière hospitalière avaient été distribuées. Créée en 2017, cette prime consiste à verser un bonus aux médecins contractuels s’engageant par convention avec l’établissement dans lequel ils exercent, à y présenter le concours de PH et à y exercer pendant trois ans.
L’établissement a également façonné un plan d’attractivité : offre accrue de places en crèche, formation étendue, politique de logement plus globale, valorisation de l’investissement, paiement des gardes des docteurs juniors sur la base de garde senior, etc. Mais, déplore le rapport, si on en connaît le coût (1,8 million d’euros en 2022), manque toujours un bilan permettant d’attester de l’efficacité de ces mesures.
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