ACTUELLEMENT, l’appréciation du niveau de risque fracturaire est semi quantitative. Elle repose sur la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) qui est un très bon indicateur mais qui ne peut résumer à lui seul le risque fracturaire. La DMO doit être interprétée en fonction du contexte et notamment de l’âge. Toutefois, il faut savoir que la moitié des fractures survient chez des patientes ostéopéniques (-2,5 < T-score < – 1). D’autres critères tels que des antécédents de fracture, personnels ou familiaux, un rapport poids/taille diminué, une ménopause précoce sont autant de facteurs de risque cliniques (FdR) à prendre en compte. Ainsi, une simple DMO basse (T -score aux alentours de – 2,5) chez une femme de 50-55 ans sans aucun FdR ne signifie pas nécessairement qu’elle soit à risque de fracture. Or, aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité chez des patientes à risque relativement faible.
Dans ce contexte d’appréciation globale du risque, le score FRAX était très attendu car il permet, en utilisant les mêmes paramètres, de passer d’une démarche semiquantitative vers une démarche quantitative qui chiffre individuellement le risque absolu de fracture à 10 ans. Les données du patient – âge, sexe, poids, taille, antécédents personnels de fracture, existence de fracture de hanche chez l’un des deux parents, tabagisme, glucocorticoïdes, polyarthrite rhumatoïde, ostéoporose secondaire, consommation d’alcool et mesure de la DMO à l’extrémité supérieure du fémur (ESF) – sont entrées dans un algorithme. Le résultat est présenté sous la forme d’un pourcentage de risque fracturaire sur les sites ostéoporotiques majeurs que sont le poignet, l’humérus, les vertèbres (fractures cliniquement symptomatiques), ou la hanche. « FRAX est un outil très intéressant, ne serait-ce que d’un point de vue pédagogique car il participe à une meilleure compréhension de la démarche de prise en charge de la patiente ostéoporotique et permet avec différentes simulations de mesurer l’impact de chaque FdR. Il peut aussi être très utile, en consultation, pour rassurer les patientes inquiètes des valeurs de leur DMO un peu basse et qui n’ont pas d’autres facteurs de risque » précise le Pr Thomas.
Les limites.
FRAX n’apparaît pas utile lorsque le traitement anti-ostéoporotique s’impose d’emblée chez une patiente qui a un antécédent de fracture de fragilité (notamment vertébrale), chez une femme ménopausée traitée par corticothérapie au long cours, chez celles dont le T-score est inférieur à – 3 ou à – 2,5 associé à des FdR. Il s’agit d’ailleurs des conditions de remboursement des traitements de l’ostéoporose, fixées par les autorités de Santé.
Aucun score n’est parfait et le FRAX peut bien sûr être mis en défaut. Par exemple, chez une femme entre 60 et 70 ans, la DMO au col fémoral peut être conservée alors que la valeur au rachis lombaire est déjà très basse. C’est l’histoire naturelle de cette maladie qui touche d’abord l’os trabéculaire, et donc les vertèbres. Ces femmes seront alors classées à faible risque de fracture selon FRAX alors que ce risque sera déjà conséquent au niveau vertébral.
Le principal frein à l’utilisation de FRAX tient dans l’absence de seuil validé pour mettre en route le traitement. Plusieurs hypothèses sont actuellement à l’étude. L’adoption d’un seuil est difficile et dépend des méthodes employées pour le définir, qui ont toutes leurs limites.
Une autre approche intéressante serait de fonder la décision thérapeutique sur des niveaux de risque pour lesquels l’efficacité thérapeutique des traitements anti-ostéoporotiques est reconnue. Toutefois, jusqu’à présent, l’inclusion dans les essais de phase III repose quasi-exclusivement sur la DMO ou la notion d’un antécédent de fracture vertébrale. « Il n’est donc pas possible d’affirmer que le fait de traiter des femmes qui auraient un niveau de risque équivalent, mais atteint avec d’autres paramètres, apporte un bénéfice similaire. » Ainsi, même si FRAX est un outil d’aide à la réflexion, on va continuer évidemment d’utiliser les éléments principaux d’évaluation du risque. Le Pr Thomas conclut : « Même en l’absence de FRAX, si un traitement était entrepris dans les conditions qui définissent son remboursement aujourd’hui, de grands progrès seraient faits dans la prise en charge des patientes ostéoporotiques. Actuellement, seulement 20 % des femmes qui ont fait une fracture de fragilité sont traitées en France ! Contrairement à d’autres pays, il ne semble pas que nous fassions de réels progrès et, si l’incidence des fractures n’explose pas comme ce qui avait été prédit il y a une dizaine d’années, elle continue d’augmenter ».
* D’après un entretien avec le Pr Thierry Thomas, CHU de Saint-Étienne, Président du Groupe de recherche et d’informations sur les ostéoporoses.
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