Alors que la CMU-C et l'aide à la complémentaire santé (ACS) doivent fusionner ce 1er novembre en un dispositif unique (la complémentaire santé solidaire), le Défenseur des droits révèle dans une enquête* que les patients bénéficiaires de ces aides se voient plus souvent refuser des soins par les professionnels de santé que les autres, et notamment par les psychiatres.
Ce « testing » se fondait sur trois profils de patients : une patiente de référence, une patiente révélant par son patronyme une origine africaine et une patiente indiquant bénéficier, une fois sur deux, de la CMU-C ou de l’ACS. Un motif médical sans urgence médicale était indiqué, équivalent en nature d'une patiente à l'autre, et en intensité d’une profession à l’autre. La répartition spatiale des cabinets et le conventionnement des professionnels de santé sont proches de ceux de la France entière.
Il en résulte que plus d’un cabinet sur dix a refusé de recevoir les personnes du fait qu’elles sont bénéficiaires d’une prestation telle que l'ACS ou la CMU-C : 9 % des chirurgiens-dentistes, 11 % des gynécologues et 15 % des psychiatres.
Plus de 21 % de refus avec l'ACS chez un psychiatre
Alors que la patiente de référence obtient un rendez-vous avec succès dans 70 % des cas, la personne bénéficiaire d’une aide (CMU-C ou ACS) a un taux de succès de 58 %. 12 % des cabinets contactés refusent donc un rendez-vous à la patiente bénéficiant de la CMU-C ou de l’ACS, alors qu’ils l’accordent à une patiente non bénéficiaire qui formule, à la même période, une demande de rendez-vous pour le même type de pathologie, sans caractère d’urgence. Les rendez-vous sont obtenus dans un délai moyen de 20 jours pour les chirurgiens-dentistes, 45 jours pour les gynécologues et 31 jours pour les psychiatres, quel que soit le profil de la patiente.
Dans plus d’un tiers des cas, les professionnels de santé ayant un comportement discriminatoire, ont déclaré à la patiente, pour justifier le refus de soins, ne pas accepter les bénéficiaires de la CMU-C ou de l’ACS (et ce alors que le Code de la santé publique le prohibe). Les autres cas de refus renvoient à un argumentaire « plus insidieux » : 20 % déclarent ne pas prendre de nouveaux patients, 12 % ne pas connaître la prestation, 9 % ne plus avoir de places…
Les refus de soins discriminatoires sont davantage marqués en secteur II (6 points de plus), qu'en secteur I et OPTAM. « Ce résultat montre la prévalence de la logique économique des professionnels de santé dans les situations de refus de soins discriminatoire », note le Défenseur des droits.
Surtout, c'est en psychiatrie de ville qu'ils sont le plus forts : 14,3 % des patientes en CMU-C et 21,5 % avec l’ACS ont été confrontées à un refus de soins discriminatoires de leur part, contre respectivement 4,8 % et 8,1 % de la part des dentistes. « Le refus de soins discriminatoire est maximal pour une consultation de psychiatrie demandée par un bénéficiaire de l’ACS », résume le Défenseur des droits dans son rapport. Ce refus de patients avec l'ACS « peut traduire une moindre connaissance du dispositif ou encore des anticipations des professionnels sur la complexité du dispositif, ses contraintes administratives, les délais, les rejets de remboursements », analyse-t-il. Avec jusqu’à deux fois plus de refus de soins discriminatoires pour les bénéficiaires de ce dispositif, l’ACS apparaît donc plus pénalisante (dans les trois spécialités) que la CMU-C, qui s'adresse pourtant à des personnes plus précaires.
Moindre incidence de l'origine
En revanche, peu de différences sont constatées selon l’origine supposée de la patiente, y compris en la croisant avec le profil CMU-C ou ACS. « Ce résultat global masque cependant des différences de traitement selon certaines caractéristiques propres au cabinet médical ou à son territoire d’exercice », tempère le Défenseur des droits.
La patiente présumée d’origine africaine est davantage discriminée en Bretagne et en Centre-Val de Loire, alors qu’elle est favorisée en région PACA. Un prénom signalant une confession musulmane réduit tout de même de 6,5 points les chances d’accéder à une consultation de psychiatre.
La CMU-C et l'ACS comptent sept millions de bénéficiaires.
* Enquête réalisée via un testing téléphonique entre février et mai 2019 auprès de 1 500 cabinets de gynécologues, psychiatres et chirurgiens-dentistes et 4 500 demandes de rendez-vous.
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