Les interventions hygiénodiététiques, comme la pratique des exercices physiques et la mise en place de régime hypocalorique, sont réalisables et reproduites au cours de protocoles expérimentaux et d’essais cliniques, conduits dans le cadre hospitalier et/ou académique. Leur application dans la vraie vie, dans l’environnement communautaire et urbain des patients, peut être difficile. Dans une étude parue en 2013 (1), la combinaison d’exercices intensifs et d’un régime hypocalorique (E + R), effectuée dans les centres hospitaliers, permettait, après 18 mois, une perte de poids significativement plus importante (-10,6 kg, soit -11,4 % par rapport au poids initial) qu’un exercice seul (-1,8 kg). Cette réduction pondérale était associée à une diminution de la concentration sérique de l’interleukine 6, du WOMAC douleur, d’une amélioration de la fonction et de la qualité de vie.
Les auteurs ont mis en place une nouvelle étude, afin d’évaluer si les effets bénéfiques de cette combinaison E + R pouvaient être reproduits en ambulatoire, dans l’environnement communautaire des patients (2).
Un protocole encadré
Au total, 658 des 823 patients randomisés (âge moyen 64,6 ans, 77 % de femmes, 88 % de sujets obèses, indice de masse corporelle [IMC] moyen 37,3) ont terminé l’étude au bout de 18 mois de suivi. À l’inclusion, les caractéristiques cliniques et les comorbidités étaient identiques entre les deux groupes. Les critères d’inclusion étaient un diagnostic clinique de gonarthrose et un IMC ≥ 27. Dans le groupe intervention (E + R), trois séances d’exercices de 60 minutes chacune par semaine sont effectuées (15 minutes de marche aérobie, 20 minutes d’exercice de résistance, 15 minutes de marche et 10 minutes de récupération). Ils sont réalisés dans des centres ambulatoires : cabinets médicaux, gymnases, salles de sport, centres de loisirs ou de YMCA. Les exercices étaient gratuits et supervisés par un responsable des centres, formé par les coordonnateurs de l’étude. Ils correspondaient à une dépense énergétique moyenne de 200 kcal par jour. Les 329 patients de ce groupe recevaient des recettes de plats hypocaloriques et pouvaient remplacer gratuitement leurs repas par des aliments moins caloriques (un ou deux repas par jour pendant les six premiers mois, puis un par jour à partir du septième mois). Le régime induisait un déficit de 800 à 1 000 kcal par jour.
Le groupe témoin (n = 316) recevait des informations hygiénodiététiques sur la santé et l’alimentation au cours de cinq séances de groupe d’une heure chacune (à 1, 3, 5, 9 et 15 mois), de conversations individuelles téléphoniques mensuelles, ainsi que sous format papier.
Le critère principal de jugement était la diminution de la douleur après 18 mois de suivi. Son intensité était estimée par le score de WOMAC douleur, sur une échelle de 0 à 20. La variation minimale cliniquement pertinente était de 1,6. Sept critères secondaires ont été évalués, dont le WOMAC fonction, la distance de marche sur six minutes, la qualité de vie, la perte de poids et le périmètre abdominal.
Perte de poids, mais faible diminution de la douleur
Après 18 mois, le score moyen ajusté du WOMAC douleur était de 5,0 dans le groupe intervention E + R versus 5,5 dans le groupe contrôle. La différence ajustée était de -0,6 [IC95 % entre -1,0 et -0,1], statistiquement significative (p = 0,02) mais cliniquement non pertinente. La perte de poids était plus importante dans le groupe intervention (-7,7 kg, soit une perte de 8 % par rapport au poids à l’inclusion) que dans le bras contrôle (-1,7 kg soit, une perte de 2 %). Les patients du groupe intervention avaient une plus forte amélioration de leur score WOMAC fonction, de la distance de marche sur six minutes et de la qualité de vie, par rapport aux sujets du bras contrôle. Par contre, ils ont eu davantage de douleurs musculaires (6 vs 1), de blessures corporelles mineures (9 vs 1), de chutes (6 vs 0) et de gonalgies (6 vs 0).
Dans cet essai, la perte de poids du groupe intervention (-8 %) est moins importante que dans la première étude, menée par les mêmes auteurs. Elle est cependant conséquente et explique en partie la plus forte amélioration de la qualité de vie de ce groupe. Même si la diminution de la douleur est trop faible pour être cliniquement perceptible, la perte de poids de 8 % pourrait améliorer la santé. Cependant, les limites de cette étude sont l’absence de confirmation radiologique de la gonarthrose et donc de stratification de la maladie, ce qui peut expliquer partiellement la réduction modeste de la douleur.
En somme, ces résultats suggèrent qu’une intervention combinée E + R est faisable en ambulatoire. Cependant, si les exercices réguliers supervisés et les aliments hypocaloriques étaient gratuits dans le cadre de l’essai clinique, ce ne sera pas le cas en vraie vie. Cet aspect financier pourrait limiter la généralisation et l’application de cette intervention.
(1) Messier S et al. Effects of intensive diet and exercise on knee joint loads, inflammation, and clinical outcomes among overweight and obese adults with knee osteoarthritis: the IDEA Randomized clinical trial. 2013 JAMA, 310(12):1263-1273.
(2) Messier S et al. Effect of diet and exercice on knee pain in patients with ostheoarthritis and overweight or obesity. A randomized clinical trial. 2022 JAMA, 328(22):2242-2251.
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