Dans le rhumatisme à pyrophosphate de calcium, la bonne nouvelle de l’année 2023 est la publication (enfin !) des premiers critères de classification du rhumatisme à PPC par l’American College of Rheumatology (ACR) et l’Eular (1). Ces critères ne s’intéressent qu’aux formes symptomatiques du rhumatisme, avec pour critères d’entrée une articulation « gonflée ou douloureuse », sans objectif de précision des différents phénotypes de la maladie. Leur impact sur la qualité méthodologique des futures études devrait être majeur.
Les performances de l’échographie articulaire se confirment
Dans la ligne de ces critères diagnostiques, la littérature témoigne d’un intérêt croissant pour certaines modalités d’imagerie dont l’échographie articulaire. Son importante sensibilité pour la détection de dépôts articulaires de cristaux (85 %), vs radiographies standards (50 %), a récemment été confirmée par la méta-analyse du groupe de travail CPPD de l’Outcome Measures in Rheumatology (Omeract). Il s'agit actuellement de la seule technique d'imagerie permettant une évaluation semi-quantitative de la charge en cristaux de PPC, grâce au système de notation Omeract (2). Cipolletta et al. proposent un protocole « ciblé » d’échographie des cartilages hyalins et fibrocartilages aux genoux, poignets et hanches, articulations les plus fréquemment concernées par des dépôts de PPC, en plus des articulations douloureuses, pour étayer le diagnostic (3). En parallèle, les caractéristiques d'imagerie du rhumatisme à PPC en radiographie, scanner conventionnel et double énergie (3e ligne d’imagerie), et IRM, ont elles aussi fait, cette année, l'objet de définitions consensuelles par l’ACR/Eular CPPD Classification Criteria Imaging Advisory Group (IAG) (4).
Des conséquences cliniques mieux documentées
Les conséquences cliniques de la maladie se précisent. De récentes études ont été menées rétrospectivement sur des cohortes américaines de patients présentant une forme aiguë du rhumatisme à PPC, dont l’identification des cas est optimisée par l’utilisation d’algorithmes préalablement validés dans ces cohortes, du fait d’un codage CIM 10 imprécis (5). Il est retrouvé un risque inaugural de fracture multiplié par deux pour certaines localisations (humérus, poignet, hanche et bassin), sur trente ans de suivi après ajustement sur les facteurs de risque les plus courant de fragilité osseuse. D’autre part, la forme aiguë du rhumatisme à PPC est retrouvée comme facteur de risque d'infarctus du myocarde, de syndrome coronarien aigu et d'accident vasculaire cérébral, dans les deux premières années après le diagnostic, ainsi que deux à dix ans après.
La prise en charge thérapeutique se précise
Notons aussi la publication du premier essai contrôlé randomisé dans le rhumatisme à PPC, comparant l’utilisation de la cOLCHICINE et de la pREDNISONE dans les 48 premières heures des formes aiguës du rhumatisme à PPC (6). Cette étude montre d’une part une équivalence d’efficacité entre les deux molécules à 48 h, et d’autre part de moindres effets indésirables sous pREDNISONE. Un autre travail prospectif français sur 54 patients s’est intéressé à l’utilisation de la cOLCHICINE dans la forme aiguë du rhumatisme à PPC chez des insuffisants rénaux de stade ≥ 4, du fait de la fréquence non négligeable de prescriptions empiriques dans ce contexte, malgré contre-indication (7). Devant une tolérance et efficacité satisfaisantes, il est évoqué une possibilité d’utilisation à dose réduite sous couvert d’une surveillance rapprochée des effets indésirables et de la fonction rénale. Dans les formes inflammatoires chroniques, la cOLCHICINE en prise quotidienne reste la première molécule prescrite, considérée comme efficace dans un tiers à la moitié des cas, suivi du méthotrexate, du tocilizumab et de l’ANAKINRA (8). D’autres résultats à venir concerneront notamment l’utilisation du tocilizumab versus placebo (PHRC en cours). Affaire à suivre !
À quand une harmonisation de la nomenclature ?
Malgré la tentative de consensus de l’European Alliance of Associations for Rheumatology (Eular) en 2011 (1), la nomenclature du rhumatisme à PPC reste très hétérogène, les équipes de recherche utilisant un vocabulaire non consensuel et désignant par des termes identiques des concepts différents.
Une revue systématique de la littérature sur plus de 850 articles, récemment réalisée sous l’égide du Gout, Hyperuricemia and Crystal-Associated Disease Network (G-CAN) dans le but d’établir de nouvelles recommandations, révèle le faible impact des recommandations de l’Eular et soulève plusieurs problématiques. L’un des points de discussion est l’inclusion de la forme asymptomatique dans la définition du rhumatisme, comme c’est le cas dans les recommandations de l’Eular. Cependant, il est actuellement retenu par le G-CAN l’acronyme CPPD pour « calcium pyrophosphate deposition » – correspondant aux dépôts de cristaux qui peuvent être asymptomatiques ou symptomatiques – et CPPD Disease pour « calcium pyrophosphate deposition disease » – correspondant au caractère uniquement symptomatique de ces dépôts.
L’autre problématique concerne la définition précise des phénotypes cliniques, ceux évoqués par les auteurs (formes aiguës, récurrentes, persistantes et chroniques) dépassant actuellement le champ des définitions de l’Eular.
Il résulte de ces imprécisions un codage très approximatif de la maladie dans la CIM-10 et dans les bases de données, et un défaut de comparabilité des études, impactant tous les pans de la recherche, à commencer par le versant épidémiologique.
1. Abhishek A et al. Ann Rheum Dis 2023; ard-2023-224575
2. Sirotti S et al. Lancet Rheumatol 2023; 5: e474–e482
3. Cipolletta E et al. Rheumatology 2023; kead565
4. Tedeschi SK et al. Arthritis Care Res 2023; 75: 825–834
5. Tedeschi SK et al. Arthritis Rheumatol 2024; art.42798
6. Pascart T et al. Lancet Rheumatol 2023; 5: e523–e531
7. Bausson J et al. RMD Open 2024; 10: e003872
8. Damart J et al. Rheumatology 2023; kead228
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?