Par le Dr ÉLISABETH SORNAY-RENDU*
L’OUTIL FRAX, facilement accessible sur Internet (http://www.shef.ac.uk/FRAX/index.htm), permet de calculer les probabilités de fractures ostéoporotiques sur une période de 10 ans d’un individu (homme ou femme de plus 40 ans), aux quatre sites majeurs (hanche, vertèbres [fracture clinique], extrémité supérieure de l’humérus et poignet) et à la hanche. Cela à partir de facteurs de risque cliniques (âge, indice de masse corporelle, antécédent personnel de fracture, antécédent parental de fracture de hanche, tabagisme en cours, prise de corticoïdes pendant plus de trois mois, consommation de plus de deux verres d’alcool par jour, polyarthrite rhumatoïde, ostéoporose secondaire) avec ou sans mesure de la densité minérale osseuse du col fémoral. Le but de notre étude était de comparer la probabilité estimée par l’outil FRAX® avec l’incidence observée de fractures pendant 10 ans chez des femmes françaises issues de la cohorte OFELY.
Des femmes issues de la cohorte OFELY.
Ainsi, les probabilités de fracture ont été calculées avec l’outil FRAX® pour 867 femmes âgées de 40 ans et plus, à l’aide des variables obtenues à l’inclusion dans l’étude, c'est-à-dire entre février 1992 et décembre 1993. L’incidence réelle de fractures cliniques a été obtenue prospectivement par suivi annuel. Les probabilités de fractures ont augmenté avec l’âge (p < 0,0001). Chez les femmes de 65 ans et plus (n = 229), elles étaient de 13 et 15 % aux quatre sites majeurs, 5 et 8 % à la hanche, respectivement avec et sans densité minérale osseuse du col fémoral (T score calculé selon les valeurs de référence NHANES). Avant 65 ans (n = 638), elles étaient de 3,5 ; 3,6 ; 0,5 et 0,6 % respectivement (p<0,0001). Chez les femmes ménopausées, les probabilités de fractures aux quatre sites et à la hanche étaient plus importantes chez les sujets ostéoporotiques, selon les critères de l’OMS, c'est-à-dire ayant un T score inférieur ou égal à -2,5 (n = 77, 18 et 10 %), et ostéopéniques, ayant un T score compris entre -1 et -2,5 (n = 390, 6 et 2 %), comparativement aux femmes « normales » ayant un T score supérieur à -1 (n = 208, 3 et <1 %), p < 0,0001.
En 10 ans, 116 femmes ont eu 151 fractures incidentes par fragilité quel que soit le site (à l’exception du crâne, de la face, des orteils et des doigts). Parmi elles, 82 femmes ont eu 95 fractures incidentes aux quatre sites majeurs dont 17 fractures de hanche. Cinquante femmes non fracturées sont décédées pendant les 10 ans de suivi. L’incidence corrigée pour la mortalité était ainsi de 9,6/1 000 personnes-année pour les fractures aux quatre sites majeurs et de 2,0/1 000 personnes-année pour la fracture de hanche. Plus la probabilité de fracture était élevée, plus l’incidence observée de fracture était grande. La probabilité de fractures était deux fois plus importante pour les quatre sites majeurs chez les femmes ayant eu une fracture incidente par rapport aux femmes sans fracture (p<0,0001) alors qu’elle était cinq fois plus importante pour la fracture de hanche (p<0,0001). Toutefois, la probabilité de fracture était en moyenne inférieure à 15 % chez les femmes qui ont présenté une fracture incidente aux quatre sites majeurs ou à la hanche. De plus, la moitié des femmes ayant eu une fracture incidente avaient une probabilité de fractures ≤ 11 %. Une probabilité supérieure à 12 % - ce qui correspond au décile supérieur (n = 86)- identifiait 43 % des femmes avec fractures incidentes, alors que l’ostéoporose définie selon la densité minérale osseuse (11 %, n = 74) n’identifiait que 27 % des femmes avec fractures incidentes, p<0.05. D’autre part, l’incidence observée de fractures chez les femmes âgées de 65 ans et plus, ostéoporotiques ou ostéopéniques, était deux fois plus importante que la probabilité calculée par l’outil FRAX.
Discordance après 65 ans.
En conclusion, chez les femmes françaises de la cohorte OFELY, l’outil FRAX est meilleur pour prédire le risque de fractures en 10 ans aux quatre sites majeurs que la seule prise en compte d’une densité minérale osseuse basse. Toutefois, la probabilité de fracture obtenue par l’outil FRAX est nettement inférieure à l’incidence réelle des fractures chez les femmes de 65 ans et plus ayant une densité minérale osseuse basse. Cette discordance pourrait s’expliquer en partie par le fait que l’incidence réelle des fractures autres que celles de la hanche n’est pas connue en France, et le modèle a été élaboré, comme pour d’autres pays dans ce cas, à partir du ratio fracture de hanche/autres fractures calculé en Suède, qui pourrait être différent en France. Néanmoins, la sous-estimation du risque réel de fracture concerne les personnes les plus à risque ayant donc une probabilité de fracture élevée et qui devrait se situer au-delà du seuil d’intervention. Celui-ci reste toutefois à être établi en France à partir d’études de coût-efficacité comme cela a déjà été le cas dans d’autre pays.
* INSERM unité 831 et Université de Lyon
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