Lupus, dermatomyosite, sclérodermie

Les cellules CAR-T testées dans les maladies auto-immunes

Publié le 29/02/2024
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Dans une petite série publiée dans le NEJM (1), des patients atteints de maladies auto-immunes dépendantes des lymphocytes B ont bénéficié d’un traitement par cellules CAR-T avec des résultats prometteurs. Déjà utilisé en cancérologie, et notamment dans certains cancers du sang, ce type de traitement semble entraîner une sorte de « ré-initialisation » du système immunitaire.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les traitements par cellules CAR-T (Chimeric antigen receptor) sont une stratégie thérapeutiques utilisées depuis plusieurs années en cancérologie. Les cellules CAR-T sont des lymphocytes modifiés génétiquement pour exprimer un récepteur capable de reconnaître un antigène (Ag) spécifique exprimé par les cellules cancéreuses. La modification génétique contient également un élément de co-stimulation qui permet à la cellule CAR-T de s’activer et d’éliminer la cellule cancéreuse une fois liée à elle par la reconnaissance de l’Ag (effet cytotoxique). Les lymphocytes T des patients sont prélevés puis modifiés génétiquement ex-vivo pour exprimer le récepteur spécifique et la co-stimulation. Les cellules CAR-T sont ensuite multipliées pour être ré-injectées chez les patients. Avant cette injection, les patients reçoivent une chimiothérapie (fludarabine et cyclophosphamide) pour réduire le système immunitaire afin de diminuer les rejets et permettre aux cellules CAR-T de proliférer.

Cette stratégie a été proposée avec efficacité dans les leucémies aiguës lymphoblastiques et les lymphomes, en particulier les lymphomes diffus à grandes cellules B. Dans cette dernière indication, la stratégie des cellules CAR-T permet de mettre plus de 40% des patients en rémission.

Des hémopathies malignes aux maladies auto-immunes lymphocytes B dépendantes

Les auteurs de ce travail ont appliqué cette stratégie thérapeutique chez 15 patients atteints de maladies auto-immunes dépendantes des lymphocytes B comme le lupus érythémateux (LED) (n=8), la dermatomyosite (DM) (n=3) et la sclérodermie (n=4). Les patients qui ont reçu ce traitement avaient une maladie auto-immune sévère et active et résistante à au moins 2 lignes de traitement immunosuppresseur (nombre médian de 5, intervalle 2-14). Les 8 patients LED avaient tous une atteinte rénale glomérulaire type III ou IV, et les 7 patients avec DM ou sclérodermie avaient tous une atteinte pulmonaire interstitielle avec une réduction de la capacité vitale (CV médian de 53%) et de la diffusion du dioxyde de carbone (médian 67%). Les patients avec DM avaient un taux de CPK moyen de 4298 UI/L, le score Rodnan de l’atteinte cutanée de la sclérodermie était de 25.5. Les injections des cellules CAR-T CD19 ont été effectuées après immunodéplétion par fludarabine et cyclophosphamide.

Les cellules injectées ont proliféré rapidement avec un pic observé à 8.6 jours et les cellules lymphocytes B CD19+ ont été éliminées rapidement au bout de 5.9 jours. Elles étaient réapparues après en moyenne 112 ± 42 jours chez 14 patients. Pour le 15ème patient, elles n’étaient toujours pas réapparues après 128 jours de suivi.

Des résultats prometteurs

Tous les patients ont été améliorés de façon spectaculaire après le traitement. Les 8 patients atteints de LED étaient en rémission au 6ème mois, rémission maintenue jusqu’à 29 mois de suivi. Les anticorps anti-DNA ont disparu ainsi que la protéinurie. Les 3 patients avec DM ont normalisé leur taux de CPK et le score de Rodnan (- 9 points) était amélioré chez les patients atteints de sclérodermie. Leur atteinte pulmonaire a été aussi améliorée. Les 15 patients ont arrêté la corticothérapie et les traitements immunosuppresseurs après un suivi moyen de 15 mois (7-19). Le traitement a été relativement bien toléré, 10 patients ont eu syndrome de libération cytokinique modéré (grade 1) avec de la fièvre. Le syndrome de libération des cytokines était survenu le lendemain de l’administration des cellules CART-T CD 19 et ont duré en moyenne 5 jours.

Les résultats de cette série de cas suggèrent que la déplétion des lymphocytes B CD19+ au cours des maladies auto-immune est une piste thérapeutique très prometteuse permettant une rémission soutenue et persistante, y compris chez les patients qui avaient préalablement reçu un traitement par anticorps anti-CD20. Une reconstitution complète des lymphocytes B était observée, sans rechute de la maladie auto-immune, suggérant donc une modification des phénotypes des lymphocytes B après le traitement, en quelque sorte « une ré-initialisation du système immunitaire ». Un essai clinique contrôlé permettra de confirmer ces résultats.

Pr Hang Korng Ea, hôpital Lariboisière

 

(1) CD 19 CAR T cells therapy in auto-immune disease: case series with follow-up. Müller F et al. NEJM 2024.


Source : lequotidiendumedecin.fr