SI L’ON OBSERVE une stabilisation du nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) en France depuis 1990 (200 000 par an), les mineures représentent toujours le plus fort contingent des demandeuses. Le taux d’IVG chez les adolescentes était de 13 400 en 2004, il est en augmentation depuis 10 ans (1). IVG et contraception d’urgence sont anonymes et gratuites. La contraception reste toujours payante, parfois il s’agit de contraceptifs remboursables, pouvant être pris en charge par la Sécurité Sociale des parents. Le rapport du Haut Conseil de la population et de la famille (décembre 2006) montre bien que si le taux d’accouchement des mineures a diminué de 1980 à 2004 (de 10 614 à 4 500), 3 grossesses sur 5 commencées avant 18 ans se terminent par IVG. Le retard diagnostique, lié le plus souvent au déni, aboutit dans la majorité des cas à une demande tardive d’interruption de cette grossesse avec les risques qui y sont liés. Pourtant la contraception est largement diffusée en France. Elle l’est sûrement donc mal ! La loi de 2001 a pourtant étendu sa prescription aux mineures sans autorisation parentale. Tous les médecins et même les sages femmes depuis cette année peuvent le faire.
Quand en parler ? Pour certains, la prévention de l’IVG se calque sur la prévention des maladies infectieuses ; il y a un calendrier vaccinal et on l’applique ! Alors pourquoi ne pas faire de même dans ce cas ?
Qui doit le faire ? Les trois acteurs médicaux sont bien sûr le médecin de famille, le médecin scolaire, le gynécologue. Au collège ou au lycée, les textes prévoient des cours d’information pouvant être dispensés par des intervenants extérieurs.
Comment l’aborder ?
Deux situations peuvent exister :
1 - La demande « préventive » : la jeune fille vient s’informer seule ou avec sa mère. Le prétexte invoqué concerne souvent des questions sur la vaccination HPV, l’existence de cycles irréguliers, de règles douloureuses. Parfois, c’est avant des vacances, une mère « dirigiste » préférant prendre les devants. Parfois même le prétexte est une demande de certificat de non contre-indication ou de dispense sportive…
2 - La demande « urgente » : l’adolescente est souvent seule ou avec une autre adolescente. La nécessité de prise en charge sérieuse est évidente. Les recommandations de l’ANAES et de l’AFSSAPS (2) en font foi.
La demande de contraception va dans la plupart des cas coïncider avec la première consultation gynécologique. Il faut savoir saisir les questions sous jacentes, savoir établir une relation de confiance. Plus que le produit prescrit, la tolérance et la compliance seront souvent liés au rapport établis avec le prescripteur. Celui-ci doit rassurer sur la confidentialité de l’acte. Il est souvent conseillé de créer un espace privé en faisant sortir l’accompagnant même s’il s’agit de la mère surtout si elle se dit « tolérante » mais « dirigiste » ! L’adolescente a besoin de son droit de parole, d’exprimer ses interrogations, ses craintes (poids, cancer, stérilité, etc.), seule à seule avec le prescripteur.
Vaccination anti-HPV et préservatif
C’est le moment pour le médecin d’aborder le problème de la vaccination HPV et d’informer sur le préservatif (IST) et d’apprendre sa technique de mise en place.
Son usage contraceptif nécessite une utilisation rigoureuse (transport dans un étui, un à chaque rapport etc.…). Il est possible à ce stade de conseiller de prendre un contraceptif d’urgence en rattrapage. S’il ne s’agit plus d’un rapport occasionnel mais de rapports habituels, il faut déconseiller les préservatifs mis uniquement en période à risque, car la fertilité des adolescentes est très élevée.
Si on a eu la chance de la voir à titre préventif, il faut tendre la main (ma porte vous est ouverte… Vous n’avez pas besoin de maman, vous pouvez passer ou me téléphoner, rassurer sur le prix de la consultation. En effet, la prise d’un contraceptif est alors nécessaire.
La consultation
L’interrogatoire doit permettre de s’informer sur les habitudes et le rythme des rapports. Il recherche les antécédents personnels ou familiaux pouvant contre indiquer la prise d’une contraception (HTA, thrombophlébite, un membre de la famille au 1er degré ayant eu un problème avant 50 ans maladie cardiovasculaire, diabète, kystes hormonodépendants) (3).
La discussion abordera le problème du tabac et des IST, celui des craintes concernant la prise de poids, le cancer, l’infertilité. L’examen va plutôt être une inspection à la recherche des signes sexuels primaires et secondaires (pilosité, seins, etc.…). Il n’est pas nécessaire à ce stade de faire un véritable examen gynécologique. Il est bien sûr trop tôt pour faire un frottis. Par contre, la prise du poids et de la taille permet le calcul de l’IMC. La première prescription se fait pour 3 mois ; elle est associée à une demande d’examen biologique pouvant inclure une sérologie VIH. Elle peut être l’occasion de prescrire un vaccin anti HPV.
- La première pilule.
Conseillée dans la majorité des publications, ce sera souvent une association minidosée monophasique. Elle est effectivement facile d’utilisation. Il est fréquent de conseiller d’avoir sa plaquette supplémentaire dans le sac… En cas de nécessité de dépannage. Pour les « têtes en l’air » l’utilisation des pilules en prise continue 20 ou 15 µg d’éthinylestradiol est recommandée. Il n’y a pas encore de données concernant les nouvelles pilules au 17 bêta-estradiol mais elles devraient théoriquement être intéressantes. Le prix et le non remboursement de la majorité des estroprogestatifs sont un frein non négligeable à son utilisation surtout si les parents ne sont pas au courant. L’apparition de génériques est, à ce sujet, une bonne chose. Il est à noter que depuis peu une pilule de 3e génération est remboursée (Varnoline continu). La nécessité d’une régularité de prise est importante et doit faire l’objet d’une explication.
