Le Quotidien : Quels sont les traitements actuels de la capsulite rétractile de l’épaule ?
Dr Louis Jacob : La capsulite rétractile de l’épaule est une affection fréquente qui touche environ 3 à 5 % de la population générale et qui peut entraîner un handicap non négligeable. Sa prise en charge vise à réduire la douleur, à améliorer la mobilité de l’épaule et à atténuer le handicap.
L’une des options thérapeutiques est la masso-kinésithérapie et plusieurs essais contrôlés randomisés ont souligné son efficacité.
D’autres études interventionnelles ont montré que l’injection intra-articulaire de corticoïdes entraîne également un soulagement de la douleur, une augmentation des amplitudes articulaires et une amélioration des performances fonctionnelles. L’injection intra-articulaire de corticoïdes est plus efficace lorsqu’elle est associée à la masso-kinésithérapie.
Enfin, une troisième option thérapeutique est l’arthro-distension, apparue dans les années 1960. Cette thérapeutique consiste à injecter dans la capsule articulaire un plus grand volume de liquide pour favoriser sa distension, voire sa rupture. L’injection se fait en associant un corticoïde local, un agent anesthésique local et du sérum physiologique. Bien que l’effet mécanique de l’arthro-distension soit aujourd’hui débattu, l’intérêt de ce traitement est qu’il permet une mobilisation précoce et intensive de l’épaule, probablement via l’analgésie induite par certains des produits utilisés lors de l’intervention.
Quelle est l’originalité de votre étude ?
Plusieurs études ont déjà comparé l’arthro-distension à l’injection intra-articulaire de corticoïdes et la supériorité de l’arthro-distension reste controversée.
Nous avons voulu ainsi étudier l’efficacité de l’arthro-distension lorsqu’elle est associée à une mobilisation précoce et intensive, par rapport à l’injection intra-articulaire de corticoïdes chez des personnes atteintes de capsulite rétractile de l’épaule évoluant depuis au moins 3 mois. Les deux programmes comprenaient une masso-kinésithérapie conventionnelle. L’étude contrôlée randomisée a été menée dans deux centres hospitalo-universitaires parisiens (Hôpital Lariboisière- Fernand Widal et Hôpital Cochin) et a porté au total sur 66 patients divisés en deux groupes.
L’efficacité a été évaluée à l’aide du score algo-fonctionnel SPADI (Shoulder Pain and Disability Index) à l’inclusion, à 15 jours, 6 semaines, 3 mois, 6 mois et 12 mois après la procédure. Les patients du groupe arthro-distension avaient 2 séances de rééducation par jour pendant 5 jours à l’hôpital, puis 3 séances de masso-kinésithérapie par semaine pendant 4 semaines en ville. Les patients du groupe injection intra-articulaire avaient une semaine après la procédure, 12 séances de rééducation en ville, comme dans le groupe arthro-distension.
Qu’a-t-elle montré ?
Les effets de l’arthro-distension avec mobilisation précoce et intensive et masso-kinésithérapie conventionnelle sur la douleur et la fonction, effets qui étaient évalués au cours de l’année suivant le geste, n’étaient pas statistiquement différents de ceux de l’injection intra-articulaire de corticoïdes avec masso-kinésithérapie. La douleur, les amplitudes articulaires et la fonction se sont progressivement améliorées au cours de l’année suivant la procédure dans les deux groupes.
Une analyse post-hoc, qui n’avait pas été pré-spécifiée dans le protocole de l’étude, a révélé que l’arthro-distension avec mobilisation précoce et intensive était associée à une diminution significative du score SPADI total à 15 jours par rapport à l’injection intra-articulaire de corticoïdes chez les patients présentant une abduction gléno-humérale passive initiale > 45°. Cependant, ces résultats sont à interpréter avec prudence. Par ailleurs, il s’agissait d’un effet transitoire.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer le fait qu’aucune différence n’a été observée entre les deux groupes. Notamment, dans cette étude, nous avons évalué une seule procédure d’arthro-distension alors qu’en pratique, il peut nous arriver de répéter le geste dans un délai relativement court, lorsque l’efficacité du premier geste a été jugée insuffisante. Il serait intéressant à l’avenir de réaliser une étude permettant plusieurs arthro-distensions. Par ailleurs, les patients inclus avaient une douleur de l’épaule qui évoluait depuis 10 mois en moyenne, ce qui est peut-être trop long.
Quelles conséquences pour la pratique clinique ?
Les deux options thérapeutiques sont donc efficaces et sûres.
En pratique clinique, l’intérêt de l’arthro-distension est qu’elle permet une mobilisation précoce. Elle permet de passer un cap et est souvent proposée après une première infiltration cortisonique intra-articulaire dont l’efficacité n’a pas été suffisante.
Cependant, il faut remarquer que l’arthro-distension couplée à une mobilisation précoce, intensive et prolongée sur 5 jours est une procédure plus lourde à mettre en place du point de vue logistique à l’hôpital avec deux séances par jour de kinésithérapie…
* Jacob L. et al. “Arthro-distension with early and intensive mobilization for shoulder adhesive capsulitis: a randomized controlled trial”. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine 67 (2024) 101852.
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