EN 2007, la European League Against Rheumatism (EULAR) a publié douze recommandations concernant la prise en charge des arthrites au stade précoce (1). L’idée générale était de mettre en place le plus rapidement possible un traitement de fond et de l’adapter ensuite régulièrement avec l’objectif d’atteindre la rémission. C. Escalas et coll. ont voulu savoir quel était l’impact d’un traitement conforme à de telles recommandations sur le devenir articulaire des patients. L’adhésion aux trois recommandations qui concernaient plus précisément la mise en place initiale d’un traitement de fond (voir tableau) a donc été évaluée au cours des six premiers mois de suivi : 1) l’initiation précoce d’un traitement de fond chez les patients à risque d’évoluer vers une arthrite persistante ; 2) le recours au méthotrexate en première intention ; 3) l’adaptation thérapeutique ultérieure éventuelle et l’objectif d’obtenir une rémission.
Définir le risque.
Comme l’explique le Dr Escalas « la première de ces directives a nécessité une interprétation, notamment afin de définir qu’elle était la population des patients à risque. Nous avons ainsi considéré qu’un score de Leiden supérieur ou égal à 6 ou un DAS 28 supérieur ou égal à 5,1 constituait un facteur d’arthrite érosive et persistante ». Rappelons que le score de Leiden prend en compte sept variables : durée des symptômes, raideur matinale, arthrite d’au moins trois articulations, douleur bilatérale des articulations métatarsophalangiennes, positivité du facteur rhumatoïde, positivité des anticorps anti-CCP et présence d’érosions des pieds et des mains sur les radiographies. Le DAS 28 (disease activity score 28) permet, quant à lui, d’évaluer l’activité clinique de la maladie en comptabilisant les articulations douloureuses et le nombre de synovites sur 28 sites définis.
La mise en route du traitement devait avoir eu lieu dans les trois premiers mois pour être qualifiée de précoce. La maladie était considérée en rémission si le score DAS 28 était inférieur à 2,6 ou compris entre 2,6 et 3,2 avec une baisse d’au moins 1,2 point par rapport au chiffre initial.
Les patients ont tous été inclus dans la cohorte ESPOIR entre 2002 et 2005, donc avant la publication des recommandations de l’EULAR. Ils avaient par définition une arthrite débutante (datant de plus de 6 semaines, mais de moins de 6 mois) avec un diagnostic certain ou probable de polyarthrite rhumatoïde et n’avaient jamais reçu de traitement de fond. Les données cliniques ont été collectées tous les six mois pendant deux ans et les éléments radiographiques ont été recueillis à un an. La progression radiographique était définie comme l’apparition d’au moins une nouvelle érosion dans la première année et le handicap par un score HAQ ≥ 1 à deux ans. « Étant donné qu’il s’agissait de données observationnelles et donc sans randomisation, l’analyse statistique a utilisé un score de propension de façon à augmenter la comparabilité des patients traités ou non selon les recommandations », précise encore C. Escalas.
Le suivi des malades encore imparfait.
Au total, sur les 782 patients analysés, seuls 178 (22,3 %) avaient reçu un traitement conforme aux trois recommandations, avec des taux d’adhésion pour chaque recommandation compris entre 51,8 % et 78,3 %. Si le taux global d’adhésion apparaît faible, les trois recommandations étaient en fait fréquemment appliquées dans la pratique courante, mais rarement dans leur ensemble. Ainsi 78 % des patients ont reçu un traitement de fond (méthotrexate, léflunomide, sulfasalazine ou anti-TNF) et dans 67 % des cas, il s’agissait de méthotrexate. « À noter que les deux malades qui avaient été traités par un anti-TNF en monothérapie ont été exclus. En revanche, nous avons pris en compte ceux qui avaient reçu d’emblée une bithérapie comprenant un anti-TNF et du méthotrexate et considéré qu’ils étaient traités conformément aux recommandations ». Enfin il est important de souligner que seulement 52 % des patients ont eu un suivi correct. « Dans l’ensemble, explique C. Escalas, plus les patients ont été traités dans les trois premiers mois, moins l’objectif de rémission était atteint ».
Ce qui apparaît en tout cas nettement de cette analyse c’est qu’une prise en charge conforme aux recommandations de l’EULAR améliore le pronostic des patients. En effet, après ajustement sur le score de propension, le centre et les facteurs de confusion comme l’âge et le sexe, le risque de progression radiographique à un an et de handicap a deux ans était supérieur chez les malades qui n’avaient pas été traités selon les recommandations avec un odds ratio qui était respectivement de 2,04 (IC 95 % : 1,09-3,80) et de 2,12 (IC95 % : 1,05-4,29).
D’après un entretien avec le Dr Cécile Escalas, Service de Rhumatologie B, hôpital Cochin, Paris.
(1) Combe B. et coll. EULAR recommendations for the management of early arthritis : report of a task force of the European Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT) ». Ann Rheum Dis. 2007 ; 66 (1) : 34-45.
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