La demande des patients souffrant de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) vis-à-vis de l’alimentation est très forte et souvent d’eux-mêmes, ou sous l’influence des médias, ils élaborent différentes stratégies nutritionnelles en se supplémentant ou au contraire, en supprimant certains aliments.
Aider les patients à s’impliquer
« Face à ce constat, il semblait important de pouvoir proposer, en plus de la prise en charge médicamenteuse et des recommandations générales du Programme national nutrition santé (PNNS), des recommandations plus spécifiques fondées sur des données scientifiques, qui seraient une aide pour la pratique quotidienne. Bien sûr, elles seraient intégrées dans une approche globale du patient souffrant de rhumatisme inflammatoire », explique la Pr Claire Daïen qui a coprésidé avec le Pr Jérémie Sellam (hôpital Saint-Antoine, Paris) le groupe de travail à l’origine de ces recommandations. L’objectif est de pouvoir conseiller des patients qui sont demandeurs et de les mettre en garde sur des pratiques qui peuvent être délétères. Les conseils nutritionnels ne doivent, en aucun cas, se substituer au traitement pharmacologique des RIC. Les mesures alimentaires ne peuvent être envisagées qu’en complément du traitement de fond : aucune intervention alimentaire n’a démontré un effet structural. Elles sont indissociables de la promotion d’une activité physique adaptée. « Aborder les pratiques alimentaires peut permettre d’aider le patient à s’impliquer activement dans la prise en charge globale de son RIC. On sait que l’investissement du patient dans sa prise en charge à un effet bénéfique global », souligne la Pr Claire Daïen. Enfin, autre principe général, les conseils nutritionnels donnés aux patients doivent prendre en compte les effets articulaires mais aussi extra-articulaires, cardiométaboliques et osseux notamment.
La première préconisation, chez un patient en surpoids ou obèse, est de l’inviter à perdre du poids pour contrôler l’activité du RIC, ainsi que pour ses effets bénéfiques cardiométaboliques et psychologiques.
Pas de « régime sans »
Les régimes d’exclusion tels que le régime sans gluten ou sans lactose n’ont pas fait la preuve de leur efficacité clinique. Le régime sans gluten ne devrait pas être proposé pour contrôler l’activité du RIC en l’absence de maladie cœliaque confirmée. Il pourrait être associé à un surrisque cardiovasculaire, probablement du fait d’un défaut de fibres alimentaires. Or, les pathologies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les patients atteints de RIC. Quant au régime sans lactose, il pourrait favoriser le risque d’ostéoporose chez des patients déjà à haut risque. Ils doivent donc être évités, tout comme le jeûne ou le régime végétalien.
« En tant que médecin, on ne doit donc pas proposer ces régimes. Mais, si le patient fait déjà un régime d’exclusion, il faut rester à l’écoute. S’il ressent un bénéfice, il faut l’accompagner pour éviter des effets délétères (supplémentation vitamino-calcique par exemple…). On peut aussi proposer de réintroduire petit à petit certains aliments afin d’atteindre un régime plus équilibré », ajoute la Pr Claire Daïen.
Alimentation méditerranéenne et oméga 3
Une supplémentation de plus de 2 g/j en acides gras essentiels poly-insaturés, principalement en oméga 3 (poissons gras, huile de poisson…) peut être proposée ainsi qu’une alimentation de type méditerranéen (produits céréaliers complets, fruits, légumes, huile d’olive…) en raison d’un petit effet bénéfique sur les symptômes articulaires et surtout d’effets cardiométaboliques protecteurs chez ces patients à risque cardiovasculaire majoré.
Les études portant sur les supplémentations vitaminiques (B9, D, E, K) ou en oligo-éléments (zinc, sélénium) n’ont pas montré d’efficacité sur les symptômes des RIC. Il n’y a donc pas non plus d’indication à les proposer (sauf en cas de carence ou en prévention d’une ostéoporose pour la vitamine D).
« Certaines supplémentations (safran, cannelle, ail, gingembre, sésame, concentré de grenade) pourraient avoir un effet bénéfique sur l’activité de la polyarthrite rhumatoïde au vu d’études cliniques bien faites, mais les données sont actuellement trop limitées pour pouvoir les proposer en pratique courante. Il en est de même pour les probiotiques. Les données actuelles d’efficacité sont insuffisantes et hétérogènes. Quelles souches et quelles doses utiliser ? », déclare la Pr Claire Daïen. Mais si les patients en tirent bénéfices, pas d’interdits. Il faut tenir compte de la balance bénéfice/risque sur les effets articulaires et extra-articulaires, et ouvrir le dialogue…
D'après un entretien avec la Pr Claire Daïen (Hôpital Saint-Antoine, Paris)
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