Plusieurs travaux présentés au congrès de l’ESCEO/IOF qui vient de se tenir à Rome (17-20 avril 2013) ont pointé les similitudes et les différences entre ostéoporose et arthrose avec des efforts communs de recherche dans les deux pathologies.
L’ostéoporose et l’arthrose ont au moins un dénominateur commun, celui l’âge de survenue. Pour autant, le rationnel de similitude entre ces deux affections rhumatologiques n’est pas si simple. Le caractère articulaire de l’arthrose la distingue du processus généralisé de l’ostéoporose. Il y a quelques années, l’arthrose était uniquement considérée comme une maladie primitive du cartilage, mais on sait désormais que des facteurs génétiques et environnementaux interviennent et que la synoviale et l’os sous-chondral sont parties prenantes dans la physiopathologie de l’arthrose. « Pour l’instant, on ne sait pas où cela débute », indique le Pr Bernard Cortet (CHU de Lille). L’arthrose et l’ostéoporose ont en commun d’atteindre le tissu osseux : de manière généralisée dans l’ostéoporose et à l’échelon sous-chondral dans l’arthrose. Par définition le cartilage est touché dans l’arthrose puis la synoviale fait parler d’elle notamment lors des poussées congestives avec ou sans sollicitation mécanique?surajoutée. L’œdème médullaire de l’os sous-chondral qui n’est en réalité pas un véritable œdème sur le plan anatomo-pathologique?est corrélé lors du diagnostic précoce, à une évolution structurale défavorable dans le cas de l’arthrose.
En terme diagnostique, les outils d’évaluation restent assez constants dans les deux pathologies. Dans le diagnostic d’arthrose, il est clair que la radiographie est parlante quand l’arthrose est déjà évoluée mais l’IRM est presque trop « performante » car elle décèle des lésions cartilagineuses minimes, ce qui peut avoir pour conséquence un excès en terme d’arthroscopies ou de nettoyage articulaire abusifs. En pratique, la radio reste de mise comme l’ostéodensitométrie dans l’ostéoporose. Les marqueurs du cartilage sont à l’étude. On peut doser soit les dérivés du collagène de type 2 soit les marqueurs d’activité chondrocytaire. Il y a également des limites sur l’interprétation de ces paramètres biologiques (marqueurs osseux) en cas de fracture récente au cours de l’ostéoporose.
On pourrait imaginer disposer de facteurs pronostiques qui permettraient d’identifier les cas évoluant vers la prothèse et de rester plus attentistes sur des cas d’évolution plus lente qui peuvent être traités médicalement sans jamais nécessiter d’indication opératoire. Reste que l’arthrose est hétérogène sans que l’on puisse encore en dessiner clairement les contours par cercles concentriques de facteurs de risque comme le proposent certains experts.
Evaluation clinique
L’aspect clinique de ces deux affections est très différent puisque l’arthrose est douloureuse alors que l’ostéoporose ne l’est pas en dehors des épisodes fracturaires qui font effraction dans un vécu asymptomatique.
L’évaluation est très importante et à ce titre, l’EVA (échelle visuelle analogique) est fiable alors que les échelles verbales semi-quantitatives sont moins précises. Il y a deux notions importantes : un état de symptômes acceptable pour le patient (PASS) et l’évolution ou l’absence d’évolution. « Lorsque l’EVA est inférieure à 30, les activités de la vie quotidienne ne posent pas de problème particulier ; il est donc important d’atteindre cet objectif », souligne le spécialiste.
Le MCII (amélioration minimale cliniquement importante) reflète l’amélioration de la douleur cliniquement pertinente. Elle varie selon la localisation : une baisse de 20 mm pour le genou et de 15 mm pour la hanche est considérée comme significative. Ce sont deux?paramètres?qui évoluent dans les essais cliniques et en pratique quotidienne et cette amélioration n’est pas toujours perçue quantitativement de la même manière par les patients selon que l’on se place en vie réelle ou dans les essais cliniques. Il est démontré que ces taux de répondeurs varient significativement selon la définition, ce qui peut rendre « positif » ou « négatif » le résultat d'un essai. Il est donc nécessaire d'évaluer le critère de réponse le plus pertinent dans la gonarthrose pour les futurs essais cliniques. Idem pour la qualité de vie comme le WOMAC où deux questions concernent les douleurs.
Activité physique raisonnée
L’activité physique en terme de thérapeutique au sens large gagne du terrain dans les deux pathologies rhumatismales. « Un certain degré d’activité physique est plus nouveau pour l’arthrose, a indiqué le spécialiste. L’activité doit être « en charge » pour l’ostéoporose. La course à pied est délétère à haute intensité, globalement 20 à 30 kilomètres par semaine de course à pied au maximum chez un patient arthrosique. Elle renforce le muscle, entretient la mobilité articulaire et la qualité musculaire, importante dans les suites de prothèse. Dans l’ostéoporose, elle permet une prévention contre les chutes et aide à mieux encaisser l’impact sur le sol.
Côté médicament, il y a un rationnel pour utiliser certains traitements anti-ostéoporotiques dans l’arthrose (notamment augmentation de la résorption osseuse dans l’os sous- chondral dans les stades précoces). Il ressort des modèles animaux d’arthrose, certes imparfaits, une première période d’œdème au niveau de l’os sous-chondral. Ensuite, il existe une résorption osseuse qui justifie de tester les inhibiteurs de résorption. Les essais chez l’homme sont cependant décevants même si la critique a souligné que les arthroses étaient peu évoluées donc peu susceptibles d’être modifiées par le traitement. « Néanmoins, quand on a un effet franc avec un médicament, on a tendance à le voir ! », remarque le Pr Cortet.
Le ranélate de strontium quant à lui a eu des résultats favorables dans la gonarthrose. « Il y a un dossier instruit pour la gonarthrose mais une mise en garde récente sur l’augmentation des infarctus non fatals chez les patients ostéoporotiques nous laisse dans l’expectative quant au devenir de cette molécule dans l’indication arthrose », a précisé le Pr Cortet tout en déplorant que « l’arthrose souffre encore d’un manque d’options thérapeutiques ».