LA CHIRURGIE réparatrice des mutilations sexuelles, telles que l’excision, commence à se développer en France depuis quelques années. Le sujet est pourtant encore tabou, et l’accès aux femmes concernées est parfois difficile. En Afrique, où les mutilations sexuelles sont extrêmement fréquentes, les premières causes de consultations sont les complications obstétricales (fistule vésicovaginale, césariennes en urgence pour grandes dystocies) et urinaires pédiatriques (fermeture du méat par sténose cicatricielle, incontinence par claquage vésical, voire insuffisance rénale terminale). En France, il existe un réel problème diagnostic. La plupart des femmes venant aux consultations spécialisées ne sont pas adressées par leur médecin, mais consultent grâce au bouche-à-oreille de leur communauté. Elles n’osent pas parler de leur excision directement à leur médecin. Dans beaucoup de cas, même si la mutilation est remarquée lors d’une consultation gynécologique, les médecins ne savent pas comment aborder le sujet et rien n’est fait. Savoir parler de la mutilation est un premier pas important dans la démarche de prise en charge.
Quel que soit le type d’excision, l’aspect cicatriciel lié au manque de soins prédomine. En Afrique de l’Ouest, l’excision concerne le gland clitoridien. En cicatrisant dans des conditions septiques, le moignon est désinséré de la peau et attiré vers le haut par le périoste ischiopubien. Cependant, même en l’absence d’infibulation, il existe très fréquemment une atteinte associée des petites lèvres, le geste de l’exciseuse emportant l’attache des petites lèvres sous le gland clitoridien. La cicatrisation entraîne alors un accolement de la partie haute des petites lèvres, constituant une pseudo-infibulation. Très inconfortable pour la femme lors des rapports sexuels, elle est source de complications surajoutées lors des grossesses.
La première consultation pour mutilations sexuelles est une étape très importante de la prise en charge, mais peut être difficile émotionnellement pour ces femmes qui ont parfois un souvenir conscient de l’acte, et chez qui d’autres traumatismes peuvent être associés (mariage forcé, inceste, violences conjugales). Il convient avant tout de parler, d’expliquer, de rassurer et d’écouter leurs attentes avant de les examiner. La palpation permet de sentir le moignon clitoridien fixé à l’os pubien, de faire le bilan de l’état des petites lèvres et du périnée postérieur. Il existe, dans 5 à 10 % des cas, un pseudo-clitoris qui peut être trompeur.
Reconstituer le gland clitoridien.
La chirurgie réparatrice consiste à enlever les cicatrices et à reconstituer l’appareil clitoridien dont la majeure partie est restée intacte. La réfection des petites lèvres est une partie importante de l’intervention, car elle permet de redonner très rapidement un confort lors des rapports sexuels. Elle modifie considérablement l’aspect postopératoire de la vulve et libère sa partie antérieure lors des accouchements. Le haut des petites lèvres est reconstitué par plicature à partir de la cicatrice verticale qui cache le clitoris. Le moignon clitoridien est ensuite libéré de ses adhérences avec le périoste, tout en respectant précautionneusement les nerfs de la zone. L’étape suivante consiste à séparer au sein du moignon cicatriciel les parties de clitoris nécrosées de celles qui sont préservées. En tirant fibres par fibres à l’aide de loupes, il est possible de faire réapparaître progressivement toutes les couches de tissu vivant, comprenant des corpuscules de Pacini intacts, et de retrouver assez simplement l’anatomie d’un gland normal, un peu désépaissi. La dernière étape consiste en l’interposition des bulbocaverneux entre le périoste et le gland, puis en l’insertion du néogland sur la fibrose périphérique laissée en place en arrière.
Les soins et le suivi postopératoires sont tout aussi importants que le geste chirurgical, pour la réussite cosmétique et fonctionnelle de la réparation. Les soins locaux des deux premiers mois permettent la réépithélialisation, en surveillant un éventuel excès de couverture, qui nécessiterait l’utilisation de produits de régulation. La peau est en place en général vers la sixième semaine, ce qui autorise la reprise des rapports sexuels. La restitution de la sensibilité peut commencer à apparaître à partir du sixième mois. Le suivi postopératoire est effectué par une équipe pluridisciplinaire comprenant sages-femmes, sexologues et psychologues, afin d’accompagner la femme dans le long processus de reconstitution de sa sexualité.
*D’après un entretien avec le Dr Pierre Foldès, urologue à Saint-Germain-en-Laye.
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