C'est un matin d'avril brumeux, au numéro 17 de la place Halmtorvet. Le grand bâtiment aux briques jaunes typiques de la capitale danoise s'éveille calmement, bercé par les cris des mouettes rieuses.
Devant la porte d'entrée, quelques fumeurs grillent une cigarette tandis que passe, sur le trottoir, un jeune papa et sa poussette. Rien n'indique que se tient là « H17 » : l'une des plus grandes salles de consommation de drogues à moindre risque (SCMR) d'Europe. Depuis son ouverture en août 2016, quelque 400 usagers quotidiens viennent en effet consommer ici librement leurs produits, sous supervision médicale. La mairie, qui finance et pilote le projet, a dépensé 4 millions d'euros pour transformer cet ancien abattoir du quartier branché de Vesterbro, voisin de la gare centrale et lieu historique de la drogue à Copenhague. Soit un espace flambant neuf de 1 000 m2 comprenant 8 espaces individuels pour les injections, 8 autres collectifs pour les produits fumés, une clinique, ainsi que des espaces de repos et de socialisation.
Les SCMR ont fait une apparition récente au Danemark. « La toute première expérience remonte à 2011. Ce n'était d'ailleurs pas une salle à proprement parler mais une ambulance mobile », se souvient Louise R. Mortensen, la directrice de H17. Son succès a conduit la mairie à ouvrir dans la foulée un local, au sein d'un foyer de Vesterbro. Reste que l'étroitesse du lieu (un appartement de 75 m2) ne permettait pas d'accueillir tous les usagers. Pour accéder à H17, ouverte tous les jours entre 7h30 à 23h30 (22h/24 à partir de juin), les usagers doivent d'abord s'enregistrer. On leur demande un nom (qui peut être un pseudo), une date de naissance et un lieu d'origine. Pas de pièce d'identité. Puis ils signent une décharge et certifient qu'ils sont majeurs et, s'agissant des femmes (15 % des usagers), qu'elles ne sont pas enceintes. Les fois suivantes, ils déclinent juste leur nom au guichet et l'hôte d'accueil leur ouvre à distance l'espace choisi.
Matériel sécurisé et surveillance médicale
Tout est vitré, laissant, à dessein, très peu d'intimité. Ils disposent alors de 30 minutes s'ils fument leur produit, et de 45 s'ils l'injectent. Ils peuvent ensuite se reposer dans une vaste « relaxing room » aux tons pastel. La raison d'être de H17 est simple : faire baisser la mortalité des usagers. « Le but est d'abord d'offrir un environnement sain et du matériel sécurisé, ainsi qu'une surveillance médicale. Prises en charge sociales et psychologiques sont optionnelles ». Au cœur de cette vigilance, donc, la réduction des risques infectieux via du matériel stérile et la prise en charge des overdoses. Ces dernières sont la principale cause de décès chez les consommateurs de drogues dures, devant le VIH, les maladies circulatoires et le suicide, selon un rapport de 2015 du European Monitoring Center for Drugs and Drug Addiction.
Le Danemark déplore près de 300 morts par overdoses chaque année. Il y a donc toujours, dans les salles de H17, au moins un membre de l'équipe médicale. Celle-ci est constituée d'infirmiers, et d'un médecin, présent un jour par semaine. Le personnel est habilité à assister les usagers, exception faite du dernier geste : l'injection elle-même. Preuve de la nécessité du dispositif : 1 à 2 overdoses ont lieu chaque semaine entre les murs de H17, dont aucune, en 8 mois, n'a été mortelle. « Il est évident que dans la rue ou dans une cage d'escalier, le taux de survie n'aurait pas été le même », constate Louise R. Mortensen.
Un débat plus apaisé
À H17 est surtout consommée de la cocaïne, le plus souvent fumée (2/3) qu'injectée (1/3), ainsi que du crack. H17 est aussi un répit pour les usagers, dont la moitié sont sans domicile fixe. « Ici, je me sens en sécurité. Je suis à l'abri à la fois de la police et du regard des gens. Dans la rue, on vous juge. Les gens changent de trottoir. Et puis ici, ils fournissent du matériel », explique, au sortir de H17, Tyson. Ce trentenaire vient ici « 9 à 10 fois » par jour. Comme ailleurs, le sujet est sensible, mais le débat plus apaisé. Pour H17, placée à 50 m d'un commissariat de police, la mairie a lancé les discussions avec les riverains près de 2 ans avant l'ouverture, finalement très peu contestée. Par souci de pédagogie, la directrice ouvre grand ses portes une fois par mois aux voisins : « Ça dédramatise le lieu. Lorsqu'ils le voient, beaucoup de fantasmes s'envolent ». H17 a trouvé son rythme de croisière, mais pourrait encore mieux faire, selon sa directrice, qui estime le budget actuel insuffisant (2,2 millions d'euros annuels). « Nous aurions besoin de plus de staff (23 personnes actuellement, 33 à partir de mai) pour pouvoir développer le volet social. De même, nous aimerions pouvoir tester la pureté des produits, pour informer les usagers des risques encourus ».
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