Que faire en cas d’oubli ? Ne pas arrêter s’il y a un problème (saignement), autant de questions qu’il faut savoir aborder au cours de cette première consultation voire lors celle de contrôle à 3 mois. L’ordonnance d’une pilule devra ensuite être d’au moins 6 mois pour éviter les ruptures de stock !
- Les contraceptifs hormonaux non oraux
Ils sont peu utilisés à cet âge. Le patch (Evra associant 6 mg de Norelgestronine et 600 g d’EE) est trop fortement dosé bien qu’améliorant l’observance, il est souvent responsable de mastodynies. Il serait équivalent à une pilule à 20 µg d’EE.
Le Nuvaring est équivalent à une pilule contenant 15 µg d’éthinyl estradiol, sa tolérance est bonne, le fait de le garder 3 semaines favorise l’observance mais sa manipulation peut parfois rebuter.
Ils ont les mêmes contre indications que les pilules par voie orale.
- En cas de contre-indication aux estroprogestatifs.
On pourra prescrire une pilule micro dosée progestative. Mais il faut insister sur la nécessité de tenir compte de la régularité de prise quasiment drastique pour Milligynon ou Microval, pas plus de 3 heures de délai. Ces pilules sont souvent mal tolérées (spotting, kystes fonctionnels de l’ovaire, GEU, acné). Cerazette (étonogestrel) admet 12 heures, mais elle n’est pas remboursée.
L’Implanon : il va diffuser de l’étonogestrel, métabolite du désogestrel comme Cerazette, sa durée de vie est de 3 ans. Si la jeune fille pèse plus de 90 kg, il faut le changer plus souvent. Sa tolérance est variable (spotting, aménorrhée secondaire, séborrhée, acné, kystes fonctionnels de l’ovaire).
La prescription de progestatifs macrodosés n’a pas l’AMM sauf pour certains progestatifs androgéniques qui ne sont pas recommandés. Leur action sur l’os pose des problèmes (4). En cas de contre-indication des estrogènes : Lutéran 20 jours sur 28 est souvent bien toléré.
- Les contraceptions non hormonales :
- Le préservatif masculin : suivi non idéal (5)
- Le DIU : il n’est plus contre indiqué (ANAES 2 004) mais ne doit pas être une prescription de première intention. Le problème est lié à sa difficulté d’insertion et sa tolérance (douleurs, ménorragies).
La fréquence des IST et surtout des chlamydiae doit toujours avoir à l’esprit la pratique d’une balance bénéfice/risque.
L’utilisation du Mirena, SIU ou LNG est un progrès. Une étude en 2004 versus estroprogestatifs a montré une bonne tolérance et un taux de continuation identique.
L’action du LNG sur la glaire permet de mieux appréhender le problème des IST.
- Les autres méthodes : (spermicides, Ogino etc.) sont à proscrire en raison de la fertilité élevée de ces jeunes filles.
Et la contraception d’urgence ?
Jusqu’à ces derniers jours, elle était représentée par Norlevo, en vente libre, gratuite pour les mineures : 1 comprimé de 1,5 mg de LNG. Cette pilule dite du « lendemain » est efficace à 95 % si elle est prise au moins 24 heures après un rapport, 85 % entre 24 et 48 heures et 58 % entre 49 et 72 heures. Elle peut provoquer des spottings et des retards de règles. Depuis quelques jours, Ellaone a été mise sur le marché. Elle nécessite une prescription médicale et n’est pas encore remboursée. Il s’agit d’un SPRMs, l’ulipristal, surnommée la pilule du « surlendemain », elle agit pendant 5 jours, empêchant l’ovulation de se produire. On peut également utiliser le DIU du lendemain. Il faut alors le poser jusqu’à 5 jours après la date présumée de l’ovulation. Son efficacité est de 100 %. Il peut être retiré après les règles pour permettre la mise en route d’une contraception plus adaptée ;
Certains auteurs préconisent, dans ce cas, l’utilisation d’une antibiothérapie de couvertures et la pratique d’un test chlamydia.
(1) Haut Conseil de la Population et de la Famille : Pour une meilleure prévention de l’IVG chez les mineures Rapport présentées par Israël NISAND et Laurent TOULEMON
(2) CNGOF : Gynécologie et Obstétrique pour les médecins généralistes (2 005) Diffusion Vigot : La première demande de contraception S.Gaudu, S. Eyraud (Paris – Le Plessis-Robinson)
(3) CNGOF : Mises à jour en gynécologie médicale (2 006) Diffusion Vigot - Paris : Contraception chez l’adolescente – G.Robin, B. Letombe
(4) Os et contraception hormonale : que retenir – C. D’Arcangues Département Santé et Recherche Génésiques, OMS, Genève - RÉALITÉS en Gynécologie Obstétrique janvier/février 2009 n° 135
(5) Quelle contraception prescrire après l’âge de 40 ans ? Dr David Serfaty, Président de la Société française de gynécologie. Profession Gynécologue – avril 2009-10-22
D. SERFATY Abrégés – Masson, Paris 1998 : Contraception
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