Une femme de 50 ans a commencé à ressentir une douleur à la cuisse gauche, localisée sur la partie antéro-inférieure, sans traumatisme ni facteur déclenchant. Les douleurs se sont progressivement majorées avec un horaire inflammatoire responsable de réveils nocturnes...
La patiente n'a par ailleurs aucun antécédent personnel ni familial particulier et ne prend aucun traitement.
Une hyperostose périostée de la diaphyse fémorale gauche
Un premier bilan d'imagerie a mis en évidence, sur les radiographies standards, une hyperostose périostée de la diaphyse fémorale gauche responsable d'un épaississement de la corticale osseuse et d'un rétrécissement du diamètre de la cavité médullaire (photo 1).
Ces modifications se sont confirmées sur le scanner qui a également mis en évidence un séquestre osseux (photo 2).
[[asset:image:7482 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["Image 2 :Pr\u00e9sence d\u0027un s\u00e9questre osseux "]}]]Sur l'IRM, ces anomalies étaient caractérisées par un hypersignal sur les séquences T1 Fat Sat et T2 (photo 3).
La lésion présentait un hypermétabolisme sur le PET TDM (photo 4).
Il existait également une atteinte débutante similaire au fémur droit, asymptomatique sur le plan clinique (photo 1).
Le bilan biologique était sans particularités, notamment pas de syndrome inflammatoire biologique.
Une origine génétique ou inflammatoire ?
Les principales hypothèses diagnostiques évoquées devant cette hyperostose des corticales diaphysaires étaient une maladie osseuse génétique, telle que le syndrome de Camurati Engelmann ou le syndrome de Ribbing, ou une cause inflammatoire comme le SAPHO. Des origines infectieuses ou tumorales avaient été éliminées devant le caractère symétrique de cette lésion. La cause génétique a finalement été écartée en raison des atypies : aspect asymétrique, début tardif des symptômes et surtout absence de mutation du gène du TGF beta.
Un traitement symptomatique par AINS était efficace mais insuffisant et une corticothérapie commencée à 0,5 mg/kg n'a pas permis de réelle amélioration.
Lors d'un bilan de réévaluation, la patiente a présenté une poussée de pustulose plantaire (photo 5), qui – associée à l'hyperostose – nous a permis de conclure à un syndrome SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose, Hyperostose, Ostéite).
Le SAPHO, un syndrome rare et méconnu
Avec une physiopathologie non encore élucidée, le SAPHO est une maladie rare dont la prévalence est estimée à moins de 1 /10 000 et qui survient en moyenne entre 30 et 50 ans.
Il associe de manière non systématique une atteinte cutanée de type acné conglobata, une pustulose palmoplantaire ou un psoriasis. L'atteinte rhumatologique retrouve fréquemment des synovites, une ostéite et/ou une hyperostose, se traduisant par des douleurs osseuses, continues ou par poussées inflammatoires, avec une succession de nouvelles lésions.
Les principales localisations sont la paroi thoracique antérieure (70 à 90 % des cas), avec l'atteinte des articulations sterno-costo-claviculaires et manubrio-sternales, donnant à la scintigraphie osseuse une hyperfixation typique en tête de taureau. Puis, viennent les atteintes du rachis (dans 30 à 50 % des cas), du bassin (15 à 40 %), des os longs (30 %) et de la mandibule (10 %) [1].
L'atteinte des os longs est assez peu fréquente et peu décrite dans la littérature. Elle touche majoritairement les fémurs et les tibias, dans leur portion métaphysaire et diaphyso-métaphysaire. Dans un article japonais de 2002, sept cas cliniques de SAPHO avec atteinte des os longs ont été rapportés (2). Ils étaient caractérisés à l'imagerie par une hyperostose se traduisant par un épaississement des corticales osseuses, une ostéolyse avec ostéosclérose ou encore des infarctus osseux. Une atteinte polyostotique a été observée dans six cas sur sept.
Dans le cas de cette patiente de 50 ans, la difficulté était l'aspect isolé de l'hyperostose corticale pendant plusieurs années, qui a conduit à évoquer d'autres diagnostics différentiels.
Un traitement par AINS ayant été insuffisant, une seconde ligne thérapeutique par bisphosphonates a été débutée. En cas d'échec, un traitement par biothérapie (anti-TNF-alpha, anti-IL17 ou anti-IL12/23) pourra être proposé, au regard des données actuelles de la littérature.
Service de rhumatologie, Centre Viggo Petersen, hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Parlier-Cuau C, Laredo J. Vertebral involvement in SAPHO syndrome. J Radiol. 2010 Sep;91(9 Pt 2):1068-78.
(2) Orui H, Takahara M, Ishikawa A, Takagi M, Tsuchiya T, Ogino T. Radiological features of long bones in synovitis, acne, pustulosis, hyperostosis, osteitis syndrome and their correlation with pathological findings. Mod Rheumatol 2002;12:56-63.
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