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L’ACTUALITÉ de la grippe A(H1N1)v semble être un bon exemple de ce qu’une question de santé publique est aussi une construction sociale, soumise à des luttes de pouvoir. Le processus qui concourt à donner un caractère de plus en plus public aux problèmes de santé associés aux risques collectifs avérés
ou potentiels est générateur de crises qui sont autant « d’épreuves pour des autorités, des experts officiels, sommés de justifier les pouvoirs, compétences et légitimités qui leur sont attribués », écrivent
Claude Gilbert et Emmanuel Henry dans la préface de l’ouvrage collectif qu’ils ont dirigé.
Fruit de chercheurs de disciplines différentes (sociologie, sciences politiques, science de gestion, histoire, géographie sociale), cette réflexion tourne autour de trois questions : à quelles conditions et au cours de quels processus un problème est-il défini ou appréhendé comme un problème de santé publique, avec comme
exemples principalement développés le risque des radiations ionisantes, de la téléphonie mobile ou des accidents de la route ? À quelles transformations sont soumises les définitions de problèmes de santé publique selon les espaces dans lesquels ils circulent, avec une analyse du saturnisme infantile, de l’épidémie de chikungunya à La Réunion et de la question des éthers de glycol ? Enfin, quelles influences ont les instruments sur la définition des problèmes, en prenant pour base la question du bruit urbain ou celle de la tremblante ovine.
Ces travaux de sociologie et de science politique, qui constituent autant d’aides précieuses pour comprendre la définition de ces problèmes dits de « santé publique », leur place dans le débat public et leur gestion sociale, montrent bien que le processus conduisant une autorité publique à se saisir d’un problème est loin d’être la simple réponse à l’urgence d’un problème objectif. Autrement dit, que la seule lecture naturalistique ne suffit pas, tant les problèmes ne s’imposent pas d’eux-mêmes aux acteurs publics selon leur gravité. En effet, un problème de santé publique est aussi une construction sociale et son émergence est ainsi le résultat de processus de mobilisation et d’action collective. Bref de médiatisation.
Le traitement politique de l’incertitude.
Dans le domaine de la santé, le principe de précaution participe ainsi largement « de la mise en place d’un dispositif de gouvernement des menaces émergentes qui réorganise profondément le traitement politique de l’incertitude et en souligne certaines ambiguïtés », analyse Claude-Olivier Doron dans le livre dirigé par Dominique Lecourt, numéro 3 des « Cahiers du centre Georges Canguilhem ».
Dans le même ouvrage, William Dab, ancien Directeur général de la santé, montre en quoi le principe de précaution, au tout au moins une « attitude de précaution », peut constituer un levier intéressant pour développer une culture de santé publique, au sens d’approche populationnelle de la santé, qui ne soit pas une affaire de « conformité réglementaire » mais une manière « d’évaluer les risques de façon professionnelle et de mettre en place des actions de maîtrise de ces risques ».
Les réponses à ces questions sont loin d’être consensuelles, si l’on en juge par le caractère parfois houleux des débats du centre Canguilhem retranscrits dans cet ouvrage. Un point semble accorder tout le monde, néanmoins : comprendre les enjeux structurant l’action publique n’est pas sans importance, car, au bout du compte, selon la définition adoptée, selon les cadrages effectués, un certain nombre d’individus, plus ou moins nombreux, plus ou moins caractérisés, vont se trouver affectés par la mise en uvre d’une politique de santé publique.
« Comment se construisent les problèmes de santé publique », sous la direction de Claude Gilbert et Emmanuel Henry, La Découverte/Pacte, 300 pages,
25 euros.
« La Santé face au principe de précaution », sous la direction de Dominique Lecourt, « Cahiers du Centre Georges Canguilhem » n°3, Puf, 158 pages, 16 euros.
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