Réformer la psychiatrie publique et en faire une grande cause nationale : une même ambition anime tous les acteurs de la santé mentale. L'originalité d'un nouveau rapport de la fondation Jean Jaurès sur le sujet, rédigé par le Dr Boris Nicolle, psychiatre, praticien hospitalier (service de réhabilitation psychosociale du centre hospitalier des Pyrénées, Pau et membre de l’Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues - AJPJA) est de fonder cette réforme sur la promotion de la notion de rétablissement, « un changement de paradigme à acter », lit-on.
Prenant acte du nombre exponentiel de rapports sur le sujet - dont « beaucoup préconisent d’ailleurs d’arrêter de rédiger des rapports » -, ce travail ne s'attarde pas sur les constats et propose 20 pistes « pour penser la refondation d’un véritable service public de psychiatrie, ouvert sur la société, organisé autour de l’usager dans une optique de rétablissement et caractérisé par une culture de la coopération, de la pluridisciplinarité et de l’évaluation ».
L'usager et ses attentes au centre
Le rétablissement implique de « laisser à la personne concernée un pouvoir d’agir et une autonomie, en s’appuyant sur ses attentes vis-à-vis des soins, ses projets, ses besoins et ses ressources », explique le Dr Nicolle. L'usager est « l'acteur principal de la prise en charge ». Plus que la guérison ou la disparition des symptômes, ce sont sa qualité de vie et le respect de son autonomie qui comptent.
Concrètement, cela suppose de poser comme objectif « clair et ambitieux » la disparition de l'isolement et de la contention (dont l'encadrement vient d'être révisé). Un tel principe incite également à faire du lieu de vie des personnes, le « centre de gravité » de la prise en charge. En d'autres termes, à promouvoir l'ambulatoire et l'aller vers et non plus seulement l'hôpital. « Hormis certaines unités surspécialisées, l’hospitalisation en psychiatrie est utile lors des situations de crise et doit être la plus brève possible. Elle est le lieu de soins intensifs (...) Il s’agit d’une parenthèse dans la prise en charge », est-il précisé.
Réorganisation à partir des PTSM
À principe nouveau, réorganisation nouvelle. Déplorant une « cathédrale organisationnelle baroque » et illisible, le Dr Nicolle propose de faire du Projet territorial de santé mentale (PTSM) l’opérateur principal de la psychiatrie. Cet échelon, qui doit pouvoir proposer un « panier de soins » à la population, devrait voir ses prérogatives renforcées, notamment en lui donnant un pouvoir de décision sur l'offre de soins et surtout une capacité de financement. « Il y a une réflexion à mener sur l'affectation (par les ARS) au PTSM et non plus aux établissements, de tout ou partie des financements dédiés à la psychiatrie sur le territoire », lit-on. Cela devrait permettre de réduire les inégalités de l'offre de soins et de sortir d'un système hospitalo-centré.
Le secteur ne serait pas pour autant abandonné : il constitue un premier niveau d'organisation qui participe surtout aux fonctions de soins et d'urgence. Il devrait recouper le périmètre du Conseil local de santé mentale (CLSM) dont il serait un interlocuteur. Par ailleurs, il est proposé un élargissement des missions des CLSM afin de développer des partenariats locaux, par exemple sur des actions de prévention ou de déstigmatisation.
Quant au pilotage national, le rapport propose de transformer la mission du délégué ministériel à la psychiatrie et à la santé mentale (le Pr Frank Bellivier) en une délégation interministérielle rattachée au Premier ministre, et de créer une Agence nationale pour la recherche, l’innovation et l’évaluation en santé mentale, instance de dialogue et d'expertise.
Formations et nouveaux métiers
Parmi les autres pistes, le Dr Nicolle insiste sur la nécessité de réfléchir à la formation des psychiatres et à la place des infirmiers en pratique avancée (IPA), des psychologues, de la pair-aidance, et des nouvelles fonctions que sont la coordination de parcours (« case management »), la gestion des partenariats et le management médical.
Enfin, il insiste sur l'implication de l'ensemble de la société dans la rénovation de la santé mentale, ce qui suppose la participation à la réforme des acteurs extérieurs à la santé (éducation nationale, justice, enseignement supérieur, recherche, politique de la ville…), ainsi que l'élaboration d'une loi-cadre au préalable.
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