Plus sournois encore que le harcèlement présentiel, le cyber-harcèlement bouleverse la vie de certains jeunes très présents sur les réseaux sociaux. Faisant un parallèle avec le rôle préventif des médecins généralistes dans les violences faites aux femmes, la Dr Gwenaëlle Patte propose un questionnaire de pré-consultation à remplir - sans les parents - qui permet de détecter des signes de fragilité et de risque de troubles psychiques ou somatiques.
À qui s’adressent les 6 à 13 % d’adolescents qui subissent chaque année des actes de harcèlement, histoires funestes qui, dans cette période de développement des réseaux sociaux et de moindres contacts scolaires, se traduisent de plus en plus souvent par du cyber-harcèlement ? La plupart du temps, ces actes répréhensibles sont gardés secrets par honte, par peur, par méconnaissance des recours possibles… Il faut aussi dire que ces dernières années, les jeunes ont assisté à la généralisation des actes de cyber-harcèlement entre adultes, notamment sur la question du Covid et de la vaccination. « Pourtant, si l’on établit un parallèle avec les violences faites aux femmes dans lesquelles les médecins généralistes jouent un rôle de plus en plus prégnant, on peut imaginer que ces soignants pourraient devenir des personnes-ressources pour les adolescents en difficulté », explique au « Quotidien » le Dr Gwenaëlle Patte qui a rédigé une thèse sur la détection du cyber-harcèlement en médecine générale.
Aujourd’hui, 13 % de la population est âgée de 12 à 18 ans, mais ces jeunes ne représentent que 8 % des consultations en médecine libérale (principalement auprès de généralistes). Outre les maladies saisonnières, les motifs de consultations peuvent être, entre autres, le reflet d’un impact sur la santé du cyber-harcèlement : dépression, troubles anxieux, idées suicidaires voire passage à l’acte, conduites antisociales (voire port d’armes dans l’enceinte scolaire), troubles de la sphère affective et sociale, baisse de l’estime de soi, abus de substances, insomnies, céphalées, troubles de la scolarité…
Un phénomène dangereux
Le cyber-harcèlement est un phénomène encore méconnu des professionnels mais aussi des parents. À la différence du harcèlement présentiel, il présente plusieurs caractéristiques rendant le phénomène d’autant plus dangereux. La dissémination de l’information est très rapide : un seul clic permet d’atteindre un grand nombre de personnes. L’anonymat confère un sentiment d’impunité et entraîne une diminution de la conscience des conséquences de ses actes. L’identification de l’auteur est difficile. Enfin, il n’existe pas de limite temporelle, la violence peut s’exercer à toute heure du jour ou de la nuit et les traces numériques restent dans la durée.
Le cyber-harcèlement prend des formes variées : Intimidations, insultes, moqueries ou menace en ligne, propagation de rumeurs, piratage de comptes et usurpation d’identité digitale, création d’un sujet de discussion, d’un groupe ou d’une page sur un réseau social à l’encontre d’un camarade de classe, publication d’une photo ou d’une vidéo de la victime en mauvaise posture, sexting, contraction de « sex » et « texting » défini comme « des images produites par les jeunes qui représentent d’autres jeunes et qui pourraient être utilisées dans le cadre de la pornographie infantile »….
« Difficile d’aborder le sujet de but en blanc face à un adolescent en consultation, d’autant plus qu’il est souvent accompagné de ses parents », analyse la Dr Patte. « C’est pour cette raison que nous avons interrogé des spécialistes de l’enfance (pédopsychiatres, psychologues, infirmière scolaire, éducatrice spécialisée, policiers, responsables du pôle prévention, directeur scolaire…) afin d’établir avec eux un questionnaire à proposer en pré-consultation aux jeunes patients et orienter vers un dépistage du cyber-harcèlement ».
En cours de consultation, et en se fondant sur l’analyse du questionnaire, un dépistage et un diagnostic reposant sur l'écoute peuvent être posés par le médecin généraliste. Souvent, le simple fait de se sentir écouté permet à l’adolescent de mieux appréhender le phénomène dont il est victime. À l'issue, une orientation vers des personnes-ressources identifiées par le biais, par exemple, de la ligne téléphonique 3020 « Non au harcèlement » ou du 3018, nouveau numéro de référence pour les jeunes victimes de violences numériques est aussi à envisager. Ces services permettent de déclencher des procédures légales de signalement afin de mettre les adolescents à l’abri. « Reste qu'ils sont mal connus des médecins », continue la Dr Patte. Enfin, le médecin serait à même de mettre en place des plans d’action en collaboration avec les parents et l’établissement scolaire puis organiser un suivi adapté.
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