Lancés en 2004, les derniers résultats des Testosteron Trials initiés par les instituts nationaux américains de la santé (NIH), publiés mercredi dans le « JAMA » et le « JAMA Internal Medicine » offrent un visage contrasté.
D'une part, l'application de gel de testostérone améliore la densité minérale osseuse et diminue la prévalence de l'anémie du patient âgé traité pour hypogonadisme, mais, d'autre part, son impact sur les troubles cognitifs est nul et le risque cardiovasculaire reste incertain.
Les 4 études présentées suivent le même protocole : les patients étaient répartis entre un groupe recevant une dose quotidienne de testostérone sous la forme de gel, et un groupe recevant un placebo, pendant 1 an.
Données contradictoires
Les données sur le risque cardiovasculaire étaient les plus attendues. « Il y avait eu un premier signal d'alerte, se souvient le Pr Hervé Lejeune, du service de Médecine de la reproduction du CHU de Lyon. Une première étude sur des patients âgés traités avec de fortes doses de testostérone avait dû être interrompue, à cause d'une augmentation du nombre d'accidents cardiovasculaires dans le groupe traité. Une autre étude chez les vétérans américains montrait peu d'accidents chez des patients traités, mais, compte tenu des covariables, ils auraient dû en avoir encore moins. »
Dans une des études du « JAMA », les angiographies réalisées par Pr Matthew Budoff, de l'université de Californie (Los Angeles) et son équipe, confirment ce signal. Chez les 73 hommes qui ont reçu quotidiennement de la testostérone, on observe une augmentation du volume de plaques coronaires non calcifiées significativement plus élevée que celle les 65 du groupe placebo (de 204 à 232 mm3 contre 317 à 325 mm3). Les patients du groupe placebo avaient néanmoins à l'inclusion un volume de plaques très supérieur (317 contre 204), ce qui laisse le Pr Lejeune dubitatif : « J'ai du mal à interpréter cette énorme différence. Normalement, la littérature montre que les gens en hypogonadisme développent de l'athérosclérose. Je pense toutefois qu'il est sans doute dangereux de donner des grosses doses à un patient avec un terrain cardiovasculaire fragile », conclut-il.
Ces résultats sont contredits par une étude du « JAMA Internal Medicine », menée par le Craig Cheetham, du Kaiser Permanente Medical Group de Californie du Sud, sur une cohorte rétrospective de plus de 8 800 patients. Ces travaux montrent un taux d'incidents cardiovasculaires de 23,9/1 000 personnes année chez les patients non traités par testostérone contre 16,9/1 000 personnes année chez les patients traités au cours d'un suivi médian de 3,4 ans.
Anémie et densité osseuse
Concernant l'effet sur l'anémie, les résultats sont sans appel. Dans l'étude menée par le Dr Cindy Roy, de l'université Johns Hopkins (Baltimore) sur 788 hommes, dont 126 anémiques (taux d'hémoglobine ≤ 12,7 g/dL). Chez plus de la moitié des patients sous testostérone, le taux d'hémoglobine a augmenté d'au moins 1 g/dL (15 % dans le groupe placebo). D'autres résultats obtenus par le Dr Peter Snyder (université de Pennsylvanie) montrent quant à eux une augmentation de la densité minérale osseuse de 6,8 % au niveau de la colonne vertébrale chez les patients traités, comparés aux patients non traités par testostérone, et de 8,5 % au niveau des hanches. « Ces résultats étaient déjà connus chez les patients hypogonadiques jeunes mais pas chez les sujets âgés », commente le Pr Lejeune. Un dernier essai montre une absence d'amélioration en ce qui concerne le test de mémorisation d'un texte qui constitue le critère primaire d'évaluation.
La surprescription américaine
« Ces résultats ne modifient pas la balance défavorable des bénéfices et des risques d'un traitement de l'hypogonadisme lié à l'âge », résume sans concession l'édito du Pr Handelsman, spécialiste de la reproduction masculine à l'université de Sydney, qui dénonce « la surprescription de testostérone, poussée par le marketing ciblant directement le consommateur, avec la complicité de certains médecins et organisations professionnelles ».
La surprescription est « un problème aux États-Unis, mais moins en France où l'AndroGel n'est pas remboursé », précise le Pr Lejeune, pour qui la testostérone doit être prescrite aux patients avec des taux très faibles de testostérone. « Le consensus international s'accorde sur une limite de 2,3 ng/mL en dessous de laquelle il faut traiter et une limite de 2,5 ng/mL au-dessus de laquelle il ne faut pas traiter. Pour les patients qui ont des troubles de l'érection avec un taux pas très bas, les IPP-D5 donnent de meilleurs résultats.
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