DANS LA POLYARTHRITE rhumatoïde (PR), il existe un excès de cytokines pro-inflammatoires associé à un déficit de cytokines anti-inflammatoires. Un des objectifs thérapeutiques actuels est d’essayer de rétablir l’équilibre de cette balance. Le développement d’un anti-IL6 offre une nouvelle possibilité thérapeutique, en complément des anti-TNF?, de l’anti-IL1 et des traitements anti-lymphocytaires B et T.
L’IL6 est une cytokine jouant un rôle central dans l’inflammation, aussi bien au niveau général que local. Au niveau systémique, elle intervient dans la synthèse hépatique des protéines de la phase aiguë de l’inflammation, explique l’anémie et la thrombocytose. Elle a un impact sur la fatigue et l’humeur par son action sur l’axe hypothalamo-hypophysaire et intervient également, via le système RANK/RANK-ligand, sur l’ostéoporose systémique associée aux syndromes inflammatoires chroniques. L’IL6 joue probablement un rôle, via l’augmentation de la CRP, dans le sur-risque cardio-vasculaire observé lors des rhumatismes inflammatoires chroniques.
Parallèlement à ces effets systémiques, l’IL6 a une action au niveau articulaire. Elle stimule la production d’auto-anticorps, notamment les facteurs rhumatoïdes et les anticorps anti-CCP, par les lymphocytes B et la production de facteurs de croissance, comme le VEGF, par les synoviocytes. Elle favorise la formation du pannus synovial, ainsi que la résorption osseuse par les ostéoclastes via le système RANK/RANK-ligand.
Quarante-sept pour cent de rémission complète à un an.
Les bénéfices à l’utilisation d’un anti-IL6 dans la polyarthrite rhumatoïde sont montrés par un ensemble d’études récentes contrôlées contre placebo, dont les résultats sont tous cohérents. L’étude OPTION (1) et l’étude LITHE (2) ont évalué le tocilizumab à 4 mg et 8 mg/kg associé au méthotrexate, l’étude TOWARD (3) l’association tocilizumab et traitement de fond classique. Ces trois études ont inclus des patients non-répondeurs au méthotrexate. Une quatrième étude, l’étude RADIATE (4), s’est intéressée, selon un schéma semblable à celui de l’étude OPTION, à des patients répondeurs inadéquats aux anti-TNF.
Ces quatre essais fournissent des résultats intéressants sur plusieurs points. Quelle que soit l’étude, la réponse clinique à 6 mois est significativement supérieure dans les bras tocilizumab 8 mg/kg + méthotrexate, avec une réponse ACR 20 d’environ 60 % versus 25 % dans les bras placebo. L’étude TOWARD permet de montrer que le tocilizumab à 8 mg/kg est également efficace en association avec d’autres traitements classiques comme le leflunomide (Arava), la sulfasalazine (Salazopyrine), l’hydroxychloroquine (Plaquenil). La rémission complète, évaluée par l’obtention d’un DAS 28 < 2,6, est globalement de 30 % à 6 mois sous tocilizumab 8 mg associé au méthotrexate ou à un autre traitement de fond. Cette rémission s’améliore à 12 mois (47 %) comme le montre l’étude LITHE qui est la seule à avoir continué le suivi au-delà de 6 mois.
Un autre élément notable est la rapidité d’efficacité du tocilizumab, tant clinique que biologique. Il existe une amélioration du DAS 28 dès les 15 premiers jours de traitement. L’impact fonctionnel est significatif, avec une amélioration du HAQ chez 50 % des patients au cours du premier mois. Le tocilizumab permet une normalisation rapide de la CRP ainsi qu’une correction de l’anémie liée au syndrome inflammatoire chronique chez quasiment la totalité des patients, au terme des 12 premières semaines de traitement.
L’efficacité structurale à 2 ans a été mesurée dans l’étude LITHE. Dans le bras tocilizumab 8 mg/kg associé au méthotrexate, on observe un impact structural important, avec une progression du score de Sharp à 2 ans de 0,37 versus 1,96 dans le bras méthotrexate associé au placebo, et un taux de non-progresseur (absence de nouvelle lésion radiologique à 2 ans) de respectivement 82 % et 60 %.
Surveiller l’apparition d’une neutropénie et d’une cytolyse hépatique.
Le taux d’événements indésirables graves infectieux est estimé à 4 événements/100 patients/années. Il existe un surrisque de perforation digestive chez les patients présentant des antécédents de diverticulite (26 cas publiés), mais il ne s’agit pas d’un effet spécifique au tocilizumab, car il a été également décrit sous anti-TNF et corticothérapie. Il ne semble pas exister de sur-risque de tuberculose actuellement.
Sur le plan biologique, une neutropénie liée au tocilizumab peut survenir chez 3,5 % des patients pour les formes modérées (PNN < 1 000/mm3) et chez 0,3 % des patients pour les formes plus sévères (PNN < 500/mm 3). La numération sanguine doit être surveillée, tout comme le profil lipidique et le bilan hépatique. Une cytolyse hépatique a été décrite chez 6 % des patients, avec une augmentation des transaminases supérieure à trois fois la normale. Enfin, environ 2,5 % des patients traités ont une augmentation du cholestérol total › 6,2 mmol/l et 15 % ont une augmentation du LDL cholestérol › 4,1 mmol/l. Le HDL étant également en augmentation, il n’y aurait pas de modification de l’index athérogène, et aucun sur-risque cardio-vasculaire n’est apparu pour le moment dans les études et le suivi des patients traités. Cependant le recul est encore insuffisant pour juger objectivement ce risque et les registres de patients apporteront certainement des données importantes. Des algorithmes ont été publiés sur le site du CRI (Club Rhumatisme Inflammation), afin de guider la conduite à tenir devant l’apparition d’une neutropénie ou d’une cytolyse sous tocilizumab.
Les indications actuellement retenues pour le tocilizumab sont donc, en association avec le méthotrexate, le traitement de la PR active, modérée à sévère, chez les patients adultes ayant présenté soit une réponse inadéquate soit une intolérance à un précédent traitement, par un ou plusieurs traitements de fond classiques, soit à un ou plusieurs anti-TNF. En monothérapie, le tocilizumab est réservé aux les patients intolérants au méthotrexate. Il n’est actuellement pas indiqué chez les patients naïfs de traitement de fond classique.
En pratique, le traitement s’administre en perfusion intraveineuse mensuelle, à la posologie de 8 mg/kg. La perfusion dure une heure et ne nécessite pas de prémédication, ni de dose de charge. Le coût du tocilizumab est proche que celui de l’adalimumab, de l’étanercept ou de l’abatacept.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Gaudin, rhumatologue à la Clinique Universitaire de Rhumatologie du CHU de Grenoble.
(1) Smolen JS et coll. Lancet 2008;371:987-97.
(2) Kremer J. Communication orale ACR 2008
(3) Genovese MC et colll. Arthritis Rheum 2008;58:2968-80.
(4) Emery P et coll. Ann Rheum Dis 2008;67:1516-23.
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