Les concepts récents de traitement de la cible (treat to target) et de contrôle serré de l'activité de la maladie (tight control) ont apporté la preuve de leur intérêt chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. « Ces concepts sont aujourd'hui repris dans la spondyloarthrite. Mais la surveillance mensuelle étroite de l'activité de la maladie qu'ils imposent s'avère irréalisable par les rhumatologues dans la vraie vie », explique en préambule la Dr Anna Molto (rhumatologue à l'hôpital Cochin, Paris).
D'où l'idée de l'équipe de rhumatologie de l'hôpital Cochin de s'appuyer sur des infirmières de rhumatologie pour rendre les patients acteurs de leur prise en charge, en leur apprenant à évaluer l'activité de la maladie (auto-évaluation). Cette approche a été étudiée dans l'essai multicentrique français COMEDSPA comportant deux études en une. Il a inclus 502 patients atteints de spondyloarthrite stable randomisés entre un programme dédié aux comorbidités (COM) et un programme éducation (ED).
L'objectif du programme d'éducation était d'évaluer l'éventuel impact de l'autogestion et de l'auto-évaluation dans le contrôle de la maladie.
Former et responsabiliser le patient
Une infirmière de rhumatologie spécialement formée est intervenue environ deux heures en début d'étude. Elle a recherché des déformations témoignant de forme sévère, puis a appris au patient à s'autogérer en insistant sur l'importance de l'arrêt du tabac, de l'exercice et de la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens qui, sauf contre-indication, représentent la pierre angulaire du traitement. Elle a projeté des vidéos pour expliquer au patient la maladie et lui montrer les auto-exercices à faire à la maison adaptés à son état (forme sévère ou non sévère de la maladie).
L'infirmière a ensuite expliqué l'importance de mesurer régulièrement l'activité de la maladie pour permettre un contrôle serré de l'inflammation et aboutir à une rémission, puis a montré au patient comment s'auto-évaluer. À l'aide d'une calculette, il a appris à calculer les indices BASDAI et ASDAS utilisés en clinique pour mesurer l'activité de la maladie et à reporter tous les mois dans le carnet qui lui a été fourni, le BASDAI, l'ASDAS, le nombre d'exercices faits et le nombre d'anti-inflammatoires pris.
Le critère principal de ce volet de l'étude (faire face à la maladie) n'a pas été atteint, mais plusieurs critères secondaires ont été positifs. Les patients éduqués par l'infirmière avaient un BASDAI à un an significativement plus bas que le groupe contrôle (ils l'avaient amélioré tandis que le groupe contrôle l'avait légèrement aggravé). À cela, la spécialiste voit deux explications : « Ce peut être l'exercice, car l'activité physique un an après l'intervention était plus importante dans ce groupe, tant sur le nombre d'auto-exercices à la maison que sur le temps total d'exercices… ou bien la meilleure compréhension des questionnaires. Expliquer le questionnaire (notamment la question 4 du BASDAI sur les zones sensibles au toucher ou à la pression, se référant aux enthésites) permet de parler le même langage et de se comprendre. En fait, l'amélioration est vraisemblablement au moins bifactorielle. Le patient bouge plus, limite ainsi les douleurs en lien avec la maladie et il a mieux compris le questionnaire ».
Un programme à proposer en pratique
L'impact significatif sur l'activité de la maladie et l'activité physique un an après une intervention de deux heures d'une infirmière, sans rappel intermédiaire, est remarquable. C'est la raison pour laquelle à l'hôpital Cochin, « ce même programme est désormais proposé aux patients qui viennent en hôpital de jour (avec infirmière, vidéos explicatives et d'auto-exercices adaptés, calculette, carnet de suivi), car nous sommes convaincus du rôle capital de l'infirmière et du rôle du patient. Il nous permet de suivre de près l'évolution entre deux consultations, sans voir le patient tous les mois », explique la spécialiste.
Les standards de qualité pour la spondyloarthrite publiés par l'ASAS et qui seront présentés cette année à l'EULAR précisent l'intérêt pour les patients d'avoir une fois par an une revue holistique coordonnée par le rhumatologue. « Elle pourrait intégrer cette éducation à l'autogestion et à l'auto-évaluation de l'activité de la maladie, comme le font les NICE guidelines dans la polyarthrite rhumatoïde », conclut la Dr Molto.
(1) Molto A. EULAR 2018 abstract OP0164-HPR
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