L’OBJECTIF de l’étude ERADIAS (Évaluation radiologique des insaponifiables d’avocat et de soja) était d’évaluer la capacité des IAS à ralentir la progression radiologique dans la coxarthrose symptomatique. Il s’agit d’un essai randomisé en double insu chez des patients atteints de coxarthrose primitive (selon les critères ACR) qui ont reçu pendant 3 ans, soit 300 mg par jour d’IAS (n = 166), soit un placebo (n = 179). Pour être inclus, les patients devaient être faiblement symptomatiques : indice de Lequesne supérieur à 3, douleur depuis au moins un an. « Les critères d’inclusion étaient très centrés sur les critères radiographiques qui, seuls, peuvent rendre compte d’une évolution structurale, surtout dans la coxarthrose, précise le Dr Emmanuel Maheu, les scores IRM n’étant pas encore bien codifiés. De plus, lorsque le protocole a été écrit, les critères admis pour ce type d’étude (de structuromodulation) étaient uniquement radiologiques. Les critères cliniques n’intervenaient que pour s’assurer que les patients étaient symptomatiques, mais peu en début d’étude. En effet, dans une étude sur 3 ans contre placebo, il n’est pas envisageable d’inclure des patients très symptomatiques qui risquent d’avoir besoin d’une prothèse avant 3 ans. »
Critère principal radiologique.
Le critère principal était l’évolution de l’interligne articulaire (IA) à 3 ans. Afin d’apprécier l’effet des traitements sur l’évolution radiologique, des clichés de bassin (face, antéropostérieur), de face centrés sur la hanche cible et de faux profil de Lequesne ont été effectués à J0, 1 an, 2 ans, 3 ans. Chez tous les patients qui avaient au moins deux radios de la même vue de la hanche cible, avant et après traitement, l’IA a été mesuré au site le plus pincé (IA minimum) par chondrométrie manuelle. « Nous avons sélectionné un procédé de lecture manuelle et non pas semi-automatisée car une étude préliminaire prévue par le protocole comparant les deux méthodes sur les clichés de 50 patients inclus dans l’essai (1) a démontré qu’il s’agissait de la méthode la plus sensible pour détecter un changement radiographique ».
À l’entrée dans l’étude, l’interligne articulaire (IA) devait être compris entre 1 et 4 mm au site le plus pincé de la hanche cible sur un cliché de bassin puis les patients étaient stratifiés en deux groupes en fonction de l’IA initial : < 2,5 mm ou ≥ 2,5 mm. « En effet, explique le Dr Maheu, une première étude pilote sur environ 100 patients avait montré chez les malades ayant un pincement le plus prononcé à l’entrée dans l’essai, une progression (aggravation) de l’évolution radiologique moindre en faveur des IAS. Aussi, les patients ont été séparés en deux strates afin de ne pas passer à côté d’un effet qui ne serait observé que chez les patients les plus sévèrement atteints. »
Lors de l’analyse des résultats, une première évaluation a été faite sur l’ensemble des patients, et la probabilité ajustée sur la strate, c'est-à-dire sur la valeur de l’interligne initial. La variation de l’IA minimum ajustée montre une perte moyenne d’IA minimum (au point le plus pincé) un peu moindre dans le groupe IAS sans atteindre la significativité statistique (-0,64 ±0,07 mm versus -0,67±0,06 mm).
Moins de « progresseurs » sous IAS.
Mais l’efficacité a aussi été appréciée par une analyse plus robuste et cliniquement pertinente : la comparaison du pourcentage de « progresseurs » définis par une perte d’IA ≥ 0,5 mm (seuil basé sur la plus petite variation détectable par le lecteur) (2). En effet, la progression n’évolue pas selon une courbe linéaire. Certains patients s’aggravent d’autres restent stables. Aussi est-il plus pertinent d’intégrer cette donnée dans l’analyse statistique en ajustant la valeur finale de la perte d’IA à la valeur initiale pour tenir compte de l’aggravation réelle. « Il est donc justifié, souligne Emmanuel Maheu, d’analyser les résultats en % de patients qui se sont aggravés, ce qui signifie transformer la variable continue qu’est l’évolution de l’IA de 0 à 3 ans en une variable dichotomique : aggravation « oui » ou « non ». Cela n’est possible que parce que nous avons des outils qui permettent de déterminer le seuil de progression pertinent au-delà de la variabilité de la mesure (0,5 mm). Une méthode de lecture adéquate et un lecteur compétent sont aussi indispensables. En appliquant cette méthode à notre population, nous obtenons deux groupes : les patients qui ont un IA qui s’est réduit d’au moins 0,5 mm (progresseurs) et ceux qui ont un IA qui n’a pas varié ou qui a varié de moins de 0,5 mm (non progresseurs). » Et lorsque la comparaison est effectuée entre le groupe de progresseurs sous IAS (40 %) et le groupe de progresseurs sous placebo (50 %), on observe une différence significative en faveur du groupe IAS (p = 0,039). Ce qui permet à Emmanuel Maheu de conclure que « le nombre de progresseurs est de 20 % inférieur dans le groupe IAS par rapport au groupe placebo (réduction relative). Cette différence radiologique est certainement d’une importance non négligeable et pourrait avoir un impact à long terme ».
Des résultats encourageants.
En ce qui concerne les symptômes douloureux sur une échelle visuelle analogique (EVA), les patients étant peu symptomatiques en début d’étude, aucune différence n’a été notée entre les deux groupes. Les 166 malades qui ont interrompu l’essai étaient également répartis dans les deux groupes. Il en a été de même pour les patients sortis en cours d’étude pour pose d’une prothèse totale de hanche. L’analyse de l’ensemble des facteurs ayant un impact potentiel sur l’évolution radiologique qui est le critère principal actuellement en cours.
L’étude ERADIAS est la deuxième étude de grande ampleur réalisée avec la méthodologie la plus rigoureuse actuellement possible qui met en évidence une amélioration radiologique à 3 ans chez des patients atteints de coxarthrose sous l’effet du traitement. La première étude était l’étude ECHODIAH qui avait montré une amélioration structurale avec la diacéréine (3). La signification clinique des résultats encourageants obtenus sous insaponifiables d’avocat-soja (diminution de 20 % du nombre de patients s’aggravant radiologiquement) en termes de réduction à plus long terme du nombre de prothèses totales posées ou indiquées, reste à évaluer.
D’après un entretien avec le Dr Emmanuel Maheu, service de rhumatologie du Pr F. Berenbaum, hôpital Saint-Antoine, Paris.
(1) Maheu E. et coll. Reproducibility and sensitivity to change of various methods to measure joint space width in osteoarthritis of the hip : a double reading of three different radiographic views taken with a three-year interval. Arthritis Research & Therapy 2005, 7 : R1375-R1385
(2) Ornetti P et coll. OARSI-OMERACT definition of relevant radiological progression in hip/knee osteoarthritis. Osteoarthritis Cartilage. 2009 Jul ; 17(7) : 842-9.
(3) Dougados M. et coll. Évaluation of the structure-modifying effects of diacerein in hip osteoarthritis : ECHODIAH, a three-year, placebo-controlled trial. Évaluation of the Chondromodulating Effect of Diacerein in OA of the Hip. Arthritis Rheum. 2001 ; 44 : 2539-47.
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