APRES cinq années de négociation, l’échec : les eurodéputés et le Conseil européen se sont quittés la semaine dernière, dans la nuit de lundi à mardi, sans parvenir à un accord sur le temps de travail. C’est la première fois qu’une procédure de conciliation échoue, preuve que le sujet est des plus sensibles.
Principal point d’achoppement : « l’opt-out », c’est-à-dire la possibilité, à titre dérogatoire, de travailler au-delà du plafond maximal de 48 heures par semaine. Une minorité de pays, emmenés par le Royaume-Uni, souhaite le maintien de cette disposition. D’autres pays s’y opposent au nom d’une Europe sociale.
Des millions de salariés sont concernés par le sujet, et notamment les deux millions de médecins hospitaliers des 27 états membres. Une absence d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord, ont aussitôt commenté les syndicats médicaux. Comme l’a noté Alejandro Cercas (Parti socialiste européen), rapporteur du Parlement européen, « un mauvais accord aurait empiré la situation des travailleurs et des médecins en particulier. Nous gardons une porte ouverte sur l’avenir, et espérons trouver une solution avec la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement ».
Michel Dru, le président du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR), résume la position hexagonale : « On est plutôt content, même si on aurait préféré un accord qui prévoit la fin de l’opt-out à une date précise ». Le Dr Dru liste les points positifs : il n’y a, à ce stade, pas de création de périodes inactives de travail (la garde reste donc comptabilisée dans le temps de travail, en France tout au moins car certains pays n’appliquent pas cette mesure) ; le repos de sécurité n’est pas différé, mais reste consécutif à la garde ; le calcul du temps de travail n’est pas annualisé, mais reste basé sur une période de quatre mois.
La poursuite de l’ opt-out, que réclamait le Royaume-Uni, va permettre aux hôpitaux de continuer à embaucher des médecins plus de 48 heures par semaine. En France, les praticiens hospitaliers sans gardes travaillent en moyenne 44 heures par semaine. Ceux qui prennent des gardes (les anesthésistes, réanimateurs, radiologues, cardiologues...) dépassent régulièrement les 48 heures, et tournent plutôt autour de 54 heures par semaine. Les plages additionnelles leur sont payées et reposent sur le volontariat, ce qui n’est pas le cas à l’Est de l’Europe, où il n’est pas rare que des médecins travaillent 70 voire 90 heures par semaine sans un euro de plus que leur salaire de base, déjà bien faible au regard des rémunérations en vigueur de ce côté-ci du continent.
Le lobbying continue.
« Nos collègues dans d’autres pays sont moins bien lotis, ils ne signent pas de contrat pour les heures supplémentaires qu’ils effectuent. C’est surtout pour eux que nous nous battons », déclare le Dr Michel Dru, président du SNPHAR. Maintenant que la pire menace (la transformation des gardes en travail inactif) est passée, la perspective d’une Eurogrève des soins n’est plus à l’ordre du jour. La mobilisation médicale reste néanmoins d’actualité : « Nous allons continuer notre travail de lobbying auprès des instances européennes pour obtenir la fin de l’opt-out à une date précise », résume le président du SNPHAR.
Prochaine étape ? Les élections européennes, avec à la clé un éventuel changement de majorité au Parlement. L’actuel Parlement résume la situation : « Puisqu’aucun accord n’a été trouvé sur un nouveau texte, la directive actuelle reste en vigueur, même si la Commission européenne peut faire une nouvelle proposition. Toute nouvelle législation devra tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice sur le temps de garde », jurisprudence qui assimile le temps de garde à du temps de travail. De nombreux hôpitaux en Europe de l’Est tirent sur la corde et ne sont pas en règle sur ce point, faute de praticiens en nombre suffisant, et faute, aussi, de financement.
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